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Quelles devises prendraient le relais en cas d’effondrement du dollar ?

Et si le dollar s’effondre… que faire ?


" “Au seuil d’une crise”, observions-nous dans le Daily Reckoning, l’édition américaine de la Chronique Agora, du 19 juillet 2011, “une imagination fertile peut être l’actif le plus précieux de l’investisseur” ", écrit Eric J. Fry pour La Chronique Agora.

“En temps normal”, continuions-nous, “les investisseurs ne peuvent s’empêcher de ne se concentrer que sur l’achat de titres de qualité de manière sélective en phase ascendante, sans essayer de prévoir quelles tragédies pourraient leur tomber dessus… mais cela pourrait être également l’occasion de commencer à imaginer l’inimaginable”.

“En d’autres termes, il pourrait être temps de commencer à considérer que dans la phase suivante de l’évolution du système monétaire mondial, le dollar américain pourrait ne pas être la monnaie de réserve… ou bien que dans ces vingt prochaines années, la vie en Amérique pourrait ne pas ressembler à celle de ces vingt dernières années”.

Ici aux Etats-Unis, la vie est encore douce, même si la situation économique n’est pas parfaite. Une crise véritable semble inimaginable. Après tout, même la crise de 2008 n’a pas été à ce point dramatique. Aujourd’hui, l’Apple store du centre commercial est toujours bondé, la plupart des restaurants en centre-ville sont pleins… et le dollar est encore assez vigoureux pour pouvoir s’offrir des vacances agréables quasiment partout dans le monde.

Une crise monétaire qui déclenche une crise économique — ou vice versa — se ressent comme une accumulation de catastrophes absolues. Ce qui pourrait effectivement s’avérer. Dans le contexte de la faculté de récupération et de la puissance économique légendaire de l’Amérique, une crise monétaire catastrophique semble pratiquement inimaginable… Mais le temps est venu de commencer à l’imaginer… non pas parce que cela est certain mais parce que cela est devenu moins inimaginable.

La meilleure façon de se défendre d’une crise monétaire est aussi évidente qu’elle est émotionnellement difficile : il ne faut pas garder la devise qui se dirige vers une crise.

▪ Noé aussi semblait fou, avec son arche… jusqu’à ce qu’il se mette à pleuvoir
Il n’y a rien de mécaniquement difficile à propos de cette solution mais elle peut être très difficile d’un point de vue émotionnel… et tactique. Par exemple, un individu qui échange des dollars contre une devise “plus sûre”, risque de passer pour fou pendant une longue période de temps. Pas même l’or n’est un pari sûr à court/moyen terme. Cette valeur refuge a dégringolé de près de 40% par rapport au dollar durant la crise de 2008.

En résumé, être “assuré” peut parfois sembler très dangereux… et fou. Personne ne veut paraître aussi fou que Noé construisant son arche… à moins, bien sûr, qu’il ne commence à pleuvoir.

Lorsque la pluie a commencé à tomber sur le Brésil en 1990… ou en Thaïlande en 1997… ou en Russie en 1998, les investisseurs qui avaient échangé leur devise locale contre des dollars américains ou de l’or ont été capables de traverser les crises relativement sans encombre.

Lorsque leur économie a basculé dans une forte récession et que les valeurs des actifs se sont effondrées, ceux qui avaient converti leur richesse en dollars ou en or ont pu la préserver… et également tirer profit des bonnes affaires qui en ont résulté.

Mais, s’ils voulaient réussir à protéger leur richesse, ces investisseurs devaient être à la fois tournés vers l’avenir et patients. Mais même ainsi, leur mission était infiniment plus facile que celle à laquelle les Américains font face aujourd’hui.

Tout au long de la série de crises monétaires de ces dernières décennies, les individus du monde entier savaient qu’ils pouvaient protéger leur richesse simplement en échangeant leur devise locale contre des dollars américains. Ils n’avaient même pas à réfléchir. Un tout petit peu d’imagination suffisait aux investisseurs pour passer au large de ces crises. Le dollar était un refuge.

▪ Et si le dollar s’effondre… que faire ?
Mais aujourd’hui que le “refuge” lui-même devient moins sûr, il est très difficile de déterminer quelles seraient les actions appropriées à entreprendre. Aujourd’hui, les crises potentielles pourraient ne pas éclater dans les républiques bananières ou dans des pays à la situation économique catastrophique chronique mais dans les plus grandes économies mondiales.

Les investisseurs n’ont pratiquement pas eu besoin d’avoir recours à leur imagination pour prévoir la crise argentine de 2002. L’Argentine, le Brésil et la Russie possédaient tous trois un riche historique d’incompétence monétaire et de chicane. Cependant, aujourd’hui, les investisseurs devront faire appel à une imagination si vive et si délirante qu’elle frise le côté hallucinogène. Ils doivent non seulement imaginer qu’un pays comme l’Argentine pourrait connaître une crise monétaire… à nouveau… mais ils doivent aussi essayer d’imaginer que l’euro pourrait voler en éclats… ou que le dollar pourrait subir une hyperinflation catastrophique.

En fait, si les fondations qui soutiennent la force du dollar s’effritent, comment les détenteurs de dollars tournés vers l’avenir pourraient-ils se protéger ? Doivent-ils échanger leurs dollars contre quelques devises étrangères choisies ? Peut-être… Mais s’ils sélectionnent les mauvaises devises ?

Singapour, la Norvège et le Chili, pour ne citer que trois exemples, émettent des monnaies qui s’apprécient par rapport au dollar US depuis plusieurs années. Grosso modo, leurs monnaies sont fortes parce que ces pays fonctionnent d’une manière beaucoup plus responsable d’un point de vue fiscal que l’Etat américain. Toutefois, lorsque la crise de l’euro a atteint un niveau d’ébullition l’été dernier, le dollar US était encore la monnaie refuge. Le dollar de Singapour, la couronne norvégienne et le peso chilien ont tous chuté d’au moins 10% par rapport au dollar américain.

Ces trois devises ont depuis récupéré la grande partie de leurs pertes. Mais le problème reste entier : essayer de préserver sa richesse en échangeant des dollars américains contre d’autres devises est une chose terrifiante et risquée… même si cette stratégie peut se révéler être absolument juste sur le long terme.

Rédacteur en chef d'Apogee Research, une publication en ligne réservée aux investisseurs professionnels et aux fonds de couvertures, Eric J. Fry est un spécialiste de l'analyse des actions internationales depuis le début des années 1980. Il a été pendant plus de 10 ans professionnel de la gestion de portefeuille. Il est l'auteur du premier guide sur les certificats de dépôt américains.

Eric apparaît régulièrement à la télévision américaine dans des émissions financières. Il contribue également à des travaux de recherche pour quelques publications spécialisées dans l'investissement. A La Chronique Agora, il donne quotidiennement son résumé des nouvelles de Wall Street.

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