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Etats-Unis contre Norvège : le prix des CDS en dit long sur la dette souveraine

L’or monte. Les actions baissent.

Le dollar baisse. Les obligations baissent.

Ce n’est pas le genre de compte-rendu qui fait plaisir à beaucoup, sauf peut-être à environ 99% des gens qui lisent La Chronique Agora. Mais même les lecteurs de La Chronique apprécient quand le marché monte, de temps en temps… et ça ne les embête pas trop que le dollar ne soit pas en chute libre, écrit Eric Fry pour La Chronique Agora.

Malgré tout, l’important, pour être un bon investisseur, ça n’est pas ce que l’on souhaite, c’est ce que l’on est capable de prévoir.

En dépit de leurs souhaits, par exemple, vos correspondants s’attendent depuis bien longtemps à ce que l’or monte et à ce que le dollar baisse, pendant que les autres classes d’actifs se contentent de stagner. Et c’est bien ce qui se produit depuis plus d’une décennie maintenant : votre correspondant californien ne voit pas de raison de changer de cap… ou de vitesse.

D’un autre côté, peut-être devrions-nous quand même modifier légèrement la vitesse. Peut-être devrions-nous acquérir de l’or, de l’argent-métal et d’autres actifs tangibles plus vite qu’avant.

L’or vient d’atteindre un nouveau sommet. Les sommets historiques, d’un point de vue général, sont rarement le moment opportun auquel acheter un actif. Mais d’un autre point de vue, le prix de l’or a quasiment doublé depuis le début de l’année 2008, où il a atteint un record historique (à l’époque) de 850 $ de l’once. Nous ne serions pas surpris d’apprendre que le prix du métal jaune soit à nouveau multiplié par deux au cours des trois ans et demi qui viennent… ou même par trois.

Nous ne pensons pas que l’or va monter parce que l’or est une chose merveilleuse, nous pensons qu’il va monter parce que les plus grandes devises mondiales sont tout sauf des choses merveilleuses. Un billet d’un dollar, c’est bien joli, surtout lorsqu’on le place à côté d’un euro ou d’un yen. Mais ils font tous trois pâle figure à côté d’un lingot.

La valeur de l’or est soutenue par 3 000 ans d’histoire, au cours desquels il a fait figure de devise par excellence et de réserve de valeur. La valeur du dollar, d’un autre côté, est soutenue par la confiance et le crédit des Etats-Unis. Le problème, c’est qu’il y a trop de crédit et pas assez de confiance.

Les agences Moody’s et Standard & Poor’s ont toutes les deux menacé d’abaisser la notation des Etats-Unis. La menace d’une dégradation officielle correspond à la dégradation officieuse déjà en cours sur le marché des CDS.

Pour résumer : les CDS sont une sorte d’”assurance contre la faillite”. Le détenteur d’un CDS achète une assurance contre la faillite auprès d’un émetteur de dette spécifique, qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’un pays. Plus le risque de faillite est grand, plus l’assurance coûte cher. C’est la raison pour laquelle le prix d’un CDS grec est 1 000 fois supérieur à celui d’un CDS norvégien.

Cette extrême différence de prix est normale. En chiffres absolus, les déficits nationaux annuels de la Grèce et de la Norvège sont identiques. Mais si les Grecs ont un déficit budgétaire égal à environ 14% de leur PIB, les Norvégiens, eux, ont un surplus budgétaire égal à 14% du PIB environ. La Grèce peut faire faillite demain. Il est peu probable que la Norvège fasse faillite au cours de ce siècle… en tous cas pas tant qu’il y aura encore du pétrole dans la mer du Nord.

Il est intéressant de noter que le prix des CDS à cinq ans pour la dette américaine est également plus haut que celui d’un CDS norvégien. Les deux émetteurs de dette sont notés AAA. Et il n’y a pas si longtemps, les prix des CDS sur ces deux emprunteurs souverains étaient identiques. Pendant quelque temps, en fait, les CDS norvégiens étaient même plus chers que leurs homologues américains. Mais la différence entre les deux n’a cessé d’augmenter pendant les derniers mois. En d’autres termes, le prix des CDS américains augmente par rapport à celui des CDS norvégiens.

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les CDS américains sont plus chers que ceux de six autres emprunteurs souverains notés AAA. Selon les acheteurs de CDS, donc, les Etats-Unis méritent un peu moins leur notation AAA que la Norvège, la Suède, la Suisse, la Finlande, les Pays-Bas et l’Allemagne.

Etrangement, malgré la menace de dégradation et l’augmentation des prix des CDS, la demande de bons du Trésor US à long terme semble rester assez forte. Il y a quelques jours, le Trésor US attirait une demande supérieure à la normale lors de la mise aux enchères d’obligations à 30 ans.

Mais plus le Congrès remet à demain les réductions du plafond de la dette et les coupes budgétaires, plus grand est le danger qui menace le marché du Trésor US… et plus les prix des CDS américains augmentent. Le Congrès va sans aucun doute réussir à nous bidouiller une solution pour éviter la faillite en faisant semblant de mettre en place des révisions budgétaires “strictes”, tout en balayant, en pratique, la poussière sous le tapis. Mais quel que soit le résultat à court terme, les discussions prolongées à Capitol Hill confirment ce qui inquiétait déjà les plus grands créditeurs des Etats-Unis : le pays a un grave problème d’endettement, et aucune solution pour y faire face.

Comme l’un de nos collègues le déclarait récemment : “c’est pour ça qu’on a inventé l’or et l’argent !”

Rédacteur en chef d'Apogee Research, une publication en ligne réservée aux investisseurs professionnels et aux fonds de couvertures, Eric J. Fry est un spécialiste de l'analyse des actions internationales depuis le début des années 1980. Il a été pendant plus de 10 ans professionnel de la gestion de portefeuille. Il est l'auteur du premier guide sur les certificats de dépôt américains.

Eric apparaît régulièrement à la télévision américaine dans des émissions financières. Il contribue également à des travaux de recherche pour quelques publications spécialisées dans l'investissement. A La Chronique Agora, il donne quotidiennement son résumé des nouvelles de Wall Street.

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