Apparemment, la Fed a sauvé le secteur financier... mais à quel prix ?
Le secteur financier américain est à nouveau
malsain et sauf... mais la menace d'une grave crise économique a-t-elle réellement disparu ? La structure du capitalisme américain s'est elle réellement améliorée ? Ou bien la Fed s'est elle contentée de vêtir une truie de lingerie pour tenter d'en faire une beauté fatale ?
Au premier abord, le sauvetage de la Fed semble avoir stoppé en plein élan une crise importante, écrit Eric Fry pour La Chronique Agora.
L'auteur australien James Cumes affirme que l'économie américaine est devenue totalement dépendante des opérations d'échanges, au lieu de produire des biens et de les vendre. Il appelle cette nouvelle réalité le "Phénomène Goldman Sachs".
"Dans les grandes économies anglo-saxonnes", explique Cumes, "le transfert vers la propriété a supplanté les mises de fond en tant que forme la plus commune de ce qui se veut être de 'l'investissement'. L'investissement est devenu un moyen de gagner beaucoup d'argent, sans faire le moindre effort entrepreneurial, sans construire d'usines et sans installer des équipements de production, mais en pariant sur l'augmentation de la valeur par le biais de fusions et d'acquisitions... ce qui fait monter la valeur actionnariale en bourse"...
"Malgré une augmentation [supposée] des valeurs boursières à court terme, il n'y a aucun apport de fait au niveau de la productivité, du volume ou du rendement final".
"Inévitablement", continue Cumes, "ce type d'investissement participatif qui implique des experts en fusions et en acquisitions, des spéculateurs et des joueurs de casino a des conséquences sociales, surtout qu'il se répand sur toute une partie de l'économie... Les inégalités s'intensifient en raison des généreux bonus accordés aux cadres senior et autres postes de direction dans les sociétés financières aux Etats-Unis et dans d'autres centres financiers du même type à Londres".
Le renflouement du secteur financier par la Fed semble avoir démultiplié le phénomène Goldman Sachs. Non seulement les grandes huiles des entreprises financières cotées en bourse s'enrichissent... mais ils continuent à s'enrichir même après avoir détruit pour plusieurs milliers de milliards de dollars de valeur actionnariale. Et ils profitent de leur position privilégiée sous le regard bienveillant de la Fed et du Trésor. Les mauvaises actions sont toujours récompensées.
"Bien sûr, il y a une justice qui récompense l'effort et l'entreprise", conclut Cumes. "Historiquement, c'est aussi grâce à ça que le système capitaliste s'est justifié et s'est maintenu ; mais il y a d'autres choses à prendre en compte".
"De fait, si notre capitalisme actuel, essentiellement démocratique, doit survivre -- et bien survivre -- il doit se pencher sur les conséquences sociales. La pauvreté au milieu de l'abondance est une situation sociale qui n'a rien de plaisant. Il y aura toujours des inégalités, mais l'augmentation de ces inégalités va, au fil du temps, devenir une menace pour la stabilité sociale, politique, stratégique, mais également la stabilité économique et financière".
Ces questions, malgré leur caractère terriblement inquiétant, ne semblent pas toucher les dirigeants de la Fed et du Trésor. En réalité, pendant la crise, Bernanke et Paulson ont tout fait pour éviter d'appliquer (ou même de suggérer) tout changement de réglementation qui aurait risqué de toucher aux libertés sans limites des banques d'affaires de Wall Street. Les auteurs de la crise sont toujours au pouvoir et les structures institutionnelles qui ont soutenu leur imprudence sont toujours en place.