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La France va-t-elle faire exploser l'euro

Rebelote. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se sont rencontrés.

Ils se sont parlés. Et ils ont fait une déclaration : la zone euro serait à deux doigts de trouver une solution pour la Grèce, et pour les banques européennes en difficulté, écrit Cécile Chevré pour La Quotidienne d'Agora.

Et pendant quelques heures, les marchés font semblant de les croire. Rebelote. "La Bourse de Paris rassurée par le sommet franco-allemand", nous apprend La Tribune. Les places européennes s'affichent vaguement dans le vert aujourd'hui. L'euro aussi d'ailleurs.

Si vous avez comme moi une très forte impression de déjà-vu, c'est normal, cela doit bien être la vingtième fois que la zone euro nous promet une issue positive à la crise grecque.

Mouais...

Un seul conseil, profitons-en, parce que cela ne va pas durer. Voici pourquoi :

Un plan, mais quel plan ?
Vous savez, vous, quel est ce plan miraculeux imaginé par le couple franco-allemand ? Non. Nous non plus d'ailleurs. En fait, personne n'en sait rien.

En version sans langue de bois, cela veut simplement dire que la France et l'Allemagne ne sont pas parvenues à accorder leurs violons.

Si le couple franco-allemand avait réellement trouvé une solution, ils l'auraient évidemment énoncée, au lieu de simplement l'annoncer... pour la fin du mois.

Les marchés ne devraient donc pas se leurrer très longtemps, et nous ne serions pas étonnés s'ils repartaient fortement en baisse dans les jours qui viennent.

Les banques européennes dans la ligne de mire des agences de notation
De leur côté, les agences de notation n'ont pas chômé ces derniers jours. Moody's a abaissé la note de 12 banques anglaises dont la Lloyds et RBS. Décision qui a évidemment été contestée par le gouvernement britannique – pour ce que cela vaut.

Les agences de notation ne sont pas arrêtées là. L'Espagne et l'Italie ont de nouveau vu leur note souveraine dégradée par Fitch. L'agence a justifié ainsi cette dégradation : l'Etat espagnol est de plus en plus exposé au risque bancaire puis il vient de racheter quatre "cajas" (banques régionales) en grande difficulté.

Quant à l'Italie, Fitch pointe l'endettement du pays et la difficile mise en place politique des mesures de rigueur nécessaires pour remettre sur le budget italien sur les rails.

La notation de la France menacée ?
Mais ce qui risque de réellement inquiéter les marchés – et la zone euro en général – dans les semaines qui viennent, c'est la notation de la France.

Certes, pour le moment, notre AAA a été confirmé par les agences. Et ce malgré les ennuis de la banque franco-belge Dexia.

La Belgique a annoncé le rachat pour 4 milliards d'euros de la branche banque de détail belge, Dexia Banque Belgique.

Autre accord concernant le financement de la "bad bank" qui prendra en charges les actifs toxiques de Dexia. Elle sera financée à 60,5% par la Belgique et 36,5% par la France (+3% par le Luxembourg).

Conclusion : les agences de notation estiment que l'affaire Dexia ne devrait pas trop peser sur les dépenses françaises. Une excellente nouvelle pour toute l'Europe. Pourquoi ? Pas par altruisme évidemment. La France et l'Allemagne sont les deux moteurs économiques et politiques de la zone euro.

Sans la France et son AAA, le Fonds européen de stabilité financière, qui est déjà bien brinquebalant, aurait un sérieux coup dans l'aile. L'Allemagne, et ses capacités financières, ne pourrait seule assurer la notation AAA du FESF. Quant aux autres pays européens, ils n'ont clairement pas les moyens d'injecter assez d'argent dans le FESF pour maintenir sa capacité d'emprunt AAA.

En clair, sans le triple A français, le FESF pourrait certes continuer à emprunter, mais avec un coût bien plus élevé qu'aujourd'hui.

Au-delà du FESF, c'est l'existence et le fonctionnement de la zone euro qui seraient remis en cause par une dégradation de la note souveraine française. Les Allemands, qui sont déjà fort rétifs à payer de leur poche pour aider la Grèce, n'apprécieraient vraiment pas d'être les seuls à garantir financièrement la zone euro.

Bref, la prise en charge telle qu'elle a été décidée par la France et la Belgique arrange clairement toute la zone euro. Notre AAA est pour le moment préservé.

A quoi s'attendre pour les semaines qui viennent ?
A des turbulences, sans aucun doute. La perte du AAA français n'est pas pour tout de suite, mais il arrivera bien un jour où la notation de la France ainsi que celle du Royaume-Uni seront sur la sellette.

Je ne sais pas quand ce jour arrivera. Nous savions tous que les Etats-Unis se verraient un jour dégradés, mais nous ne nous attendions pas à ce que cela advienne si rapidement.

A court terme, attendez-vous à un retour de bâton quand les marchés prendront conscience que la "solution" imaginée par la France et l'Allemagne n'existe que dans nos rêves les plus fous. Accrochez-vous à votre or !

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’EPHE et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’INTD. Cécile Chevré participe à la rédaction de la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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