L'argent il y a cinq ans : la frénésie des investisseurs

Pic d'investissement en avril 2011.

Fin avril, l'argent a fêté le cinquième anniversaire du pic d'investissement de 2011 en affichant un bon de 16% d'un mois sur l'autre. 

"Les cours de l'argent pour l'investissement professionnel viennent de célébrer le 5ème anniversaire du pic historique avec une nouvelle hausse… très familière", a écrit Adrian Ash pour BullionVault Argent.

Un composé essentiel pour les produits électroniques, les alliages, la production chimique et l'énergie solaire, le métal gris a offert des gains récents. L'argent en dollars a effectivement affiché en fin avril un gain de 16% par rapport au mois précédent.

Soleil de printemps et explosion de prix de l'argent ?

La dernière fois qu'on a vu cela c'était il y a exactement cinq ans, lors de la dernière séance d'avril 2011.

Peut-être que vous vous souvenez de ce jour d'avril 2011. Beaucoup d'investisseurs dans l'argent n'oublieront jamais, tout comme leur compte des pertes et profits.

_{Cours de l'argent en dollars par once entre 2006 et 2016.}

A l'époque, le taux de croissance des cours de l'argent avait dépassé la hausse des cours de l'or d'un facteur de quatre, bondissant de plus de 28% entre la fin mars et le début du long week-end de Pâques pour atteindre quasiment le prix le plus élevé de l'histoire, à quelques cents des 50 dollars l'once observés en janvier 1980, lors de la conquête du marché de l'argent par les frères Hunt. .

Le mardi 26 avril 2011, les contrats à terme ou Futures en argent du Comex ont dépassé les 49 dollars l'once.

Le jeudi 28 avril 2011, le fixing de l'argent de Londres s'affichait à 48,70 dollars l'once, le troisièmes prix le plus élevé en 120 ans d'histoire du marché des grossistes, juste derrière le prix des frères Hunt.

Comme pour janvier 1980, le pic de 2011 n'était juste que cela, un sommet sur la courbe des prix. L'argent a terminé l'année plus bas d'un tiers, puis n'a cessé de reculer pour n'atteindre que 13,65 dollars l'once en fin 2015.

Nous y voici encore, à observer la fin d'un autre mois d'avril avec le plus haut niveau de clôture mensuel du cours officiel de Londres depuis août 2014, avec le taux de croissance mensuel le plus élevé depuis le rebond estival de 2013 suite au krach des cours.

Pourquoi donc ?

La hausse du prix l'argent, qui s'est dégonflée il y a cinq ans, semble avoir été une "ruée".

Une des raisons cruciales, souvent citée, pour rejoindre cette ruée en 2011 était qu'il s'agissait d'une ruée. Le célèbre pronostiqueur Jim Cramer affirmait que tant que les investisseurs de détail achetaient, le prix continuerait à grimper.

Il disait en gros : Achetez pendant cette bulle, car c'est une bulle. Et pour toute preuve, il suffisait de regarder les étagères vides des boutiques de ventes de pièces d'argent et de lingots d'argent.

Les investisseurs privés "heureux" de défendre leur épargne en perdant immédiatement 10% ou plus avec les coûts de transaction des pièces et lingots (et 20% de TVA en plus en Europe) ont trouvé qu'il était difficile d'acheter autant qu'ils le voulaient. Et ils en voulaient beaucoup. Car cette pénurie "prouvait" que l'argent allait bientôt s'épuiser !

Le marché mondial des grossistes a aussi subi une série de blocages dans sa chaîne logistique au printemps 2011, due non pas à une pénurie de métal, mais à un manque de camions blindés et d'employés spécialisés pour faire face au volume des ordres de livraison. Ce qui a conduit les fabricants de lingots et les hôtels des monnaies a une course effrénée pour suivre la cadence de la demande des petits investisseurs vidant les étagères de leurs boutiques régionales.

Ici, en fin 2016, il y a une belle histoire de "pénurie" de l'argent en place, mais elle est moins urgente et moins étendue que la ruée d'il y a cinq ans. Ce n'est pas nouveau, même si certains considèrent cela comme de l'information d'actualité. La grande différente est que maintenant, les particuliers ne sont pas les plus atteints par cette fièvre de l'argent. Les gestionnaires professionnels d'argent (espèces) et les hedge funds le sont (mais eux n'utilisent que des fonds empruntés).

