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L'Or En Hausse


L'or a une nouvelle fois passé la barre des 1 000 $ cette semaine.

Pour de bonnes raisons... mais peut-être également pour de mauvaises. Cette semaine, notre tâche consiste à séparer le bon grain de l'ivraie, écrit Bill Bonner.

La presse a attribué la hausse de l'or à des causes bénignes. La fin du monde semble avoir été repoussée -- indéfiniment. Lors d'un sondage, Bloomberg rapportait que selon la grande majorité des personnes interrogées, l'économie mondiale est en train de se remettre. Puisqu'ils ne craignent plus le diable de la déflation, les investisseurs pensent être dans les bras des anges. De toute évidence, Ben Bernanke veille sur eux durant leur sommeil. Même le président des Etats-Unis est persuadé d'avoir sauvé le pays.

Quant à Tim Geithner, il ne laisse rien au hasard : il chante ses propres louanges. Lors d'un discours au G20, il a félicité tout le monde :

"... confronté au plus grand défi pour l'économie mondiale depuis des générations, le G20 s'est rassemblé à Londres et s'est engagé dans un programme de mesures politiques sans précédent destiné à restaurer la croissance et réformer le système financier international. Ces actions ont éloigné l'économie mondiale du bord du précipice. Le système financier montre des signes d'améliorations. La croissance est désormais en chemin".

Les actions sont en hausse. Les matières premières aussi. Le pétrole est au-dessus des 70 $. Encore plus encourageant, le rendement du bon du Trésor américain n'est qu'à 3,47%. Alors quels maux poussent les investisseurs à chercher refuge dans la sécurité de l'or ? Aucun, disent les journaux ; les investisseurs achètent de l'or en anticipation des jours meilleurs. Ils voient une reprise qui amènera avec elle un resserrement de l'offre et une augmentation de la demande. Tous les économistes, investisseurs et garçons-coiffeurs savent ce que cela veut dire -- de l'inflation.

Mais si la croissance est en route, les investisseurs devraient se réjouir de ce qu'elle ne soit pas plus virulente. Les indicateurs de progrès économique réel sont négatifs. L'emploi ne grimpe pas ; il chute. Près de sept millions d'Américains ont perdu leur emploi depuis que la récession a commencé. En Californie, seuls trois habitants sur cinq en âge de travailler ont un emploi. Et ceux qui ont encore un poste font les heures de travail les plus courtes jamais enregistrées. Comment l'économie peut-elle se développer alors qu'il y a moins de gens gagnant de l'argent ? Le New York Times a tenté d'expliquer cette énigme en la baptisant "reprise sans emplois". Mais une reprise sans emploi ne nous semble guère satisfaisante, un peu comme un mariage sans amour ou un hamburger sans calories.

Autre indicateur clé : les dépenses personnelles. Sans surprise, elles sont en baisse aussi. Aux Etats-Unis, les dépenses personnelles ont chuté sur quatre des six derniers trimestres -- une chose qui ne s'était encore jamais produite depuis qu'on a commencé à suivre les chiffres en 1947. Le niveau de dépenses de consommation est en baisse de 33% par rapport à la même époque l'an dernier -- tandis que les dépenses superflues sont revenues à un niveau qu'on n'avait plus vu depuis 50 ans. Les consommateurs ne dépensent pas en partie parce qu'ils n'ont pas d'argent... et en partie parce qu'ils utilisent l'argent qui leur reste à soulager la migraine causée par leurs précédents excès. Cette semaine, on apprenait qu'en juillet, ils ont réduit leurs dettes de plus de 21 milliards de dollars -- plus de quatre fois le chiffre prévu par les économistes. On parle là bien entendu des économistes qui font le trottoir pour Bernanke & Co. S'ils ont raison, c'est une reprise sans emplois et sans dépenses qui fait grimper le prix de l'or.

Nous offrons une autre interprétation -- et pour cela, nous commençons par remettre en question celle qui est proposée actuellement. Selon les idées reçues, plus une reprise semble concrète, plus les investisseurs craignent l'inflation. Cela les pousse à acheter de l'or. Bien entendu, cela devrait aussi les conduire à vendre les bons du Trésor américain -- ce qui ne s'est pas produit. Et l'inflation n'a pas grimpé non plus.

Si ce point de vue est correct, nous devrions commencer à voir des changements de la part de la banque centrale américaine. La Fed devrait bientôt commencer à retirer ses stimulants monétaires, replaçant l'économie dans une sorte de normalité qu'elle n'a pas vue depuis des années. Le risque -- et il n'est pas négligeable -- est de voir les économistes de la Fed se tromper. Ils pourraient assouplir leur politique monétaire trop lentement ou trop rapidement. Lorsqu'on l'a interrogée sur la question, Janet Yellen, président de la Fed de San Francisco, a promis d'éviter l'erreur de 1937 : elle ne "resserrera pas la politique trop prématurément, étouffant la reprise".

Les haussiers de l'or comptent sur elle. Et les Chinois -- qui ont le plus à perdre -- sont acheteurs aussi. "L'or est sans aucun doute une alternative", a déclaré M. Cheng Siwei, de la République populaire chinoise, "mais lorsque nous achetons, les prix grimpent. Nous devons agir avec prudence afin de ne pas stimuler le marché".

Les haussiers de l'or ont peut-être raison. Mais dans ces colonnes, nous avons une nuance à ajouter. Nous ne sommes pas surpris par les erreurs occasionnelles de la Fed. Ce qui nous étonne, en revanche, ce sont les rares succès accidentels. Il faudrait un miracle pour que les banquiers centraux trouvent exactement le taux dont les marchés ont précisément besoin, au moment le plus opportun. L'erreur de 1937, par exemple, a peut-être aidé les marchés. Elle a accéléré le processus de liquidation. Au moins la voie était-elle dégagée lorsque le boom d'après-guerre est enfin arrivé. Peut-être aurons-nous de la chance : la Fed pourrait faire la même erreur cette fois-ci.

C'est peu probable. La reprise actuelle, basée sur de l'argent brûlant fourni par les autorités, est une fraude. Elle ne provoquera pas l'inflation -- en tout cas pas de sitôt. Lorsque cela deviendra clair, les matières premières couleront -- ainsi que les actions... et l'or. Les banques centrales, ignorant allègrement la futilité de leurs programmes monétaires jusqu'à présent, injecteront encore plus d'argent. Toutes ces liquidités finiront enfin par générer de l'inflation, et l'or "entrera en fusion". Les haussiers de l'or auront plus raison qu'ils le pensent. Mais ils auront peut-être d'abord tort.

Bill Bonner est le fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information confidentielles – probablement l'une des plus brillantes au monde. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450.000 lecteurs... ), il intervient également dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning.

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