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Le prochain assouplissement quantitatif de la Fed sera pour l’immobilier, promis !

QE3 ou pas, that is the question...

" Quand l’Amérique ne va pas fort, immanquablement, la Fed promet d’imprimer plus d’argent. Lorsque l’Europe voit poindre la crise espagnole, Mario Draghi imprime de l’argent. Lorsque les signaux économiques apparaissent mitigés, “Helicopter Ben” indique qu’il pourrait s’avérer nécessaire d’imprimer plus d’argent ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.

Et lorsqu’une amélioration se dessine enfin mais qu’il subsiste un doute sur la pérennité de l’embellie sur le marché du travail… les médias anglo-saxons déclenchent une campagne de propagande visant à convaincre les marchés que la Fed va imprimer encore plus d’argent.

Cela devient carrément obsessionnel ! Imprimer, imprimer, imprimer toujours plus de billets de Monopoly… Non pas pour relancer la croissance, puisque tout le monde sait que cela ne fonctionne pas, mais pour détruire le dollar et enrichir sans effort la spéculation.

C’est l’un des contributeurs vedette d’un forum boursier parmi les plus fréquentés sur Internet qui résume le mieux la situation : “plus les chiffres sont pourris, plus les marchés vont monter. Pourquoi se poser des questions sur l’état de l’économie réelle puisque cela n’a aucune incidence sur la Bourse, y’a qu’à prendre ce pognon tombé du ciel et se gaver, c’est pas plus compliqué que ça !”

▪ Comme un air de déjà-bulle…
Ce discours, nous avons pu le lire lors de la bulle des dot.com : “la nouvelle économie, c’est débile, plus les boîtes perdent d’argent, plus leurs cours grimpent… y’a qu’à suivre le troupeau”. Idem avec la bulle immobilière : “ça monte toujours et y’a aucune chance que la tendance se retourne : les taux réels sont négatifs et les banques prêtent à livre ouvert”!

Pourquoi faire sept ans d’études après le bac, pourquoi pondre des mémos de 120 pages sur les contradictions et les dérives du système financier… alors qu’un apprenti magasinier du rayon fruits et légumes qui gratte son Millionnaire à deux euros tous les matins peut faire fortune en suivant la tendance, rien que la tendance ?

Tous les stratèges nous rejouent la même partition : “ben oui, c’est facile, profitez-en… mais non y’a pas de piège”, Ben Bernanke, ce n’est pas Madoff, tout de même.

▪ Oubliez vos soucis ! (ou pas)
Vous avez des doutes sur la conjoncture, la progression inexorable du chômage, le prix de l’essence, la remontée des taux, les neuf milliards d’euros de pertes d’Unicredit (première banque italienne), la situation de faillite de l’Espagne ? Oubliez cela ! Nicolas Sarkozy a clos le débat : “la crise financière est terminée et la reprise est amorcée”.

Une reprise en trompe-l’oeil en ce qui concerne l’immobilier américain, comme le démontre le repli de 0,8% des prix des logements en février (-3,8% sur 12 mois). Il s’agit du cinquième mois de repli consécutif ; les prix retrouvent leurs plus bas niveaux du printemps 2003, après l’invasion de l’Irak et le krach des dot.com.

Outre la glissade inexorable de la valeur des biens immobiliers, la baisse de la confiance des ménages américains (qui rechute de 71,6 vers 70,2) publiée ce mardi provient en grande partie de la cherté des carburants à la pompe. Les Américains qui se chauffent au fioul ont été bien heureux que l’hiver soit particulièrement clément cette année dans le centre et le nord-est du pays.

Mais peu importe ce qui se passe outre-Atlantique, car le soleil brille sur l’économie française. La confiance des ménages est fortement remontée en mars, d’après l’indicateur synthétique de l’INSEE : il gagne cinq points par rapport au mois précédent pour retrouver son niveau de février 2011, à 87.

Symétriquement, le moral des ménages allemands est ressorti en baisse au mois de mars… Mais allez savoir pourquoi, ce chiffre n’a pas bénéficié de la même publicité médiatique que la spectaculaire hausse de 0,1% de l’indice IFO la veille.

Tant mieux pour Francfort qui a fini stable mardi. De son côté, Paris buvait la tasse dans le sillage du titre Total (en chute libre de 6%), victime d’une fuite de gaz un peu compliquée à colmater… et d’une assimilation abusive avec le désastre écologique engendré par l’explosion de Deepwater Horizon, la plate-forme exploitée par BP dans le golfe du Mexique en avril 2011.

▪ Pas de vagues sur les marchés US
Wall Street de son côté n’a guère fait de vagues après la publication du recul des prix immobiliers au mois de janvier (pour le cinquième mois consécutif).

Les indices américains consolident marginalement (-0,3% au pire) après la spectaculaire accélération haussière de lundi. Les opérateurs ont apparemment sanctionné deux statistiques évoquées plus haut, au lieu de les assimiler comme la veille à une opportunité de voir la Fed actionner un nouveau levier de relance monétaire.

Mais la baisse est loin de s’être enclenchée avec la découverte à 16h d’un repli de la confiance des ménages de 71,6 vers 70,2. Le décrochage est survenu sur le tard, à seulement une demi-heure de la clôture.

Comme si quelques opérateurs un peu paranoïaques s’étaient avisés que le troisième assouplissement quantitatif de la Fed était destiné, comme les deux précédents, à monétiser la dette des Etats-Unis (qui trouve difficilement preneur maintenant que l’Europe ne fait plus fuir les investisseurs)… et non pas à relancer la croissance — parce qu’à l’évidence, cela n’a servi qu’à faire flamber les prix du pétrole et appauvrir les classes moyennes en 2010 et 2011.

Promis juré, ce sera pour relancer l’immobilier… parce que si le QE3 n’est pas mis en route rapidement, il n’y aura plus qu’à faire avec l’Espagne ce que les marchés ont si bien su faire avec la Grèce — et l’euro pourrait cette fois y laisser sa peau, pour de bon.

Alors QE3 ou pas QE3, c’est vous qui voyez !

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

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