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Il Faut Opérer Le Cancer Financier

Les choses bougent. Les marchés lèchent leurs plaies ; ils ont clôturé la semaine à la hausse. A quoi assistons nous exactement ?

Une partie des mouvements s'explique par les dynamiques internes du marché, à savoir les positions de couverture ; les traders qui s'étaient positionnés à découvert la semaine précédente se sont refaits. Ils seraient donc revenus dans le marché la semaine dernière pour acheter des actions afin de liquider leurs opérations et d'empocher les bénéfices. Et puis il y a la prochaine baisse de taux.

Soutenus par l'avancée déterminée de la Banque centrale américaine au beau milieu de l'ouragan de l'inflation et du marais de la déflation, les investisseurs pensent déjà à la prochaine baisse de taux. La Fed se réunit mardi 29 janvier. La continuation de la hausse cette semaine pourrait être considéré comme la prise en compte anticipée d'une baisse de 50 points de base des taux directeurs de la Réserve fédérale.

Etrange, vous ne trouvez pas ? Quelque part en chemin, il est devenu évident pour tout le monde que les actions devraient monter quand le coût du crédit baisse, comme s'il existait dans ce domaine une loi universelle et irréfutable de cause à effet. Il est pourtant clair qu'à l'origine, ce sont les baisses de taux de la Banque centrale d'Alan Greenspan qui ont gonflé les prix des actions et de l'immobilier. Baisser les taux n'est pas la solution. C'est même la source du problème.

Eh oui. On n'apprend pas à un vieux singe à faire la grimace -- surtout quand le singe en question est haussier. Les investisseurs ont été habitués à agir toujours de la même façon au cours des vingt dernières années. Acheter des actions quand les taux baissent. Il va bien leur falloir au moins deux années difficiles pour parvenir à perdre cette habitude. Mais l'ours baissier n'éprouve aucun scrupule à laisser les gens penser que le pire est derrière eux. Il veut vous mettre en confiance, au point que vous finissez pas lui tourner le dos en toute confiance. Et là, paf ! Une grosse paluche s'empare de votre portefeuille.

L'or et le pétrole ont finalement tenu compte de la faiblesse du dollar US. L'or a augmenté de 22 $ à New York, pour atteindre les 913 $. Il continue d'osciller au dessus des 900 $, coincé entre des investisseurs qui ramassent des bénéfices et d'autres qui récupèrent leurs capitaux pour réinvestir dans du solide.

On peut dire ce qu'on veut sur le rôle de l'or en tant que monnaie, ou sur sa valeur "intrinsèque". Les graphiques disent qu'il est dans un marché haussier, et de nombreux investisseurs le voient comme le seul investissement valable quand le gouvernement déclenche une inflation volontaire. Maintenant que la Fed joue au même jeu que celui qui a poussé la Banque du Japon à baisser les taux d'intérêts réels en dessous de zéro pendant plusieurs années, l'or "sait" que l'inflation sur les actifs tangibles ne va pas tarder.

A part ça, vous avez vu Jérôme Kerviel, ce trader de 31 ans de la Société Générale qui a fait perdre à sa société 8,03 milliards de dollars suite à des opérations frauduleuses en futures sur actions ? Wall Street aime à appeler ce genre d'incidents des "opérations frauduleuses", comme s'il ne s'agissait que d'une petite escroquerie sans conséquences.

Allons donc.

Qu'en est-il du PDG fraudeur Stan O'Neal qui a effectué un appel de marge sur des prêts subprime, coûtant à ses actionnaires des milliards de dollars en valeur et en pertes ? Les rapports prétendent que Kerviel ne jouissait pas personnellement du fruit de ses fraudes. Il s'agissait donc soit d'un mauvais trader, soit d'un de ceux qui pensent savoir mieux que tout le monde comment faire gagner de l'argent à leur banque. Un proverbe prétend qu'il vaut mieux "demander pardon que la permission". Si c'était le cas, il aurait eu droit à une augmentation et à quelques milliards d'euros de la part de la banque, histoire de s'amuser un peu.

Contrairement à lui, des hommes comme Stan O'Neal et Chuck Prince de Citigroup ont pris des décisions stratégiques dans le but d'impliquer leurs entreprises dans des produits financiers à risque, à l'apogée de la bulle du crédit. Ils ont modifié le sens des opérations, investi des ressources de l'entreprise et pris des risques avec des capitaux réels -- capitaux qui sont finalement partis en fumée. O'Neal est parti avec 161 millions de dollars après avoir entraîné l'une des plus grosses pertes de la banque en 93 ans d'existence.

Mais, cher lecteur, il ne faut pas pour autant rejeter la faute sur les traders qui fraudent ou sur les fonds spéculatifs. Ce sont les capitalistes qui fraudent, ces gens qui ont transformé les entreprises financières en véhicules leur permettant de ramener les bénéfices institutionnels directement dans leurs poches. Ces gens qui étaient censés faire du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de l'Australie les meilleurs "répartiteurs de capital" au monde.

Au lieu de quoi on se retrouve avec la plus grosse bulle de la planète, dans laquelle les gens placés au sommet deviennent extrêmement riches en prenant très peu de risques mais en mettant en danger tout le système financier. C'est ce qu'il y a de pourri dans les marchés financiers, et plus vite cette énorme tumeur aura été enlevée, mieux ce sera. Le problème, c'est que le cancer s'est étendu à d'autre organes (les foyers, les entreprises, les bilans du gouvernement) et que le patient est peut être déjà condamné.

Prédédemment rédacteur du Strategic Investment conjointement avec Lord William Rees-Mogg, Dan Denning est un analyste en investissement indépendant basé à Melbourne, d'où il rédige l'édition australienne du Daily Reckoning. Il est aussi l'auteur du best-seller The Bull Hunter (Wiley & Sons) et correspondant pour les Publications Agora à Paris.

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