Investissement : la lucidité n’empêche pas l’optimisme
Ne manquez pas votre train !
" Lors de mon dernier voyage au Nicaragua, j’ai participé à la conférence Rancho Santana organisée par mon éditeur. J’ai parlé sur le thème le plus optimiste : la reprise en cours du secteur immobilier et celle du secteur bancaire aux Etats-Unis. J’ai mentionné la révolution de l’énergie et la renaissance de l’industrie. J’avais aussi des exemples de reprises au Nicaragua. Beaucoup de gens semblent vouloir croire que le pays est figé, et l’oublient de ce fait ", écrit Chris Mayer pour La Chronique Agora.
Ce n’est pas l’avis des investisseurs. Personne n’a jamais fait de profits en pensant de cette façon. Il y a toujours des opportunités. Toujours.
Il faut toutefois faire preuve de prudence parce qu’il est facile d’être estampillé comme “stupide patriotard qui ne comprend pas ce qui se passe”. Or, je sais ce qui se passe. Je suis au courant du niveau d’endettement, de la crise budgétaire, etc. Toutefois, prendre tout cela comme excuse pour ne pas investir n’est, comme l’a dit un jour le magnat du pétrole Paul Getty, “qu’une excuse pour ne pas essayer”.
Nous avons connu pire.
▪ Prenons par exemple les années 50
J’ai lu The Best of I.F Stone ["Le Meilleur d'I.F. Stone", NDLR].Izzy Stone (1907-1989) était un grand journaliste et éditorialiste, célèbre pour son influente lettre I.F. Stone’s Weekly. Dans les années 1950, la menace d’une guerre nucléaire était évidente et Stone a écrit de nombreux articles à ce sujet. A cette époque, les principaux journaux expliquaient que faire en cas d’une telle attaque. U.S. News & World Report titrait “Si les bombes pleuvent”, le magazine LIFE expliquait “comment survivre aux retombées radioactives”. Ce devait être bien difficile de penser à l’investissement avec tout ce qui se passait.
On pourrait même remonter plus loin, en 1939 par exemple. Le monde était alors dans une situation catastrophique : la guerre en Europe, la Crise de 29 aux Etats-Unis. Pourtant, comme nous le savons maintenant, beaucoup de fortunes ont posé leurs fondations avant ou pendant cette période. Les articles de Stone, qui s’étendent sur trois décennies, prouvent que notre planète a toujours traversé de graves problèmes. Et pourtant…
Dans mon discours, j’ai cité un amusant petit livre appelé The Very Very Rich and How They Got That Way ["Les très très riches et comment ils y sont arrivés", NDLR] de Max Gunther. J’aime ce livre pour son côté combatif, qui ne s’en laisse pas conter par les poules mouillées qui veulent étouffer toute idée de devenir riche. J’aime la prose incisive de Gunther — même si son livre est superficiel à plusieurs égards. Il écrit :
“Les hommes dans cette catégorie… ont constitué leur fortune colossale dans la période économique qui est la nôtre ou dans une période qui vient de se terminer et qui n’était pas si différente de la nôtre. Chacun a pris l’environnement économique tel qu’il était à son époque et au lieu de rester passif comme la plupart d’entre nous, il a pris le taureau par les cornes et l’a dompté… Les gens extrêmement riches ont toujours fait cela et le feront toujours. Qu’importe l’environnement, certains hommes ont su le battre. Il y a toujours un moyen”.
Il ne faut pas oublier que Gunther a publié ce livre en 1972 — une période portant d’immenses inquiétudes. Gunther pointe bien du doigt pourquoi on cherche à investir avec ces opérateurs pour compte propre confirmés dont j’aime tant parler. Les opérateurs pour compte propre sont ceux qui ont tendance à élaborer une tactique. Ce sont ceux avec qui vous devez investir. (Bien sûr, cela ne marche pas toujours. Rien ne marche toujours mais je préfère mener mon activité ainsi plutôt que d’investir dans une société anonyme dirigée par des gens qui n’en possèdent aucun titre sauf les stock-options qu’on leur offre.)
▪ Ne manquez pas votre train !
Il y a toujours des problèmes importants. Mais si vous n’entrez jamais dans le jeu, vous n’avez aucune chance de gagner. Mon ami Eric Fry, qui a également pris la parole au Nicaragua, compare les idées d’investissement à des trains — “ils arrivent et repartent”. Certains arrivent à l’heure, d’autres en retard. Certains n’arrivent ni ne partent jamais.
Je file cette métaphore en ajoutant qu’il existe des trains bondés comme des trains quasiment vides. On fait de meilleures affaires si l’on voyage dans des trains où il y a moins de monde et qu’on arrive tout aussi bien à la destination souhaitée. J’essaie d’inciter les gens à prendre les trains les moins bondés.
Je ne dis pas que la vie et l’investissement vont être faciles (et je ne suis pas optimiste sur le marché boursier dans son ensemble, seulement sur des opportunités spécifiques. Concernant le marché, je suis agnostique). Au final, il n’y a pas d’échappatoire aux crises d’aucune sorte.
Le timing, voilà ce qui compte. Si l’on regarde suffisamment sur le long terme, le taux de survie de toute chose se réduira à zéro. A un certain stade, le soleil implosera et ce sera pour de bon la fin de l’histoire. Mais je n’ai jamais compris quel est l’intérêt d’avoir une telle vision apocalyptique — et paralysante.
Cela me rappelle Marty Sosnoff, un investisseur intelligent. “Venise s’enlise doucement mais sûrement depuis 400 ans”, écrit-il. “A la fin, c’est la boue qui gagnera mais entre-temps il y aura eu des bals masqués mémorables” (cette citation est tirée de Humble on Wall Street, un véritable régal à lire et l’un de mes ouvrages financiers préférés). Ou comme le grand spéculateur Jesse Livermore l’a dit un jour : “c’est vrai qu’on ne peut rien emporter avec soi mais on peut, c’est sûr, l’utiliser jusqu’à notre mort”.
Pour finir par là où j’ai commencé : si l’on me demandait de ne choisir qu’un pays où investir, je choisirais les Etats-Unis (heureusement, je n’ai pas ce choix à faire et il existe pléthore de lieux merveilleux où investir, j’ai déjà beaucoup écrit à ce sujet). Il y a de bons investissements qui émergent ici aux Etats-Unis, en dépit des problèmes — et c’est un raisonnement qu’on peut appliquer à tous les autres pays dans le monde.