Banque centrale : filière de demande unique pour l'or
Peu d’autres personnes achètent de l’or.
Est-ce que le rebond des cours de l’or par rapport aux plus bas de 21 mois cet été sont une fausse alarme ?
Les signaux macroéconomiques semblent tous haussiers pour l’or, a indiqué l’ancien dirigeant de la Banque d’Angleterre Adam Posen lors d’un forum ce lundi matin dans le cadre de la conférence de la LBMA, qui se tient cette année à Boston.
Plus d’incertitudes encouragent tout le monde à préférer des actifs tangibles. L’inflation favorise aussi l’or et les autres métaux précieux. Plus de fragmentations politiques renforce ce mouvement. La croissance faible de productivité mondiale a aussi réduit les gains spéculatifs sur les autres investissements, a continué Posen, qui officie maintenant comme président pour l’institut Peterson pour l’économie internationale.
Ce n’est pas la première fois qu’on entend ce discours. A chaque début de conférence de la LBMA au cours de ces cinq dernières années, l’on a entendu une perspective macro-économique insistant sur les risques géopolitiques, les gouvernements surendettés et les taux d’intérêt négatifs ou à zéro.
Les cours de l’or sont bloqués dans un écart de prix quoi qu’il en soit, manquant d’atteindre les 1 400 dollars l’once alors qu’ils se maintiennent présentement aux niveaux bas observés lors du krach de 2013-2015.
Le consensus global concernant l’argent métal pourrait aussi bien changé.
Posen est par exemple plus inquiet concernant une hausse de l’inflation, commençant au premier semestre 2019. La croissance de productivité plus lente, plus des coûts de la vie plus élevés établis maintenant avec la guerre commerciale de Trump signifient que l’économie a moins de place pour « s’échauffer » avant que les prix ne montent.
Ses collègues à l’institut Peterson qui n’avaient rien vu auparavant d’inquiétant concernant le ratio dette sur PIB de l’Italie sont maintenant sérieusement anxieux à cause du gouvernement de cohabitation de Rome, car le plan fiscal manque de crédibilité et ses politiciens importants sont aussi fortement sceptiques concernant l’euro.
L’euro n’est pas quelque chose que l’on quitte, a affirmé Isabelle Strauss-Kahn, anciennement de la Banque de France, et aussi invité du forum. Ce qui veut dire que cela s’avérera être sans aucun doute un désastre avant de pouvoir en sortir. Un sondage récent, d’autre part, montre que deux tiers des Italiens soutiennent l’adhésion à la devise du marché unique, a ajouté Gabriel Glöckler de la Banque centrale européenne. Et d’ajouter que c’est irréversible.
Le retour des spreads des bons italiens en 2018 dans les gros titres des journaux a coïncidé avec un renversement marqué de la demande en or des banques centrales. Ayant abaissé ses réserves totales jusqu’au moment de la crise financière, l’Europe a vu cet été ses premiers achats officiels pour le 21ème siècle avec les banques centrales de la Pologne puis de la Hongrie annonçant leurs achats.
Après tout, « l’or physique n’est la dette de personne », comme l’a souligné lundi Peter Zoellner de la Banque des règlements internationaux.
En temps de risque de crédit et de problèmes géopolitiques, il s’est avéré être un actif solide, moins corrélé avec les actions et les bons et non exposé au secteur financier.
« Les investisseurs ont appris cette leçon ces 20 dernières années », a ajouté Zoellner.
De plus, de nombreuses banques centrales ne peuvent détenir du papier qui n’offre pas de rendement. Ce qui veut dire notamment qu’elles excluent d’acheter des bons souverains de la zone euro une maturité jusqu’à 7 ans.
Les faibles, voire négatifs, taux d’intérêt aujourd’hui dans le monde diminuent les coûts d’opportunité de détenir de l’or. Ils font aussi de l’or une valeur refuge se démaquant par rapport aux taux fortement négatifs offerts par les francs suisses.
Les banques centrales ont bien sûr détenu pendant longtemps de l’or comme actif principal. Ray Testa de la Réserve fédérale de New York a noté la façon dont la banque centrale américaine avait conservé 12 000 tonnes d’or pour le compte de gouvernements et autres agences du secteur officiel à son plus haut en 1973. La Fed de New York conserve toujours 6 500 tonnes d’or (mais son total est dépassé par les stocks dans les coffres de banque et coffres commerciaux à Londres) et le total a diminué constamment depuis la fin du système de Bretton Wood, avec les ventes par les banques centrales et aussi les réarrangements géopolitiques.
L’Allemagne par exemple a déménagé ses réserves nationales en métal jaune. D’autres pays de l’Europe de l’ouest ont « rapatrié » une partie ou toutes leurs réserves d’or également. Mais alors que ces pays développés n’ont jamais suggéré qu’ils ne faisaient pas confiance ou n’aimaient pas la Fed, la politique d’achat d’or par la Russie semble clairement être un défi envers la dominance des Etats-Unis en ce qui concerne les systèmes de paiement et de réserve de change. Et maintenant des nations plus en Europe de l’est achètent aussi un peu, citant pour raisons « l’indépendance » et la « sécurité ».
Posen et Zoellner sont d’accord que les systèmes de paiements et de change ne sont pas la même chose. Acheter des actifs dans une devise autre que le dollar US ne signifie pas qu’un pays peut négocier avec un pays touché par les sanctions. Il a toujours besoin d’utiliser des systèmes de paiement dominés par le dollar US.
Le système de paiement en dollars en tant qu’outil de sanction est l’un des quelques outils qui fonctionnent réellement, a indiqué le stratège John Reade du World Gold Council. Il augmente les risques et pourrait dégénérer, dont il doit être utilisé judicieusement.
Trump n’est jamais loin des discussions de cette édition 2018. Il a renversé 30 ans de mondialisation et d’économie de consensus. Il a fait augmenter les risques géopolitiques et l’inflation rendant les achats d’or par les banques centrales comme une mesure sage, voire certaine.
Une aubaine, peut-être, pour l’industrie aurifère. Personne ne l’a mentionné encore lors de la conférence, mais dans un marché de l’or ayant des difficultés avec trop d’offres mais pas assez de demandes, c’est une bouée de sauvetage… le seul secteur positif non ambigu en ce moment, note Matt Turner chez Macquarie, remarquant un record actuel de six ans pour l’achat par les banques centrales.