L'indicateur de tendance, le Sprott Silver Trust (NYSEArca : PSLV), a atteint une prime de 5,9% sur les cours actuels de l'argent en début d'avril. C'était la surévaluation la plus importante depuis le milieu d'année 2012. Mais cela représente une fraction du pic de 32% de 2012 ou du niveau de 25% d'avril 2011. La hausse au printemps 2016 des cours de l'argent n'est pas due aux gestionnaires d'argent utilisant des véhicules plus efficaces comme les fonds indiciels cotés en bourse, tel que le géant iShares Silver Trust (NYSEArca : SLV). L'ETF argent est revenu aux niveaux de 2014 et n'a gagné que 137 tonnes d'argent en plus sur ses réserves de ce mois adossées à ses parts.

La plus grand frénésie sur le marché de l'argent est cette fois-ci alimentée par les hedge funds et autres spéculateurs de capitaux fébriles (hot money) qui utilisent les leviers pour augmenter leurs gains (et leurs risques aussi, bien sûr) sur les contrats à terme et les options argent du Comex.

A l'opposé d'acheter du métal ou de suivre les prix avec un ETF, les contrats sur l'argent négociés sur le Comex ne requiert qu'un petit apport. Le but de la manœuvre est de profiter de tout le mouvement de l'or pour seulement une fraction du coût initial.

Les compagnies minières, les affineurs et les autres participants de la chaîne logistique utilisent les contrats à terme ou Futures et les options pour protéger leurs expositions à la chute des prix. En achetant "short" ou à découvert, ils auront au moins obtenu un profit sur le Comex pour aider à couvrir toute perte financière faite sur du métal réel qu'ils ont extrait, traité, livré ou détenu dans leurs inventaires.

De l'autre côté du négoce, l'argent spéculé sur les contrats argent du Comex n'est pas désiré. Les spéculateurs achèteraient simplement le métal s'ils souhaitaient en prendre livraison. Et pariant sur la direction des prix, les participants non industriels ont déjà constitué ce mois-ci la plus grande position nette long ou créditrice jamais enregistrée. A l'inverse des spéculateurs sur l'or, ils ont déjà refusé de ralentir avant l'annonce en début du mois de mai par la Fed de sa décision sur les taux d'intérêt.

En tout, la catégorie de managed money ou d'argent géré professionnellement détenait à elle seule un pari net haussier équivalent à 10 920 tonnes d'argent. Soit 40% de la production minière annuelle mondiale d'argent. La valeur notionnelle de ce pari net a atteint 5,95 milliard de dollars, soit la plus grande valeur depuis la fin 2012, quand l'argent cotait à presque deux fois les niveaux actuels, vers les 35 dollars l'once.

Que se passerait-il avec l'argent si tous ces traders haussiers du Comex demandaient une livraison du métal à la fin de leur contrat ? Ils ne le feront pas, car ils ne veulent pas l'argent métal. Il achèterait de l'argent métal simplement s'ils voulaient du métal gris. Ils ne veulent pas non plus dépenser tous leurs fonds pour acquérir le métal. Pour obtenir l'argent physique du Comex, il leur faudra montrait le reste des fonds nécessaires pour l'acheter, en plus du petit acompte déjà versé (la marge initiale). 

Cette spéculation ne concerne en fait pas l'argent, mais les cours de l'argent et ce qu'ils représentent ou indiquent. Ceci avec l'annonce de la Fed concernant les taux d'intérêt cette semaine n'a rien à voir avec les multiples utilisations industrielles de l'argent, ni même avec le boom des installations de panneaux solaires en Chine.

L'argent a bondi car la Fed n'a pas su donner suite à la hausse des taux en décembre. C'est quelque chose toujours attendu par les épargnants de long terme comme le montre la demande d'investissement solide et persistante. Et ce même avant que la hot money n'ait commencé ses spéculations nettes long à des hauts record plus tôt en 2016.

Utilisé comme de la monnaie tout au long de l'histoire, l'argent est encore considéré comme une réserve de valeur quand il faut. Mais son prix est aussi très volatil. En dehors du Comex, l'on ne voit pas cette ruée aujourd'hui. Pas encore. Et les investisseurs souhaitant prendre une position peuvent simplement acheter de l'argent physique aux coûts les plus bas, en achetant de l'argent en ligne. Vous n'avez pas besoin de subir les écarts de marché important des pièces, les structures complexes des fonds indiciels ou les paris à levier.

16% en un mois, n'est-ce pas un gain suffisant ?