Livre : interview de Didier Bruneel, auteur des Secrets de l’or

Quelques questions à Didier Bruneel, auteur des Secrets de l’or

BullionVault a posé quelques questions par email à Didier Bruneel, Conseiller auprès du gouverneur pour les questions historiques, Directeur général honoraire de la Banque de France et auteur des Secrets de l’or (édition Le Cherche Midi).

Vous pouvez aussi consulter notre présentation du livre ici

 

_{Didier Bruneel}

 

BullionVault : Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un livre sur l’or de la France ? Est-ce que la découverte des documents relatant les tribulations de l’or de la Banque de France pendant la Seconde Guerre mondiale a été à l’origine de cette décision ?

Didier Bruneel : Parmi les fonctions que j’ai exercées à la Banque de France, j’ai eu la responsabilité pendant près de dix ans de la gestion opérationnelle des réserves de change, donc de l’or et des devises. Par ailleurs, j’ai créé il y a quinze ans une revue consacrée à l’histoire de la Banque de France – Les cahiers anecdotiques de la Banque de France – qui compte déjà une quarantaine de numéros. Il était donc logique que je m’intéresse, entre autres sujets, à l’histoire de l’or de la Banque de France. Mais il est exact que c’est la découverte dans une armoire de la salle souterraine d’archives passionnantes comportant des rapports détaillés et des correspondances tant administratives que personnelles sur l’évacuation et la gestion de l’or de 1940 à 1945 qui m’a conduit à la décision d’écrire « Les Secrets de l’or ».

 

Les Secrets de l'or

 

BullionVault : L’or de la France à travers les époques est un sujet plus que passionnant, et qui touche autant à l’économie, qu’aux mœurs, la société ou à la géopolitique. Les Secrets de l’or est riche d’informations et ses huit chapitres traitent de beaucoup d’aspects différents. Quel (s) aspect(s) de l’or vous a (ont) passionné le plus pendant l’écriture du livre et pourquoi ?

Didier Bruneel : Chacun a en tête la fascination que l’or a toujours exercé sur les hommes, mais on n’en mesure pas toujours l’étendue et les aspects historiques. Mais au-delà de cette considération générale, ce qui m’a le plus intéressé, c’est le rôle de réserve ultime qu’a joué et que continue de jouer l’or pour faire face à des circonstances exceptionnelles, rôle qui est d’ailleurs toujours la principale raison de l’existence de stocks d’or dans les banques centrales. On en trouve l’illustration dans la collecte de l’or des particuliers en France et en Allemagne pour financer la première guerre mondiale et dans les efforts de pays belligérants, pendant la seconde guerre mondiale, pour protéger leur or, comme la France et le Royaume Uni, ou pour s’en procurer, comme l’Allemagne, car l’or était la seule monnaie que les non-belligérants acceptaient sans discussion.

 

BullionVault : Le livre permet de découvrir les réserves d’or de la Banque de France, la Souterraine, et offre beaucoup d’illustrations. Étiez-vous concerné par la sécurité lors du choix de publication de ces informations/ révélations et de ces photos ?

Didier Bruneel : Il existe peu d’illustrations sur la Souterraine, mais je vous rassure toutes celles qui figurent dans le livre, soit ont déjà été publiées, soit ne sont pas de nature à remettre en cause sa sécurité.

 

BullionVault : Que pensez-vous de l’appétit grandissant des particuliers pour l’or ?

Didier Bruneel : La demande d’or par les particuliers ne repose pas sur les mêmes facteurs dans tous les pays. Il existe sans aucun doute des éléments spécifiques dans un pays comme l’Inde. Mais le facteur réserve de précaution ultime, pour faire face à des difficultés, semble commun à tous les pays. Au cours des dernières années, des taux d’intérêt bas, des performances boursières négatives, des prix de l’immobilier élevés ont fait de l’or un placement d’autant plus intéressant que les cours montaient fortement. En tout état de cause, les particuliers semblent avoir redécouvert que l’or est un élément de diversification des patrimoines.

