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Les achats d’or des banques centrales et l’étalon or

Que faudrait-il pour un retour à l’étalon or ?

Investir dans l’or est toujours une décision politique, où qu’on soit.

L’or, inhumain, est un souvenir éternel qui ne rouille pas du temps où les hommes refusaient de se faire confiance, de croire en la parole et en la promesse des autres.

Donc la quantité d’or achetée signale un doute et une méfiance sur la façon dont les finances, l’argent et la société fonctionne.

Même une détention de 5% de son portefeuille en or suggère que vous considérez que la crise se produira avec une probabilité de 1 sur 20.

C’est pourquoi, nous ne nous réjouissons pas quand les banques centrales achètent de l’or, à l’inverse de la majorité des négociants et des promoteurs d’or.

Ce qui ne veut pas dire que nous pensons qu’elles devraient ne pas en acheter. L'on estime ici que lorsque les gouvernements achètent de l’or cela augure des problèmes à l’horizon.  

De retour en 1875, à l’apogée de l’étalon or classique. C’était quand la monnaie signifiait de l’or, que ce soit sous forme de pièces physiques et aussi comme la mesure officielle de la valeur monétaire des billets de banques, de la petite monnaie, des contrats et des crédits.

Les réserves officielles d’or dans le monde comptaient en fait pour pas plus de 1 100 tonnes métriques, selon Timothy Green, auteur d’un rapport de recherche en 1999 pour le compte du Conseil mondiale de l’or. Le volume des pièces d’or en circulation à l’époque s’approchait des 3 000 tonnes.

Les citoyens privés, en d’autres termes, ont détenu une grande partie de la richesse du monde industrialisé et l’étalon or (« un symbole de bonne pratique et un badge d’honneur et de décence », selon un historien) a commencé par défaut et non pas délibérément. 

Il s’agissait simplement de la façon dont les particuliers dans le monde décidèrent de se rencontrer et d’échanger de la richesse. La monnaie nationalisée, à ce stade, était à peine envisageable pour les technocrates et les tyrans amateurs.

En 1895, 20 ans plus tard, cependant, des 6 100 tonnes du stock monétaire, les banques centrales détenaient environ 2 750 tonnes, a écrit Green.

10 ans plus tard, la balance bougeait en faveur des banques centrales, qui détenaient maintenant 4 710 tonnes du stock monétaire en comparaison avec les 3 916 tonnes d’or des particuliers.

A la veille de la première guerre mondiale, après une hausse de trois ans des réserves d’or d’état sous la direction de l’empereur allemand Guillaume II et du Tzar Nicolas II de Russie, les états souverains détenaient quelques 8 100 tonnes au total.

Il est difficile de ne pas voir un lien entre la guerre totale du 20ème siècle et cette « guerre totale » sur le patrimoine privé détenu librement.

Ces réserves d’or nationalisée correspondaient égales à 20% environ de tout l’or extrait du sol dans l’histoire jusqu’en 1914. Les réserves des gouvernements et banques centrales ne sont revenues vers ce niveau qu’il y dix ans… soit 90 ans après que le massacre de la seconde guerre mondiale ait pris fin et avant la plus grande catastrophe de la seconde guerre.

Stock d'or au-dessus du sol et pourcentage de l'or dans le secteur officiel, BullionVault

L’or : Conservé pour la guerre et en coffre pour la victoire.
Vert : Or au-dessus du sol (en tonnes, gauche)
Rouge : Pourcentage entre les mains du secteur officiel.

 

Quand les canons quittèrent les champs de bataille en 1919 et les coquelicots revinrent dans le nord-est de la France, le désastre économique qui suivit accéléra cette nationalisation de ce qui fut jusqu’à là de la monnaie détenue de façon privée.

L’or fut aspiré dans les coffres d’état à une vitesse encore plus grande, alors que les libertés individuelles furent retirées par les gouvernements de tout bord, communiste, socialiste, national socialiste et impérialiste.

Un taux de chômage important, le fascisme et le réarmement de l’Europe ont engendré une ruée vers l’or et un pouvoir qu’il amena sous le contrôle officiel. Et aucune autre bureaucratie n’a pris contrôle de cette richesse aussi urgemment que les Etats-Unis.

En ce jour maudit de 1933, juste avant que les Nazis n’annexent l’or des coffres d’Autriche, de la Tchécoslovaquie, de la Pologne de la Belgique et de la Hollande, ainsi que des juifs dans toutes l’Europe centrale, le gouvernement américain a en fait rendu illégale la possession d’or privé, forçant les gens à vendre leur or au Trésor sous la menace d’une amende 10 000 dollars ou d’une peine d’emprisonnement.

