Angela Merkel publie l’avis de décès du modèle social européen
Une réalité qu’on ne veut pas voir...
" Un écart en intraday supérieur 0,5%, un score final de 0,15% à Paris, cela devient presque des variations à grand spectacle ! ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.
Ne vous y fiez pas : il s’agit d’une variation totalement artificielle. Il suffit de jeter un oeil sur le contrat à terme échéance décembre pour s’en convaincre. Le CAC 40 a fini parfaitement stable vers 3 633 points et n’a pas tardé à passer dans le vert peu après 17h35, dans le sillage de Wall Street où débutent les derniers habillages de bilans.
Eh oui, le repli du CAC 40 est totalement fictif : en rajoutant l’acompte sur dividende versé par Total (l’équivalent de cinq points d’indice), le marché parisien ne serait pas sorti de la fourchette 3 640/3 645 points.
Cette stagnation ne fait que confirmer le resserrement progressif des lanières de la camisole algorithmique à l’approche de l’expiration des dérivés de volatilité ce mercredi — changement d’échéance sur le VIX et basculement sur 2013.
Les indices boursiers sont carrément ligotés de la tête au pied depuis une semaine. Ils essaient vainement d’agiter un peu la tête en début de séance mais se voient rapidement administrer une bonne dose de sédatif algorithmique, ce qui les calme pour le reste de la journée.
▪ Une réalité qu’on ne veut pas voir
Les places boursières ne vont et n’iront nulle part durant encore 48 heures. Ensuite, la volatilité ressurgira comme elle peut et d’une manière imprévisible tant les marchés sont déconnectés de la réalité depuis plus de quatre semaines.
Cette réalité, c’est Chypre au bord du défaut de paiement… c’est la Grèce qui s’apprête à fêter le Noël le plus austère depuis l’époque des colonels… c’est l’Espagne avec un taux de suicide historique chez les jeunes et une désespérance de la population jamais vue depuis l’après-guerre.
La réalité de cette fin 2012, c’est aussi une Irlande incapable de respecter le calendrier de sa dette et qui fait tout pour repousser les échéances… une Italie où la population ne consomme plus et où la chasse à la fraude fiscale se transforme en harcèlement pour ceux qui n’ont guère les moyens de se protéger de la curiosité du fisc.
Les autres — ceux habitués à vivre en marge du système — se contentent de se faire discrets. Mais ils ne risquent rien, sinon de galérer un peu pour trouver un nouveau port d’attache pour leurs yachts dans un paradis fiscal pas trop lointain.
▪ Deux événements qui ont marqué l’actualité hier
Si nous devions retenir deux faits marquants survenus ce lundi, il y a d’abord la proclamation des résultats des législatives au Japon. Il y a eu une large victoire du Parti libéral démocrate qui offre une confortable majorité au futur Premier ministre Shinzo Abe — lequel s’est juré de faire dégringoler le yen jusqu’à ce que la croissance nippone reparte.
La Bourse de Tokyo a salué ce résultat sans appel par une forte hausse initiale (1,6%). Le Nikkei flirtait d’entrée de jeu avec les 9 900 points (son meilleur niveau depuis le 5 avril dernier… ce qui portait le gain annuel à 16,5%) mais l’euphorie est un peu retombée en fin de parcours et Tokyo a fini en hausse de 1%.
Le second fait marquant est une petite phrase d’Angela Merkel que les Européens n’ont pas fini de méditer. La chancelière a prononcé en quelques mots l’oraison funèbre du modèle social européen en expliquant que 50% des prestations sociales distribuées de par le monde l’étaient dans la Zone euro, laquelle ne représente que 25% du PIB mondial et seulement 8% de la population.
Et de conclure : “ce n’est pas tenable, à moins de consentir des efforts (comprenez dans sa bouche des sacrifices) extraordinaires”.
▪ Un retour en arrière pour la Zone euro ?
Elle pourrait également s’alarmer que 98% de la population européenne soit vaccinée contre la tuberculose et le tétanos, que 99,8% des enfants des pays du G8 soient alphabétisés (contre 26% seulement au Mali et 28% en Afghanistan). Ce qui n’est évidemment pas tenable (pour les pays du Tiers-Monde de notre point de vue).
A croire que c’est désormais l’Europe qui doit tendre vers le moins-disant social et que les pays en voie de développement ont raison de maintenir une partie de la population en semi-esclavage, la voie royale qui mène vers la compétitivité et le plein-emploi.
Beaucoup de gérants et stratèges que nous entendons se disent pleins d’espoir pour le sud de l’Europe en 2013 et 2014.
Leurs arguments font froid dans le dos. Le redressement de ces pays est en marche car les gens acceptent des salaires de 30% à 40% inférieurs à ce qu’ils étaient il y a cinq ans. Ils ne prennent plus de vacances (ils n’en ont de toute façon plus les moyens), ils travaillent en fonction des besoins des entreprises, non plus en fonction de normes d’heures légales travaillées compatibles avec une vie familiale.
Prenez la Grèce et l’Espagne : les déficits se réduisent car les frais médicaux supportés par l’Etat ont considérablement reculé.
Bon, c’est vrai, les gens meurent un peu plus qu’avant (enfin vraiment beaucoup plus dans les campagnes grecques ou andalouses).
Magnifique, l’Europe du sud montre la voie à suivre avec les encouragements des médias allemands.
Vous vous souvenez de ce livre de Viviane Forrester qui avait “fait débat” il y a une quinzaine d’année et qui s’intitulait L’horreur économique ? Ce qu’elle dépeignait comme un scénario catastrophe dans un avenir improbable, c’est exactement ce à quoi les populations des PIIGS sont confrontées depuis 2009 sous la houlette des programmes “d’assainissement” du FMI et des pays “vertueux” du Nord.
Mais réjouissons-nous : comme le martèle maintenant notre président et quelques mois auparavant son prédécesseur, l’Eurozone est sauvée, à commencer par notre bien le plus précieux, c’est-à-dire l’euro.
Le problème c’est que s’il est effectivement sauvé, cela ne fait pas une grosse différence pour ceux qu’il était censé protéger des périls de la mondialisation — puisque ni les chômeurs, ni les entreprises en difficulté, ni les futurs retraités n’en voient plus la couleur !