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Industrie : les Etats-Unis rattrapent la Chine

L’industrie américaine repart à la hausse


" Un fait surprenant secoue l’économie américaine. Quelque chose qu’aucun expert ayant pignon sur rue ne se serait risqué à prédire. Quelque chose auquel la plupart des gens ne croiront probablement pas ", écrit Chris Mayer pour La Chronique Agora.

L’industrie américaine repart à la hausse.

Caterpillar, leader mondial d’équipements lourds pour chantiers et travaux publics, nous en a donné la confirmation concrète dans sa dernière annonce sur ses perspectives de bénéfices. En se basant sur le niveau d’affaires constatées, l’entreprise prévoit que les dépenses de construction aux Etats-Unis augmenteront en 2012 — pour la première fois depuis 2004.

Eaton, autre grand groupe industriel, confirme cette envolée et affirme s’attendre à ce que ses marchés croissent plus rapidement aux Etats-Unis en 2012 que partout ailleurs dans le monde. Si ces prévisions se confirment, ce serait la première fois depuis le milieu des années 2000 que les Etats-Unis repassent à la première place.

Ce sont là les premières hirondelles annonçant le printemps. Oubliez les données officielles. On parle ici d’économie réelle. Même si c’est difficile à croire, l’industrie américaine est en train de renaître. D’autres indices le confirment.

Un nouveau rapport publié par Cushman & Wakefield, une société de conseil en immobilier d’entreprise, souligne que les nouveaux baux de locaux industriels “sont revenus à un niveau qu’on n’avait plus vu depuis la récession de 2008-2009″. Les locataires ont signé de nouveaux baux pour un peu plus de 28 millions de mètres carrés, soit une hausse de 14% en un an et le plus grand espace loué depuis 2007.

Pourquoi cette hausse des locations d’espaces industriels ? Jim Dieter, vice-président de Cushman & Wakefield, répond : “la fabrication est le principal moteur au sein du paysage industriel”. Des usines fonctionnant à plein, cela signifie plus de fret par camion et par train. Donc des entrepôts plus remplis. Donc une recherche pour plus d’espace.

▪ La Chine, financièrement moins intéressante
Comment expliquer ce phénomène ? N’était-ce pas la Chine qui mangeait la part du gâteau de l’Amérique ?

Je suis tombé dernièrement sur une publication de Reynders, McVeigh Capital Management qui avance les raisons de cette renaissance soudaine. Leur analyse concorde avec ce que déclarent les entreprises elles-mêmes. Ce rapport s’intitule “Retour en force de la main-d’oeuvre : pourquoi l’industrie américaine revient sur le devant de la scène”.

Une des raisons est que l’écart des salaires se rétrécit. Ainsi, se délocaliser en Chine n’est plus aussi financièrement intéressant. A mesure que les salaires chinois augmentent, la marge salariale fond. En 2005, les salaires dans l’industrie américaine étaient 22 fois supérieurs à ceux pratiqués en Chine. Aujourd’hui, cet écart est de moins de 10 fois et sera sans doute de moins de cinq fois d’ici 2015.

Les coûts de transport entrent ici également en compte et entament encore plus l’avantage concurrentiel de la Chine. Le prix du pétrole se maintenant à plus de 100 $ le baril, les coûts de transport restent élevés. Comme le dit Jeff Rubin : “à chaque hausse d’un dollar du prix du carburant des réservoirs qui alimente les porte-conteneurs traversant le Pacifique, l’avantage salarial de la Chine s’amoindrit”.

▪ Deux autres raisons de ce revirement
Voilà donc deux raisons qui expliquent la renaissance industrielle aux Etats-Unis. Il existe deux autres raisons imparables. Commençons avec ma préférée : l’eau.

Contrairement aux pays où l’eau potable se fait rare, comme en Chine et en Inde, les Etats-Unis restent riches en eau. Sur Terre, “beaucoup de régions s’approchent déjà de leur ‘limite maximale en eau’ : un niveau dans lequel le taux d’utilisation dépasse le taux naturel de réapprovisionnement”, explique l’auteur. “Les Etats-Unis détiennent les plus grandes réserves d’eau au monde, ce qui est très important pour le secteur manufacturier”.

La population américaine a tendance à ignorer cette circonstance heureuse. Pas les industriels. Ils utilisent d’énormes quantités d’eau, que ce soit pour fabriquer des moteurs d’avions ou des monospaces.

En plus de l’eau, les Etats-Unis possèdent beaucoup de gaz naturel bon marché, ce qui attire les entreprises qui en ont besoin dans leur processus de fabrication. Le rapport McVeigh souligne que Nucor construit une usine de 750 millions de dollars en Louisiane. L’objectif est de surchauffer le gaz naturel et de le mélanger avec de la ferraille et du minerai de fer pour fabriquer de l’acier. Si vous consommez du gaz naturel, il vous faut être aux Etats-Unis.

Même les fabricants automobiles reviennent. GM investira 2,5 milliards de dollars dans les usines américaines. Récemment encore, cet argent allait au Mexique. Ford a signé un nouveau contrat qui nécessite un investissement de 16 milliards de dollars aux Etats-Unis et créera 12 000 nouveaux emplois d’ici 2015. Les fabricants automobiles étrangers viennent eux aussi. Mercedes prévoit de dépenser 2,4 milliards de dollars d’ici 2014 pour développer une usine en Alabama avec à la clé 1 400 nouveaux emplois. Vous voyez le topo…

Ce phénomène me plaît parce qu’il surprendra beaucoup de gens et, par conséquent, qu’il va à l’encontre de ce qu’on observe. En septembre 2010, j’écrivais un article intitulé “Les Etats-Unis sont toujours un pays de bâtisseurs”. Le principal objectif, comme je l’ai écrit à l’époque, était “de donner [au lecteur] une perception différente sur les industriels américains. Ce ne sont pas des dinosaures en voie d’extinction. En fait, certains d’entre eux représentent de formidables investissements”. J’ai montré comment les industriels américains se débrouillaient très bien.

Cette thèse a fait flop. Elle fut superbement ignorée. Au mieux, j’ai entendu des gens m’expliquer comment ce que j’avançais ne pouvait pas être possible. Néanmoins, j’ai fortement conseillé à mes lecteurs de Capital & Crisis d’acheter Globe, un industriel US low-cost, qui depuis a doublé.

Beaucoup d’investisseurs rateront l’opportunité de gagner de l’argent sur ce rebond de l’industrie américaine, simplement parce que l’idée va totalement à l’encontre de ce qu’ils croient savoir. Lorsque ce qui se passe deviendra évident pour tout le monde, ce ne sera plus un thème d’investissement qui en vaudra la peine. Mais pour l’instant, les industriels américains sont peu estimés et offrent un bon gisement d’idées pour des investissements potentiels.

 

Chris Mayer est le rédacteur en chef de la lettre d'information Capital & Crisis, ainsi que du système de trading Crisis Point Trader. Ses analyses des problématiques financières ont été reprises maintes fois dans de nombreuses publications, et notamment dans le très réputé Grant's Interest Rate Observer.

Chris a commencé sa carrière dans le secteur bancaire, et plus précisément dans la banque d'affaires, après avoir obtenu un MBA en finances. Plus tard, il a commencé à rédiger Capital & Crisis, une lettre d'information mensuelle lui permettant de développer son point de vue très personnel de manière régulière et approfondie. Passionné de vieux livres, d'investissements à l'ancienne et de théories classiques, Chris correspond parfaitement à la stratégie développée dans cette lettre.

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