Manipulation, volatilité, risque : comment vous prémunir ?
"Les pressions sont clairement déflationnistes en Zone euro",
titrait L’Agefi Hebdo du 25 avril.
" Commençons par le krach de l’or papier. Je vais simplement revenir sur deux points essentiels : les partisans de l’or ont pour eux des millénaires d’Histoire. Les détracteurs de l’or n’ont pour eux que le fait qu’après maintenant plus de quatre années d’émission monétaire débridée, l’inflation reste à un niveau certes agaçant, mais relativement stable et loin d’être dramatique ", écrit Simone Wapler pour La Chronique Agora.
Ceci est mauvais signe : cela signifie que tout cet argent imprimé n’est pas suffisant pour combattre une profonde dépression.
? Le marché de l’or : le physique contre le papier
L’or est un marché différent des autres. En effet, l’or n’est pas une matière première puisqu’il ne se brûle pas, ne se mange pas, ne se consomme pas. Une grande quantité d’or stocké ne parvient jamais sur le marché. Le prix se fixe donc en fonction de la très petite quantité échangée par rapport au stock existant.
En période normale, le cours de l’or se fixe en fonction de ce que les grossistes en joaillerie acceptent de payer. Il s’agit d’or physique. Mais, depuis 2008 et la faillite de Lehman Brothers, nous ne sommes plus en période normale. Des gens qui ne connaissaient rien à l’or ont commencé à s’y intéresser et à spéculer. Ce sont ce qu’on appelle des "mains faibles" qui lâchent aux premières secousses.
Ces derniers ralliés participent au marché de l’or papier. Ils achètent des contrats à terme dont ils ne demandent pas livraison, se contentant à l’échéance de "rouler" le contrat, c’est-à-dire de prendre le contrat à l’échéance suivante. Beaucoup de marchés fonctionnent ainsi, notamment celui du pétrole. Dans le cas de l’or, le marché du papier couvre un volume 100 fois plus important que l’or physique réellement échangé.
L’effondrement du cours de l’or s’est produit sur le marché du papier. Etrangement, il a suscité une ruée des acheteurs sur l’or physique. C’est un cas assez fascinant et inédit de schizophrénie : des gens sont pessimistes sur le futur prix de quelque chose et d’autres gens s’arrachent cette même chose
? Comment le marché de l’or papier s’est effondré durant la deuxième semaine d’avril 2013
Le terrain psychologique de la baisse était préparé depuis décembre 2012 par une note émise par Goldman Sachs. Ce document prévoyait, pour le milieu de 2013, une remontée des taux aux Etats-Unis sous l’effet bienfaisant d’une reprise économique.
? Avant le krach…
Pourtant, alors que Goldman Sachs — bientôt rejoint par plusieurs grandes banques — voit la fin de l’or, l’Allemagne demande le rapatriement de son or physique. Officiellement, cette demande répond à une pression populaire. Les médias précisent que le rapatriement des 300 tonnes sur les 1 500 détenues aux Etats-Unis se fera en sept ans.
Concomitamment, depuis début 2013, les dépôts d’or physique de JP Morgan et du COMEX se vident. Malgré les prévisions baissières, de plus en plus de porteurs de contrats à terme en demandent livraison.
Pendant ce temps, la création monétaire irrigue les marchés actions. Les entrepôts se vident mais les annonces se succèdent. Février 2013, Goldman Sachs repasse le plat : l’or baissera plus que prévu car les Etats-Unis vont mieux que prévu. 10 avril 2013 : les minutes du meeting de la Fed discutent le bien-fondé d’arrêter les “stimuli monétaires” ; Reuters indique que Chypre s’apprête à vendre son or. Démenti le lendemain, 11 avril, sur CNBC. Le vendredi 12 avril, un ordre de vente de 40 000 contrats de 100 onces, soit 124,412 tonnes d’or, arrive sur le COMEX, bientôt suivi par d’autres. En 35 minutes, 311 tonnes d’or papier sont vendues. Les 1 500 $ craquent, les ordres de ventes automatiques s’enchaînent.
Les traders contemplent des courbes baissières durant tout un week-end. Le 15 avril, les courtiers réclament leurs appels de marge aux imprudents qui ont vu leurs positions soldées automatiquement. Nouveau bain de sang…
? Après le krach…
Bloomberg, le 17 avril, sort un papier qui se veut une enquête sur le krach de l’or et commence par : "la chute brutale de l’or peut fournir aux banques centrales activistes des raisons supplémentaires de poursuivre leur politique monétaire laxiste, initialement à l’origine de la hausse du métal. Les banques centrales occidentales avaient besoin de donner l’impression d’une absence d’inflation pour pouvoir continuer de monétiser leur dette et d’acheter des actifs sans valeur". "L’or est un indicateur de l’inflation, il a donc dû être écrasé pour laisser place à plus de création monétaire", décrypte de son côté le GATA qui reproche aux journalistes de Bloomberg de s’en tenir à une enquête superficielle.
En Suisse, un référendum va demander au peuple de se prononcer sur les points suivants : le maintien des réserves d’or nationales en dehors des frontières, l’interdiction à la Banque Nationale Suisse (BNS) de vendre son or et un minimum de 20% d’or dans la part des réserves totales de la BNS. Au Japon, en Chine et en Inde, les acheteurs d’or physique se bousculent dans les échoppes pour profiter de ce qu’ils estiment être un bon point d’entrée.
Toutefois, le mythique Jim Rogers estime que cette correction n’est pas terminée. Selon que vous voyez des amateurs d’analyse technique et de Fibonacci ou des amateurs d’Histoire, vous pouvez considérer que l’or peut descendre jusqu’à 1 270 $ l’once, 1 075 $, voire casser fugacement les 1 000 $.
? L’or K.-O. malgré la création monétaire ?
La baisse de l’or nous indique simplement que, pour le moment, les forces de la déflation l’emportent. La décision du Japon de faire baisser le yen peut avoir pour effet d’exporter la déflation japonaise. En effet, les entreprises occidentales qui produisent des biens en concurrence avec celles du Japon vont voir leurs marges s’écraser. La déflation est d’une telle ampleur que l’inflation par la création monétaire peine toujours à la compenser.
Gardez votre or. La répression financière va s’intensifier surtout en Europe où le sort de l’euro risque véritablement de se jouer après les élections allemandes. La répression financière, expression du Fonds monétaire international, consiste à manipuler les taux d’intérêt à la baisse tout en contraignant les investisseurs à souscrire à des emprunts rémunérés à un taux largement en dessous du risque réel qu’ils présentent.