BullionVault : Que pensez-vous de l’Allemagne qui a émis le souhait de rapatrier une partie de ses réserves détenues à la Fed à New York ? Est-ce que toutes les réserves d’or françaises sont à la Banque de France ?

Didier Bruneel : Les réserves d’or françaises sont en quasi-totalité conservées en France. Les réserves d’or allemandes sont à 65% conservées à l’étranger, ce qui a suscité des réactions de parlementaires allemands. Le souhait de la Bundesbank de rapatrier une partie de ses réserves détenues à la Fed de New York n’exprime en aucune manière une méfiance vis-à-vis de la Fed de New York, pas plus que l’annonce, qu’à l’occasion de ce rapatriement, la Bundesbank va procéder à des vérifications n’indique une intention de vendre.

 

BullionVault : L’un des épisodes les plus épiques de l’or en France est La Bataille de l’or et ses « macaronis ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Didier Bruneel : La Bataille de l’or comporte deux aspects particulièrement passionnants.

Le premier c’est le caractère tout à fait épique de l’évacuation des 736 tonnes d’or encore entreposées à Brest le 18 juin 1940. Il a fallu toute la détermination et le courage des acteurs - agents de la banque et marins - pour la réussir et il faut le dire beaucoup de chance. L’or était entreposé dans un fort à 7 kilomètres des quais d’embarquement. Par une route étroite il a donc fallu embarquer 16 200 caisses et sacoches, pesant chacune plus de 50 kilos, dans des camions pour les amener au port, puis ensuite pour procéder, sous les bombardements des avions allemands à leur embarquement sur les navires. La chance a joué un rôle très important, car très vite il est apparu que les camions français étaient trop petits pour permette un acheminement rapide des caisses. La saisie de 11 gros camions anglais avant que les soldats britanniques fuyant Brest ne les sabotent a permis d’accélérer le mouvement. Par ailleurs aucun camion n’est tombé en panne sur la route étroite menant du fort au port ; un camion en panne aurait irrémédiablement compromis l’opération. De même, l’annonce que le maréchal Pétain avait demandé l’Armistice a momentanément arrêté l’évacuation, mais heureusement très vite les autorités de la Marine Nationale ont indiqué qu’il s’agissait d’une opération d’intoxication des services de propagande allemands et le travail a repris. Enfin, les navires avaient ordre d’appareiller au plus tard à 18h30 que le chargement soit ou non terminé ; les dernières caisses ont été embarquées à temps et le dernier navire a appareillé à 18h15 et comme les autres navires n’a heurté aucune des mines larguées par les avions allemands.

Le second aspect, c’est la gestion de l’or après le débarquement allié en Afrique du nord le 8 novembre 1942. Pendant près de deux ans, l’or a été géré par six agents de la Banque de France, coupés de tout lien avec les autorités de celle-ci et de leurs familles. Ils vont s’organiser suivant le principe administratif bien connu du plus ancien dans le grade le plus élevé. L’or de la France s’est donc trouvé sous la responsabilité d’un agent de la Banque en poste à New York qui supervisait l’agent de la Banque en charge de l’or entreposé en Martinique et l’agent de la Banque en poste à Alger, ce dernier supervisant l’agent en poste à Dakar, lui-même supervisant les deux agents de la Banque gardant l’or à Kayes, à 700 kilomètres de Dakar, avec l’aide d’un sergent-chef européen et de 25 tirailleurs sénégalais disposant de trois mitrailleuses.

 

BullionVault : Le mot de la fin et avez-vous d’autres projets concernant l’or ?

Didier Bruneel : Je suis heureux d’avoir pu, grâce à ce livre, retracer le rôle de la Banque de France dans la gestion de l’or de la France et rendre hommage à ceux qui grands et petits y ont contribué. Je n’ai pas d’autres projets concernant l’or, même si je suis parfois tenté d’approfondir le thème « quel rôle monétaire pour l’or de nos jours ? ».

 

 (c) Cherche Midi (8 mars 2012)

 

Présentation du livre Les Secrets de l’or par Didier Bruneel, Le Cherche Midi

 

Remerciements à Didier Bruneel pour sa patience et son assistance et aux éditions du Cherche Midi.

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