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Zone euro : les élections grecques ne règlent pas grand-chose pour la BCE

Les marchés des changes ont paru soulagé...

" La montagne de spéculation et de scénarios grandiloquents au sujet du vote grec (la désintégration de la Zone euro ou la première étape d’une marche triomphale vers un avenir meilleur) va-t-elle accoucher d’une souris ? ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.

Nous avons à peu près tout lu sur les forums boursiers — y compris, comme d’habitude, une quantité phénoménale de pronostics idiots. Mais ce qui nous a frappé, c’est que de nombreux opérateurs ont “joué leur saison” (ou parié leur chemise) sur une victoire de la droite pro-austérité en Grèce ce week-end.

Probablement nostalgiques du bull trap de lundi dernier, ils espèrent se refaire ce lundi avec une hausse de 3% à 5% au minimum du CAC 40 (allez, rendez-vous directement à 3 230 points).

D’autres, plus pessimistes, se demandent quelle ligne politique va appliquer le futur gouvernement : en effet, un artifice législatif qui donne un bonus de 50 sièges au vainqueur des élections place la droite conservatrice en tête alors qu’elle est minoritaire dans les urnes.

Et si jamais le Pasok (socialiste) acceptait de constituer une coalition avec la Nouvelle Démocratie d’Anthony Samaras, cela changerait-il quoi que ce soit au constat de faillite du pays ? Les Grecs meurent désormais par centaines parce que certains médicaments ne sont plus livrés, et les médecins des hôpitaux ne sont plus payés depuis des semaines et même des mois.

▪ Restons réalistes
Ceux qui ont fait le pari que la Grèce resterait dans l’euro n’ont ni gagné ni perdu. En revanche, ils ont réussi à faire progresser les indices boursiers de façon parfois spectaculaire, à contre-courant des statistiques publiées la semaine dernière. Autrement dit, gare au phénomène du “fait accompli” et gare aux déceptions si la Fed décidait mercredi de rester l’arme au pied.

Les marchés sont convaincus d’avoir suffisamment manifesté leur angoisse face au risque de contagion récessioniste venue d’Europe pour que Ben Bernanke fasse tourner la planche à billets.

Les marchés des changes ont paru soulagé par les premiers sondages de sortie des urnes en Grèce, confirmés par les dépouillements de 90% des votes en milieu de soirée. Toutefois, ils réagissaient sans excès puisque l’euro progressait vers 1,2700 $ contre 1,2640 $ vendredi soir, soit +0,5%. Il ne s’agit pas d’une flambée aussi spectaculaire que dimanche dernier, puisque l’euro avait gagné plus de 1% sur la promesse d’une aide de 100 milliards d’euros en faveur des banques espagnoles.

Une bonne surprise concernant le scrutin grec avait en revanche été jouée de façon assez audacieuse en fin de séance. Les indices américains progressaient mollement à la mi-journée (+0,7%) et jusque vers 21h, mais les acheteurs ont repris la main tout au long de la dernière heure et arraché les cours au-dessus de leurs récentes résistances de la fin mai.

▪ Chiffres alarmants aux Etats-Unis
Cette vague d’achat contre-intuitive ressemble beaucoup à un pari sur la complaisance des banques centrales face aux désidératas des marchés. Les chiffres publiés vendredi à 14h30 puis à 15h55 aux Etats-Unis ont été franchement décevants, et ils confirment les signaux conjoncturels alarmants des semaines précédentes.

L’indice Empire State (Fed de New York) a chuté brutalement de 17,1 vers 2,3, au lieu d’un score anticipé de 12,8. Par ailleurs, l’indice U-Mich de la confiance des ménages américains dans la région des Grands Lacs décroche de cinq points pour s’établir à 74,1 (contre 77 attendu), son plus mauvais score depuis novembre… Mais ce ne sont là que des statistiques relativement mineures, selon la Fed.

Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si l’hypothèse de l’action coordonnée des banques centrales n’aurait pas été renforcée par une victoire de la gauche en Grèce. L’apport de liquidités serait assuré par la Fed, la BCE, la Bank of Japan et la Bank of England… qui a déjà promis d’injecter 100 milliards d’euros dans l’économie britannique.

▪ Quand le “pire” encourage les audaces
Les chartistes se soucient peu des enjeux électoraux et des promesses de la Fed ou du G10. Ils se réjouissaient déjà que Wall Street ait adopté un biais positif dès vendredi. L’accélération finale a propulsé le Dow Jones (+0,91%) vers 12 770 points et le Nasdaq (+1,29%) vers 2 973 points ; le Composite repasse la barre des 10% de gains annuels.

Cas de figure technique intéressant, le Standard & Poor’s (+1,02%) s’est affranchi de la résistance des 1 335 points, ex-plancher du 6 mars, pour en terminer à 1 342,84 points — soit +2,6% sur la semaine.

Si l’on fait la synthèse des chiffres américains et européens — et même ceux provenant de Chine — la semaine passée, il aurait été logique que Wall Street affiche un écart de 2,5%… mais à la baisse !

L’argument selon lequel le “fait accompli” de la récession a pu jouer ne tient pas la route car tous les chiffres publiés depuis mardi (y compris en Chine) ont été vraiment pires qu’attendus. Mais c’est justement ce “pire” qui encourage depuis quatre ans toutes les audaces.

A Paris, l’indice CAC 40 a engrangé 1,2% sur la semaine grâce à l’envolée des cours survenue vendredi. L’indice phare a clôturé en hausse de 1,825% à 3 087 points, soit exactement son niveau plancher du 23 avril dernier (et ex-zénith des 22 et 29 mai)… et les transactions sur les plateformes électroniques lui avaient permis de tester les 3 100/3 110 (son zénith du lundi 11 juin à l’ouverture) au moment de la clôture des marchés américains.

Cette séance de lundi nous apprendra si les investisseurs n’ont pas déjà pris un peu trop d’avance sur les évènements. En effet, ni la BCE ni la Fed ne peuvent régler d’un coup de planche à billets la faillite de la Grèce, les déficits abyssaux des Etats-Unis et la récession en Europe — pas plus qu’elles ne peuvent redresser une notation de l’Espagne qui flirte avec la catégorie junk bonds après les abaissements de Fitch, Egan Jones et Moody’s mercredi et jeudi derniers.

Il n’y a pas que l’Europe : l’Arabie Saoudite vient de perdre son héritier pour le trône, la situation semble très tendue en Egypte et la guerre civile fait rage en Syrie. C’est une large portion du Bassin méditerranéen qui semble au bord de l’explosion sociale ou du chaos…

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

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