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Un marché complètement déconnecté de l’actualité

Aucun lien réel entre les 4,1% gagnés par le CAC 40 depuis lundi et l’actualité des dernières 72 H...

" Et de trois ! Les séances de hausse s’enchaînent à mesure que les difficultés s’accumulent dans le ciel européen. Voilà que l’on nous vend la promesse d’un sauvetage imminent de la Grèce…  et même le projet de lui offrir bien plus que les 31,5 milliards d’euros prévus — un chiffre de 44 milliards d’euros circule depuis 48 heures ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.

Génial ! Les fonctionnaires grecs (enfin, ceux qui ont encore un emploi) vont pouvoir être payés, certes 30% de moins qu’il y a deux ans, mais au moins, la fermeture des services publics à l’américaine va-t-elle être évitée.

Mais attendez : d’où va sortir tout cet argent promis à Athènes ?

Comment va-t-on signer ce chèque alors que l’Allemagne ne veut pas faire cadeau d’un euro aux Grecs, à moins qu’ils ne s’engagent à se serrer la ceinture jusqu’en 2020 (et même au-delà) ?

Tout sera réglé lundi prochain, nous affirment les médias !

▪ Qui va payer l’ardoise européenne ?
Parfait, l’Europe est une fois de plus sauvée. Mais cela va coûter combien au contribuable européen — enfin, à ceux qui peuvent payer, car les Espagnols ou les Portugais ne semblent pas en faire partie, à moins qu’ils empruntent l’argent nécessaire entre 6% et 9%.
Ce sont là des questions bien futiles — bien dans le style des Publications Agora, qui ne semblent avoir pour seul but que de gâcher la bonne humeur des marchés !

Réjouissons-nous sans état d’âme. Le CAC 40 a rajouté hier 0,45% aux 3,6% gagnés lundi et mardi. Voilà 4,07% repris (c’est deux fois plus que le S&P) avec les volumes les plus faibles observés ces 20 dernières années. Il y a à peine deux milliards d’euros échangés par jour, moins de 1,8 milliard d’euros d’échanges réels à 17h29.

Du strict point de vue technique, les volumes négociés à Paris ne reflètent même pas l’impact mécanique des achats liés à la réplication indicielle passive. Rappelons qu’une progression de 1% du CAC 40 devrait entraîner une hausse d’un milliard d’euros des achats nets, par simple surpondération des actions par rapport aux instruments monétaires ou obligataires.

Mais les gestionnaires se contentent de se laisser porter et ne prennent même pas la peine de remanier leurs portefeuilles. Ils ne savent pas quoi faire et de toute façon cela occasionne des frais.

En l’absence d’achats indiciels, il est encore moins question d’invoquer des rachats à bon compte après les 6% perdus (ce n’est franchement pas énorme) depuis le zénith annuel de la mi-septembre.

Les gérants d’OPCVM se montrent plus que frileux… les mains longues sont aux abonnés absents… alors 80% des volumes quotidiens sont réalisés par la spéculation intraday.

Ce n’est qu’un jeu du chat et de la souris entre acheteurs et vendeurs, lesquels cherchent à se piéger mutuellement via des algorithmes sophistiqués dont le paramétrage est sans cesse modifié pour feinter l’adversaire. Tous les acteurs de cette guerre des robots se désintéressent totalement de la détermination d’une juste valeur concernant les actifs qu’ils tentent de manipuler à leur profit.

▪ Un marché déconnecté
Vous conviendrez aisément qu’il n’a aucun lien réel entre les 4,1% gagnés par le CAC 40 depuis lundi et l’actualité des dernières 72 heures. La France a perdu son Triple A… le chômage flambe… les transactions immobilières et les investissements des entreprises s’effondrent littéralement au troisième trimestre.

Aux Etats-Unis, la Fed déclare ne pas pouvoir à elle seule remettre l’économie sur de bons rails et les chiffres du crédit américains ne sont guère convaincants. Sur le front des statistiques, la confiance des ménages américains a été revue à la baisse ce mercredi (à 82,6 contre 84,9), les indicateurs avancés grappillent 0,2% (comme prévu) et ne marquent aucune accélération.

La Japon va relancer en décembre la guerre des devises pour soutenir son commerce extérieur aux dépens de la Zone euro principalement (et de l’Allemagne ou de l’Italie en particulier).

D’après les dernières images de bombardement de la bande de Gaza et d’attentat à Tel-Aviv, les tensions persistent au Proche-Orient… et elles menacent de s’étendre.

Mais alors, qu’est-ce qui va si bien dans le monde ou dans l’Hexagone qui justifie un sursaut de 4% du CAC 40 ? La raison ne saurait être trouvée du côté de Wall Street qui gagne 2,2% depuis lundi.

Les indices américains ont été eux aussi activement soutenus à la veille du long pont de Thanksgiving, mais l’essentiel avait été acquis dès la séance de lundi avec un gain inattendu de 2% ; c’est beaucoup plus laborieux depuis 48 heures.

Pourquoi se torturer les méninges alors que la réponse à toutes nos interrogations est peut-être d’une simplicité enfantine ? Les indices boursiers font tout simplement ce qui rapporte le plus à ceux (une poignée d’opérateurs) qui ont les moyens — l’argent de la Fed leur permettant de les manipuler.

Comme ils ne gagneront rien à se dévorer entre eux, ils s’accordent à tondre (par une prise à contrepied systématique) ceux qui oseraient encore poser leurs petites mises sur leur tapis vert.

Vu les volumes négociés à Paris, ils ont gagné la partie ! Y’a plus personne !

 

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Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

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