Les Etats-Unis percutent le mur de l’endettement
Etats-Unis : peu d’aides sociales et pas d’emploi
" Le Dow Jones au-dessus des 13 100… le S&P (+1,7%) largement au-delà des 1 400 et le Nasdaq qui rebondit de 2% en quelques heures de 2 950 jusque vers 3 020 points — dans le sillage d’Apple qui fait un bond inexplicable de 4,5%, sans la moindre actualité concernant la société. Voilà du bien bel ouvrage en vérité ! ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.
Une dernière séance en forme de cerise sur le gâteau mais définitivement sans surprise tant nous connaissons par coeur les grosses ficelles des manipulateurs d’indices. Ils jouent depuis sept semaines le scénario cousu de fil blanc de “l’accord de dernière minute” conclu à 23h59 le 31 décembre… ce qui fut — comme de juste — bel et bien le cas.
Les médias tentent de nous faire croire que c’est le vice-président, Joe Biden, dépêché en urgence par Barack Obama qui serait parvenu à faire plier (vers 23h heure de Washington) les dernières résistances des ultra-conservateurs. Rappelons que ces derniers sont farouchement opposés à toute hausse d’impôts visant les ménages les plus favorisés, et surtout les ultra-riches qui financent leur campagne.
▪ Un accord de dernière minute avant que le carrosse ne se transforme en citrouille
Mais derrière toute cette mascarade de politique politicienne, chacun sait bien que Wall Street — et plus précisément une poignée de banquiers très influents — avait prévenu depuis fort longtemps le Congrès que la récré s’arrêtait à minuit le 31décembre 2012.
De toute façon, nous savons tous que l’équation budgétaire américaine est tout aussi insoluble que celle de l’Espagne ou de la Grèce. Les coupes budgétaires automatiques prévues depuis fin juillet 2011 sont tout aussi inapplicables qu’insuffisantes. La recette des hausses d’impôts visant les plus riches ne constitue qu’une goutte d’eau dans l’océan des déficits accumulés depuis le début de l’ère Bush en janvier 2001.
La position des membres du Tea Party concernant la fiscalité n’a jamais varié au cours de la décennie écoulée. Taxer un peu plus les riches au nom d’une forme archaïque de justice sociale d’inspiration socialo-communiste ne réduirait l’endettement des Etats-Unis que de 2 ou 3% — tout en envoyant un très mauvais message aux “forces vives de la nation”. Pourquoi prendre le risque de se tirer une balle dans le pied pour quelques malheureuses dizaines de milliards de dollars qui ne feront aucune différence ?
Enfin si… car à en croire les ultra-libéraux, toute recette fiscale supplémentaire constitue une incitation pour Washington à gaspiller l’argent public sous forme de dépenses de santé et de diverses allocations versées à ceux “qui n’ont qu’à se chercher VRAIMENT un boulot”.
Il est difficile de leur faire entendre que pour un emploi à pourvoir fin 2012, il existe en moyenne 20 candidats potentiels : ce que deviendront les 19 autres reste une question sans objet à leurs yeux.
▪ Etats-Unis : peu d’aides sociales et pas d’emploi
En effet, si les Etats-Unis renonçaient à subventionner l’assistanat sous toutes ses formes, ils pourraient financer les industries du futur et créerait en quantité quasi illimitée les jobs de demain, restaurant ainsi en quelques années une situation de plein-emploi dans le pays.
Mais leurs principes économiques et sociaux sont déjà appliqués avec zèle et à grande échelle dans le pays où l’individualisme forcené à également force de loi : la Chine.
Pas de protection sociale (ou embryonnaire pour les classes les plus favorisées)… pratiquement pas de retraite (sauf pour les militaires et les cadres du Parti) et en ce qui concerne les emplois du futur, le résultat des courses est sans appel. La course à la productivité aboutit à la destruction ou la délocalisation de dizaines de millions d’emplois peu qualifiés et à faible valeur ajoutée.
Seules les manufactures d’armement échappent à la sélection naturelle qui règne à l’échelle planétaire… et il en est de même aux Etats-Unis.
Ce n’est donc pas un hasard si la nation la plus surarmée au monde ne saurait envisager un seul instant de commencer par réaliser des économies dans les budgets alloués au Pentagone ou à la NSA (pour les activités de défense non-conventionnelles).
Aucune objection en revanche concernant des économies à réaliser sur les personnels de santé, les enseignants, les pompiers, les fonctionnaires qui gèrent les hypothèques, les permis de conduire… et surtout ceux qui surveillent le bon fonctionnement des marchés.
Thomas Jefferson et Abraham Lincoln doivent se retourner dans leur tombe !
Ce n’est donc pas une surprise si le Congrès a voté lundi soir un alourdissement symbolique de la fiscalité pesant sur les plus riches tandis que le débat portant sur les coupes budgétaires automatiques a été repoussé de deux mois alors même que le plafond légal des dépenses a été atteint avant-hier soir.
▪ Les Etats-Unis se prennent de plein fouet le mur de l’endettement
Les Etats-Unis viennent donc de percuter le mur de l’endettement mais c’est sans conséquence avec le déploiement du super airbag de la Fed également désigné sous une appellation qui nous est plus familière : la planche à billets.
Un petit bout d’article du Washington Post repris par la plupart des agences de presse résume bien la situation : “Au lieu de s’attaquer frontalement aux questions cruciales des dépenses et des impôts dans ce pays, les élus du Congrès ont une fois de plus choisi de mettre de côté les questions les plus sensibles, ce qui préfigure de nouvelles confrontations à venir, potentiellement plus dramatiques encore”.
▪ Bonus et record pour la France et l’Allemagne
Pressentant l’issue favorable que nous venons de décrire, Paris s’est offert lundi un petit bonus de +0,58% (à 3 641 points), ce qui propulse le CAC 40 au-delà des 15% de hausse annuelle.
L’indice phare s’est même offert une poussée jusque vers 3 565 points, une hausse facilitée par l’extrême étroitesse des volumes (moins de 400 millions d’euros échangés à 14h — heure de la clôture — et 459 millions à l’issue du fixing de 14h05).
Les valeurs françaises sont loin d’égaler la performance de leurs homologues allemandes qui engrangent 29% (malgré un repli de -0,57% lundi) et renouent pratiquement avec leurs records absolus.
Francfort et Milan ont fait figure d’exceptions car les places européennes ont grappillé +0,34% en moyenne et le score annuel s’établit à 13,8%.
Une ultime séance de hausse donc à l’issue d’une série assez fantastique de journées positives (à 80% depuis le 19 novembre dernier) alors même que les médias n’ont cessé d’entretenir le psychodrame au sujet de la falaise fiscale.
Mais les marchés — et toute l’équipe des rédacteurs des éditions Agora — n’ont cessé symétriquement de faire le pari qu’un accord bancal et qui crée plus de problème qu’il n’en résout- serait trouvé.