Articles & actualité

Yen : ce que le silence de Pékin cache au sujet de la guerre des changes

La guerre des changes n’existe pas, nous assure Christine Lagarde

" Comme tous les vendredis — à deux exceptions près depuis le 1er janvier –, les indices américains ont tous clôturé au plus haut du jour, de la semaine, du mois, de tous les temps ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.

Les robots ont tout arraché à la hausse au cours du dernier quart d’heure. Les indices US ont pris 0,3% en moyenne au cours des derniers échanges (dans un vide sidéral en termes de volumes)… et entre 1% et 1,5% sur la semaine écoulée.

Dès que les algorithmes haussiers sont enclenchés en fin de séance, tous les vendeurs “se couchent” et leurs logiciels purgent en quelques secondes leurs positions vendeuses.

Ce n’est pas de la bourse, c’est du poker. Personne ne pose plus un jeton sur le tapis vert dès que la Fed fait mine de relancer, et cela dure depuis novembre dernier. Il n’est pas un seul trader qui n’ait intégré l’impératif catégorique “don’t fight the Fed“… surtout si elle se trompe totalement sur les conséquences de sa stratégie, s’enferre dans l’erreur et prétend ne pas détecter le début du commencement d’une bulle (immobilière, obligataire, boursière… mais elle n’en a jamais identifié aucune — ni en 1994 sur l’obligataire, ni en 2000, 2007 ou 2011 sur les actions).

Si le Nasdaq reste encore loin de ses sommets historiques, la hausse de 0,8% de ce vendredi le propulse à son plus haut niveau de clôture depuis le 3 novembre… 2000. Les volumes sont dérisoires (encore moins de 500 millions de titres sur le S&P 500) malgré la lancinante litanie des records historiques — qui autrefois s’accompagnaient d’une activité également record.

? Les 4 000 à portée de tir pour le CAC 40
L’activité a été carrément ridicule à Paris mercredi, jeudi et vendredi. Cela nous a valu un volume hebdomadaire de 11 milliards d’euros sur les cinq dernières séances (dont 2,5 milliards échangés vendredi)… mais cela à suffi à placer le CAC 40 sur orbite, au-dessus des 3 950 points.

Les 4 000 points sont à portée de tir ; tous les permabulls ont mis le champagne au frais. Ils misent sur le constat que si les lundis sont parfois décevants, les mardis sont haussiers à 100% depuis des semaines.

Mais plus on se rapproche de l’objectif, moins il y a d’acheteurs… A moins que ce soient les vendeurs qui s’abstiennent d’intervenir face à la volonté manifeste des banques centrales de faire grimper les actions

? Les faiseurs d’opinion ont encore du travail
Wall Street semble bien parti pour aligner un septième mois de hausse consécutif (+22% cumulé) et les valorisations sur le Nasdaq redeviennent stratosphériques. Les vedettes du Nasdaq 100 affichent 1,4% de rendement… loin des 3% évoqués par des faiseurs d’opinion qui tentent depuis des mois d’enflammer l’imaginaire des épargnants demeurés méfiants.

Plus les actions grimpent, plus ces beaux esprits affirment que les actions ne sont pas chères. Et chaque vendredi de hausse leur permet d’affirmer qu’elles sont encore plus attractives que la semaine précédente (Amazon se paye plus de 100 fois ses bénéfices, les investisseurs se l’arrachent).

Ce n’est rien à côté de la bulle obligataire : des rendements voisins de 1,81% sur le T-Bond à 10 ans (c’était jeudi soir avant une petite poussée de fièvre vers 1,89% vendredi) et de moins de 3% sur le 30 ans… sans oublier une rémunération de 5% à 6% sur les catégories les plus pourries de type junk bonds.

C’est peut-être ce à quoi Ben Bernanke faisait référence ce vendredi en s’inquiétant des conséquences de la course au rendement… qu’il a lui-même orchestrée de façon parfaitement délibérée en ramenant la rémunération de l’épargne obligataire à zéro, ce qui dévalorise l’essentiel de l’épargne les futurs retraités.

Il s’interroge sur une éventuelle déconnexion du prix des actifs par rapport aux conditions économiques réelles. Une entreprise en quasi-faillite peut aujourd’hui se refinancer à 5,5% en moyenne… c’est ce que devait payer l’Espagne pour se refinancer en début d’année.

? Et que fait le yen ?
Le fait marquant du vendredi 10 mai restera aussi la chute du yen, qui plonge sous les 102/dollar et 132/euro. C’est d’autant plus étonnant que cinq banques centrales asiatiques (en particulier l’Inde, Taïwan puis la Corée du Sud) ont baissé leurs taux la semaine dernière, le Vietnam clôturant vendredi le cycle de baisse de taux inauguré par l’Australie lundi dernier.

Le yen a légèrement rebondi à chaque fois (effet d’annonce) avant de retomber systématiquement un peu plus bas face à toutes les devises de la zone Asie Pacifique… et surtout contre l’euro et le dollar (un plancher de 102/dollar a été atteint).

L’explication tient à la disproportion des forces en présence : Taïwan, le Vietnam et l’Inde se battent au lance-pierre contre un adversaire armé d’un canon de 120. Seule la Chine dispose des moyens économiques et stratégiques de riposter efficacement à la dévaluation compétitive nippone qui les pénalise de manière très directe.

Le long silence de Pékin, depuis le début de l’année, devient assourdissant. Cela nous laisse penser que “quelque chose” se prépare ; nous ne serions pas surpris d’assister à une soudaine montée de ton au sujet des îles administrées par le Japon et dont la Chine réclame la souveraineté.

Cela serait justifié dans la mesure où le G7 de Londres a complètement éludé — comme prévu — la question de la guerre des changes (qui n’existe pas, nous assure Christine Lagarde) pour se concentrer sur la sécurité bancaire et la menace théorique que font peser les banques too big to fail.

 

BullionVault permet l'achat d'or en ligne

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

Voir tous les articles de Philippe Béchade.

 

Avertissement : Tous les articles publiés ici ont pour but d'informer votre décision, et non pas de la guider. Vous êtes seuls à pouvoir décider du meilleur placement possible pour votre argent, et quelque soit la décision que vous prenez, celle-ci comportera un risque. Les informations ou données incluses ici sont déjà peut-être dépassées par les événements, et doivent être vérifiées d’une autre source, au cas où vous décideriez d’agir. Voir nos termes et conditions.