La Deutsche Bank quitte le groupe de banques établissant le fixing de l’or de Londres.
Pourquoi ce choix ? Et que veut dire cela pour le fixing ?
Le Fix ou fixing de l’or perd la Deutsche Bank 18 heures après le discours du régulateur allemand BaFin. S’agit-il d’une coïncidence ?
Le fixing ou fix de l’or de Londres va devenir plus petit, et potentiellement moins liquide, avec l’annonce du retrait de la banque allemande.
Mais moins de liquidité est en fait exactement l’inverse de ce que BaFin a affirmé qu’il voulait encourager. Les deux événements sembleraient loin d’être non liés.
La Deutsche Bank est bien connue. C’est un établissement bancaire commercial et d’investissement, basé et régulé en Allemagne. C’est aussi un membre faiseur de marché de l’Association du marché des métaux précieux de Londres, ou London Bullion Market Association (LBMA). Cette association garantit la cotation des offres d’achat et de vente de l’or et de l’argent-métal tout au long de la journée.
La Deutsche Bank est aussi membre des entreprises London Gold Fixing et London Silver Fixing. Entièrement indépendantes de la LBMA, ces entreprises à responsabilité limitée existent dans le seul but d’atteindre et d’annoncer un cours du fixing chaque jour ouvré, pour l'or et pour l'argent-métal.
Ce fixing est comme un instantané du prix de Londres à un moment donné de la journée, à 10H30 et 15H pour l’or et à midi pour l’argent (heures de Londres). Car la capitale britannique reste le centre du négoce mondial des métaux précieux, et agit comme la référence internationale.
Les joailliers utilisent le fixing de Londres pour évaluer leurs produits. Les banques centrales utilisent le fixing pour évaluer leurs réserves. Les fonds d’investissement utilisent le fixing pour suivre les performances de l’or. Enfin, les compagnies minières aurifères utilisent le fixing pour vendre leurs métaux sur le marché professionnel, une fois raffinés en de larges barres de Bonne livraison. Ces compagnies minières utilisent cette référence pour lever des fonds via ces mêmes banques de métaux précieux, référençant des fixings futures comme prix de règlement pour les contrats Futures.
Comment est établi le fixing chaque jour ?
Il est créé en parallèle avec le marché « spot », mais est vraiment là où les cours spot cotent au moment où le fixing est établi. Avec le spot, chaque acheteur et vendeur se rencontrent directement (tout comme vous pouvez le faire sur BullionVault) et fixent un prix qu’ils choisissent sur les transactions individuelles, plutôt que sur l’ensemble du marché. Alors que les fixings est établi par un petit groupe de banques (5 pour l’or et 3 pour l’argent ; et maintenant 4 pour l’or et 2 pour l’argent) qui amènent les ordres de leurs clients à la table des négociations.
Elles cherchent ensemble un prix unique pour le marché dans son ensemble qui permettra de régler le plus grand volume des demandes de leurs clients.
Donc, à l’inverse du scandale des taux d’intérêt du Libor et de l’Euribor qui a fait les gros titres, les fixings de Londres pour l’or et pour l’argent sont construits sur la base « de transactions réelles dans des marchés liquides ». C’est ce qu’affirme Dr Elke König, présidente du régulateur financier allemand BaFin, dans un discours qui s’est tenu à la mi-janvier à Francfort.
Jusqu’ici, tout va bien pour le fixing de Londres, alors.
En effet, les points de référence devraient être basés le plus possible sur les vraies transactions, a affirmé König, opposant les références des devises et des métaux précieux avec les taux d’intérêt discrédités du Libor et de l’Euribor. Ce sont simplement « des estimations des banques », par les prix réels créés par les demandes et les offres réelles.
Mais la dirigeante du BaFin va plus loin. Alors que c’est peut-être une coïncidence que 18 heures après le discours, la Deutsche Bank affirme qu’elle veut quitter le fixing, Dr König était claire sur la façon dont les régulateurs financiers allemands voient le futur des références financières comme les fixings de l’or et de l’argent de Londres.
« Les évaluations des experts sur le prix devraient être perçues comme valides/ légitimes, mais seulement si elles peuvent être prouvées. A présent, la commission [des régulateurs comme BaFin] accepte un autocontrôle par le marché. Mais les données pertinentes devraient être clairement documentées et vérifiées par un organisme de contrôle indépendant et privé ».
