Nouvelle ruée vers l'or en Californie (II)
Nouvelle poussée de fièvre en 2008
Il est probable que nombre de Californiens actuellement ruinés descendent de cette première vague d'immigration aurifère. Manifestement, l'or est resté dans leurs gènes, surtout depuis qu'il tutoie les 1 000 $ l'once. Samuel Brannan a lui aussi des "descendants", ou du moins des successeurs. L'un d'eux s'appelle Harrigan McGregor, patron de GoldFeverProspecting. Cette société vend, elle aussi, le kit du parfait chercheur d'or. McGregor a confié au Financial Times du 28 mars que "nos ventes ont été multipliées par quatre ces trois derniers mois". "Pour la Calif donné leur boulot et se lancent dans la prospection à temps plein !", ajoute-t-il.
Ce que confirme le service local du cadastre. Les dossiers de demande de concessions -- souvent pour la recherche d'or -- s'envolent : de 125 demandes au premier trimestre 2005, les dossiers déposés sont passés à 2 300 au premier trimestre 2008...
Autre fait qui ne trompe pas : l'Association des chercheurs d'or des Etats-Unis -- si, cela existe -- a vu le nombre de ses membres tripler depuis un an. Et selon elle, seul 10% du métal jaune a été extrait des gisements alluviaux et des galeries minières de Californie. Selon des géologues américains, la proportion exacte serait plutôt de 20%, mais peu importe : il reste de l'or dans cet état. Encore faut-il se donner la peine de le chercher...
Chercher de l'or pour les nuls
Prudent, McGregor entend même faire de la prospection aurifère alluviale -- dans le lit des rivières -- une sorte de hobby. Car sa société propose aussi des... formations à la prospection. Voilà qui occupe les collégiens californiens le week-end, et laisse à leurs parents le temps de souffler -- et de chercher des pépites pour faire face aux prochaines traites ? Des agences de voyage sont même en train de mettre au point des gold digger tour, des séjours organisés misant sur la recherche d'or récréative...
Gold Prospecting Adventures, dont c'est le métier, en fait son beurre : selon The Sacramento Bee, un journal local californien (03/04/08), le succès est au rendez-vous. "Nous sommes complètement débordés, nous devons même refuser du monde !", indique son patron Brent Schock, qui n'avait encore jamais vu cela en 25 ans de carrière... "Nous proposons de nouveau des excursions aurifères par hélicoptère : des groupes de quatre à cinq personnes sont larguées dans des coins difficilement accessibles des montagnes environnantes", où personne n'avait encore eu l'idée de chercher quoi que ce soit.
Au rendez-vous des espoirs déçus
Chasser les prospecteurs sauvages qui ruinent le lit des rivières occupera pendant quelques temps les rangers gardant les parcs naturels environnants. Mais que peuvent espérer ces prospecteurs d'or amateurs ? Comme le confie au Sacramento Bee Michael Koettle, dont la boutique de Sierra City vend notamment des détecteurs de métaux, "les mineurs sont comme les pêcheurs : ne croyez que la moitié de ce qu'ils vous racontent".
Jules Verne l'écrit fort bien : rares, rarissimes sont les chercheurs d'or qui sont devenus riches grâce à leur quête de pépites. La plupart du temps, les prospecteurs individuels ne trouvaient pas grand' chose, et repartaient les mains aussi vides que leurs rêves étaient grands. S'ils en sortaient vivants...
Dans son papier du 3 mars dernier, Bruno Bertez nous rappelle que la réalité économique de la Californie ne se résume pas à cette curieuse réédition du Gold Rush de 1848 : "crise de l'immobilier, surendettement des ménages, érosion du pouvoir d'achat, menaces sur l'emploi, utilisation désespérée des derniers artifices, la Californie nous semble le modèle précurseur de l'Amérique entière".
Reste à savoir quand les courtiers déchus de Wall Street se mettront à chercher de l'or dans l'Hudson River qui baigne New York...