Le président Roosevelt, non satisfait du tonnage récupéré de ses citoyens, a ensuite dévalué le dollar US, abaissant sa valeur de 20,67 $ à 35 $ l’once d’or, et encourageant alors l’or détenu à l’étranger à arriver dans les réserves de Washington à un nouveau prix plus élevé.

Pendant la nationalisation finale de l’or des particuliers, qui s’est tenue dans le monde dans les années 1930s, 60% de tout le nouvel or des banques centrales a fini dans les réserves américaines.

Les Etats-Unis ont acquis encore plus d’or pendant la seconde guerre mondiale, l’obtenant des coffres britanniques et soviétiques en échange de navires, de tanks, de nourriture, de bottes, d’essence et d’avions de combat. Cette cumulation d’or a continué même après la guerre, quand les banques centrales européennes ont vendu leur peu d’or qu’elles avaient encore au Trésor US pour des dollars nécessaires à la reconstruction de leurs économies en ruine, explique Timothy Green.

A son apogée, en 1949, le Trésor US détenait plus de 70% de tout l’or nationalisé. De cette façon, les Etats-Unis ont réussi une annexion quasi-totale des stocks d’or monétaires mondiaux. Cela coïncide avec l’Amérique qui a su atteindre la prééminence financière et politique au niveau mondial. Une domination toujours d’actualité.

Pourquoi ressassons-nous cette histoire maintenant, 100 ans et 5 jours après l’Armistice de 1918 ?

Tout d’abord parce que les réserves officielles tournent encore beaucoup les regards vers le marché de l’or. L’on pense au tapage de la semaine passée sur l’or du Venezuela à Londres ou l’article du Telegraph lundi sur la Banque de France qui tente de récupérer des clients de la Banque d’Angleterre.

Tout espoir que Paris ne regagne un rôle de marché de l’or semble bien lointain. Shanghai semble être un meilleur challenger à Londres, en tant que centre mondial de l’or, si toutefois Pékin met fin aux interdictions d’exportations de métaux précieux.

Cela se produira-t-il peut-être lorsque la Perle de l’Orient accueillera avec Shenzhen (une ville plus au sud) la prochaine conférence en 2019 des professionnels des métaux précieux de Londres ou LBMA ?

C’est de la conjecture de ma part, mais la Chine est après tout le premier pays producteur, importateur et consommateur d’or au monde. Le Politburo a aussi fait en sorte que ses réserves nationales s’accroissent ces dix dernières années dans la plus grande discrétion, à la différence de la Russie et de la Turquie qui ont acheté de l’or en fanfare.

Si le 21ème siècle s’annonce être le « siècle chinois », comme l’anticipent les commentateurs, la direction des flux mondiaux de l’or pointe vers l’est.

L’on espère que Pékin se sentira moins obligé de nationaliser et de contrôler tout cet or à l’inverse des pays dominants du 20ème siècle qui l’avaient fait à l’approche de 1914.

Que la Chine attrape la fièvre de l’or ou pas, il faut faire attention à ce que l’on veut si l’étalon or venait à revenir dans le système monétaire.

Naissant dans un monde de crédit numérique, l’assouplissement quantitatif et les taux d’intérêt négatifs, il est difficile d’imaginer l’ampleur et la profondeur de la dévastation que pourrait engendrer un tel renversement de politique monétaire. 

L’on peut considérer les raisons pour la décision de la Grande-Bretagne d’abandonner l’or en 1931 : les conflits sociaux, les massacres en masse et l’éradication de la dépression.

Ne jamais dire jamais, bien sûr. Mais le contrôle d’état et la surveillance des activités privées n’ont fait que croître depuis la fin de la guerre totale au milieu du 20ème siècle.

Est-ce que le monde peut vraiment retourner à l’étalon or sans besoin d’une catastrophe égale aux désastres qui engendrèrent sa fin ?

 

 

Adrian Ash dirige le bureau de recherches de BullionVault, un des moyens les plus simples et les plus économiques au monde d'acheter et d'investir dans l'or. Après avoir été responsable éditorial pour Fleet Street Publications -- l'homologue britannique des Publications Agora -- il a été correspondant du Daily Reckoning à la City de Londres pendant quatre ans. Il intervient désormais régulièrement dans les publications de 321gold.com, FinancialSense, GoldSeek, Prudent Bear, SafeHaven et Whiskey & Gunpowder ainsi que sur plusieurs sites internet d'investissement. Les points de vue d'Adrian sur le marché de l'or sont régulièrement repris par le Financial Times et AFX Thomson.
 
 

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