De plus, « à Bruxelles, les nouvelles régulations d’abus des marchés sont en préparation. La manipulation des références devrait devenir un crime. »
Les fixings de Londres, ont bien sûr lieu au Royaume-Uni, Londres a été accusé par ses partenaires européens et américains de permettre à la crise financière de se développer et d’exploser avec trop de « touches légères » et pas assez de « contrôle central ». Donc le régulateur britannique, la Financial Conduct Authority, a déjà commencé à enquêter sur le fixing de l’or de Londres. On dit que la FCA a un observateur du fixing, tout comme elle a depuis quelques temps un observateur sur le comité de direction de l’association plus large qu’est la London Bullion Market Association.
Comme le marché au spot, le fixing est aussi effectué en dehors de toute bourse de négoce centralisée et formelle. C’est ce que le marché libre le souhaite. Les vendeurs consentants et les acheteurs consentants, avec chacun jugeant la solvabilité de l’autre pour eux-mêmes contre les termes standards de règlement en deux jours. Tout le monde reste ainsi plus vigilant. Plutôt que de laisser une « surveillance réglementaire » endormir tout le monde dans un faux sentiment de sécurité, juste parce que la bureaucratie a dit que tout allait bien.
Mais alors que la crise financière s’atténue, les réglementations jouissent d’un plus grand marché haussier que les actions biotech US. Et « la transparence des marchés et le contrôle des marchés sont seulement possibles que si les nombreux flux d’échanges sont centralisés », estime König. « L’on souhaiterait donc que ces prix de références bougent le plus possible vers une transparence et directement ou indirectement vers une bourse d’échange supervisée par l’état ».
En résumé : on parle ici de
- criminalisation,
- perte de la confidentialité de clients (ou au mois du flux de négoce), et
- transfert vers un marché centralisé supervisé par le gouvernement.
Si le départ de la Deutsche Bank du fixing était une simple coïncidence, le timing serait exceptionnel.
Nous ne tenons pas la chandelle aux banques de métaux précieux, encore moins aux banques d’investissement parentes. Mais nous avions discuté auparavant du mode de fonctionnement du fixing de Londres, pourquoi il est utile et comment il atteint un prix dans un processus de décision libre d’achat et de vente.
Des rumeurs de réglementation et les commentaires ces jours-ci semblent directement responsables du retrait d'un cinquième de la base des clients du fixing de l’or, et un tiers de celle de l’argent. La perte de la Deutsche est le premier changement au groupe du fixing depuis que N.M. Rothschild Bank l’a quitté en 2004, alors que le marché baissier de l’or se transformait vraiment en une forte tendance à la hausse. Ce n’est pas bon pour la liquidité qui est selon BaFin vitale pour un prix de référence solide.
Plus généralement, la perte du Proprietary trading par les banques sur les marchés des métaux précieux, des commodités et autres menace aussi de causer la perte de la liquidité lors du négoce journalier régulier.
Deutsche Bank et d’autres banques ont déjà réduit une grande partie de leurs activités liées aux commodités. La banque allemande a suspendu cette semaine plusieurs traders de devises de ses bureaux newyorkais faisant maintenant l’objet d'une enquête portant sur des allégations de manipulation de ses parts de 15% du marché des devises étrangères, aux côtés d’autres acteurs de ce « cartel ». Trader son propre argent (ou plutôt les fonds de leurs actionnaires) est sans aucun doute une activité à risque. Et sans aucun doute, les prix de référence rapportés, plutôt que ceux créés par le flux des ordres des clients dans diverses firmes, est une porte ouverte aux malfaisances. Donc si les banques doivent avoir des garanties d’état, avec des plans de sauvetage quand il y a des problèmes, alors ce risque doit être éliminé pour éviter que les contribuables ne paient les transactions irréfléchies et les gros bonus qui peuvent suivre les manipulations.
L’alternative, comme on l’imagine, serait de retirer la garantie d’état, laissant les banques trader comme elles l’entendent et être le dos au mur quand elles font faillite, et les clients prendront la responsabilité de juger les prix du marché comme ils l’entendent. On peut rêver.
Cependant, et si cette tendance continue, on s’attend à du négoce plus serré sur le long-terme, ponctué par des pics de volume lourd quand les grandes positions d’investissement sont prises.
Tout cela en un jour de travail. Les banques garanties par l’état et les marchés libres ne vont pas main dans la main.
Article d’Adrian Ash, traduit et édité par Thomas Podvin.
BullionVault permet d'acheter de l'or en ligne.