Les temps deviennent difficiles en Chine ? La Fed va nous arranger ça !
La croissance envisagée pour les cinq prochaines années fait froid dans le dos
" Les rumeurs d’intervention de la Fed s’enchaînent à un rythme de plus en plus soutenu depuis les premiers profit warnings du début du mois de juillet ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.
Chaque mauvaise statistique aiguille Wall Street. Dès que le marché ressent un manque (de croissance, de bénéfices, de perspectives favorables), il s’imagine le bon Docteur Ben se précipitant vers sa réserve de seringues pour les recharger de son mélange vedette morphine/Prozac/Valium (analgésique + antidépresseur + anxiolytique).
Cela ne règle aucun des problèmes psychologiques de fond mais la Bernanke Mixture soulage le patient de ses angoisses existentielles.
La manipulation des indices américains est tellement systématisée en cas de mauvais chiffres qu’elle en devient grotesque… mais tout le monde semble y trouver son compte. Il y aurait tout lieu de s’en réjouir si nous pouvions considérer que cela illustre l’adage selon lequel “si cela ne procure pas tout les bienfaits espérés, au moins cela ne cause de tort à personne”.
▪ La croissance envisagée pour les cinq prochaines années fait froid dans le dos
Mais si la hausse des indices boursiers était aussi conforme à la logique économique que certains le prétendent, nous n’assisterions pas à une poursuite du flight to quality vers les emprunts d’état helvétiques, américains, allemands et désormais français… puisque toutes les émissions d’une maturité de trois à 18 mois offrent désormais des rendements négatifs.
Les BTAN (billets de trésorerie) de maturité juin 2014 affichaient ce lundi 0,053%, les BTAN 2017 moins de 0,9% … Cela en dit long — en raisonnant de façon orthodoxe — sur le niveau de croissance anticipée au cours des cinq prochaines années. Nous sommes face à un pur scénario à la japonaise, et encore, en supposant que la BCE finisse par calquer sa stratégie sur celle de la Fed.
Personne ne doute que la Fed s’emploiera à donner le bon exemple avant les présidentielles de novembre, même si cela procure à Barack Obama l’occasion d’affirmer que Wall Street s’accommode de la politique menée depuis quatre ans.
▪ La Chine en difficulté
Nous ne savons pas trop bien si la Maison Blanche a le seulement le pouvoir de convaincre la Chine de ne pas liquider son stock de bons du Trésor américain. Le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, a déclaré dimanche au quotidien officiel Chine Nouvelle que le rebond économique n’est pas stable et que les difficultés pourraient continuer encore pendant un moment.
Les difficultés… Singapour les éprouve déjà depuis six mois, avec un PIB en chute libre depuis l’automne dernier et qui a baissé de 1,1% au deuxième trimestre 2012. La cité-état constitue un baromètre avancé de la conjoncture économique à Shanghai et Shenzhen — c’est la plaque tournante du commerce en Asie… et les statistiques n’y sont pas systématiquement truquées.
Avec seulement 7,6% de croissance, la Chine n’est plus en mesure d’absorber les flux de jeunes diplômés rentrant sur le marché du travail. Le pays affiche des surcapacités de production vertigineuses, ce qui entraîne l’explosion du taux de mortalité des PME chinoises dépendantes des exportations.
Le taux de défaut sur les encours immobiliers grimpe également, mais cela n’empêche pas les banques d’accorder de nouveaux prêts à mesure que le loyer de l’argent décroît.
Les marchés ne s’y trompent pas. En dépit de l’optimisme volontariste dont font preuve les Chinois, la Bourse de Shanghai, plombée par les financières, a chuté lundi de 1,75% et atteint son plus faible niveau depuis le 5 janvier dernier — c’est-à-dire un niveau plus revu depuis mi-mars… 2009
En ce qui concerne les études qui tentent de convaincre les observateurs que les prix de l’immobilier ne baissent pas et qu’une majorité de Chinois s’attend à une hausse au cours des prochains mois, il s’agit soit de pure propagande… soit d’une erreur de traduction : le verbe “attendre” ayant été substitué à “espérer”.
D’après les chiffres fournis par les banques locales, la décrue marginale de l’immobilier observée dans certaines grandes villes (autour de -5% l’an passé) est aussi crédible que celle dont font état les banques espagnoles. Ni les unes ni les autres ne sont en mesure d’avouer des baisses comprises entre 25% et 40% de la valeur de leurs garanties hypothécaires, au risque d’être instantanément considérées comme une situation de faillite.
Pour renflouer son système bancaire, Pékin n’aurait guère d’autre choix que de solder une partie de son portefeuille de T-Bonds et autres créances libellées en dollars.
▪ Encore des mauvais chiffres pour les Etats-Unis
Mais Wall Street s’est empressé d’oublier les mises en garde de Wen Jiabao grâce — une fois de plus — à la publication de mauvais chiffres aux Etats-Unis lundi matin. Le fléchissement de la consommation des ménages américains se confirme au deuxième trimestre. Les ventes au détail aux Etats-Unis ont baissé de 0,5% en juin par rapport au mois précédent, alors que le consensus visait au contraire une hausse de l’ordre de 0,2%.
Wall Street affichait -0,4% en clôture — le S&P s’effritant de seulement 0,23%. Mais les indices américains avaient réduit leurs pertes à 0,1% ou 0,2% vers 17h30 car les opérateurs se sont repris à espérer des déclarations encourageantes de la part de Ben Bernanke mercredi devant le Congrès américain.
Les marchés US n’ont fait que s’aligner sur le repli de l’Euro-Stoxx 50 quelques heures auparavant. Mais ce modeste écart masquait de fortes disparités puisque la Bourse d’Amsterdam grappillait 0,35%, Francfort finissait stable (0,15%) tandis que Madrid dévissait de 2%. Il y a d’ailleurs eu de nombreuses manifestations anti-austérité dans le pays et les taux à 10 ans remontent en flèche en direction des 7%.
La Bourse de Madrid est certainement celle qu’il convient de surveiller le plus attentivement au cours des prochaines heures, alors que l’IBEX 35 menace le palier décisif des 6 500 points. En cas d’enfoncement, c’est la plongée sans filet en direction des planchers annuels avec comme corollaire le surgissement de nouvelles craintes de contagion de la crise économique — et désormais sociale — à l’Italie, alors que Moody’s vient de dégrader 13 banques italiennes.