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Le FMI Sur Le Point De Vendre 400 Tonnes D'Or (I)


Il est encore question de vendre des lingots d'or

du vénérable Fonds Monétaire International. Serait-ce l'heure de déserter le métal jaune, signe que ses cours vont chuter ? S'agit-il d'une nouvelle initiative destinée à alléger la dette des pays en voie de développement ? Pas du tout, écrit Emmanuel Gentilhomme pour L'Edito Matières Premières.

Désargenté, le FMI a simplement besoin de quoi boucler ses fins de mois, alors il envisage de "taper" dans son capital... Cruelle réalité !

L'importance du "secteur officiel"
Commençons par le commencement. D'où vient l'or qui a été mis sur le marché en 2007, soit 3 469 tonnes de métal jaune ?

D'abord des mines (60% de l'offre 2007, selon le Conseil mondial de l'Or), puis du recyclage de "vieil or" (26% de l'offre 2007). Troisième et dernière source : ce que le Conseil appelle "les ventes d'or du secteur officiel"(485 tonnes, soit 14% de l'offre).

Qui est donc ce "secteur officiel" ? Il s'agit des institutions monétaires, à savoir les banques centrales et leurs émanations internationales. Elles disposent d'un monumental stock d'or qui remonte, pour la plupart, à la grande époque où le métal jaune était un actif monétaire garant de la valeur des devises. Ce qui ne nous rajeunit pas et nous ramène au tout début des années 70...

Ce stock d'or "officiel" est important, quoi qu'en baisse. En 1990, les banques centrales détenaient un total de 35 580 tonnes, contre 29 955 tonnes en décembre 2007. Si nous comptons bien, ces 17 dernières années, le "secteur officiel" a vendu une moyenne de 330 tonnes de métal par an.

Ces européens qui vendent leur or...
Qui donc a vendu tout ce métal "officiel"? Ceux qui en détiennent le plus ! Sachez, cher lecteur, que la majorité de ces ventes d'or sont le fait des banques centrales d'Europe. Pour la simple et bonne raison que c'est sur le Vieux continent que les établissements émetteurs en sont le plus richement dotés.

Fin 2007, les banques centrales de la Zone euro et la BCE détenaient, selon leurs livres de compte, 11 065 tonnes d'or, soit 56% du stock "officiel". La plupart de ces banques sont signataires d'accords connus sous le nom de "Central Bank Gold Agreement" (CBGA).

Le CBGA I, qui courait de 1999 à 2004, prévoyait que ses signataires pouvaient vendre jusqu'à 400 tonnes d'or par an -- ce qu'ils ont fait, ou pas loin. Le CBGA II -- 2004-2009 --, a porté ce maximum annuel à 500 tonnes.

Selon le Conseil de l'Or, les banques européennes sont responsables de la vente de près de 5 000 tonnes sur les 5 625 tonnes vendues sur la période. Et tant pis si la valeur du métal jaune ne fait que monter...

Qui détient les lingots d’or ?
Quelques institutions internationales sont également représentées parmi les "officiels" détenteurs d'or.

D'abord des banques centrales régionales : notre bonne vieille BCE de Francfort (604,7 tonnes), ou l'Union économique et monétaire de l'Ouest africain (comme son nom l'indique ; UEMOA, 36,5 tonnes), créée en 1994.

C'est aussi le cas de la banque centrale des banques centrales, la Banque des Règlements Internationaux sise à Bâle, qui indique détenir 143 tonnes de métal. Et surtout du Fonds monétaire international (FMI), à la tête de 3 217 tonnes, qui se place juste après le Trésor américain (8 133 tonnes) et la Bundesbank allemande (3 417 tonnes). La France n'arrive qu'en quatrième position, avec ses 2 622 tonnes.

Le FMI est assis sur un pactole de 100 milliards de dollars d'or !
La vente de l'or du FMI n'est pas une nouveauté. Rappelons que le FMI a près de 200 actionnaires, les Etats du monde entier. Le premier d'entre eux, les Etats-Unis, détient 17% du capital, suivi par l'Allemagne et ses 6%.

Le FMI détient cet or depuis très longtemps : environ 2.800 tonnes de son stock sont comptabilisées à une valeur d'acquisition de 9,2 milliards, soit 88 $ l'once... Au total, en tenant d'un cours actuel de 1 000 $ l'once, cet or vaut plus de 100 milliards de dollars.

Selon les statuts du FMI, toute vente d'or de sa part doit être approuvée par 85% des droits de vote liés à son capital -- soit quasiment tout le monde. Son site Internet rappelle sa très sage politique à l'égard de l'or, qui est de "continuer à détenir une quantité d'or relativement importante parmi ses actifs, non seulement pour des raisons prudentielles, mais aussi pour pouvoir faire face à des situations imprévues".

Autre détail intéressant : selon ses statuts, le FMI ne peut prêter son or contre taux d'intérêt sous quelque forme que ce soit (prêts simples, leases, swaps, etc). Ce qui le différencie de la plupart des banques centrales, qui ont prêté une partie de leurs réserves inscrites dans leurs livres de comptes. Bref, soit le FMI détient de l'or physique, soit il le vend. Et c'est tout.

Le Fond sans le sou ?
Le 28 février dernier, le FMI a publié un communiqué sibyllin : "des ventes d'or strictement limitées (403,3 tonnes, [soit tout de même 12,5% de son stock, NDLR]) sont actuellement envisagées et débattues par les membres du FMI".

Il est vrai que le FMI a accusé un déficit de 165 M$ en 2007, et son nouveau patron, Dominique Strauss-Kahn, a fait savoir que si rien n'était fait, ce déficit risquait d'atteindre les 400 M$ en 2010. Le FMI a déjà annoncé fin 2007 la suppression de 400 postes sur 2 600 (soit 15% de l'effectif). Cette mesure fait partie d'un plan visant à réduire les frais de 100 M$ par an.

D'où vient l'initiative actuelle ? Des Etats-Unis : quelques jours plus tôt, le 25 février, le Trésor américain a fait savoir qu'il allait demander au Congrès l'autorisation indispensable pour vendre de l'or, afin que son représentant puisse soumettre une demande en ce sens au FMI.

Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale et contribue à la lettre électronique gratuite L'Edito Matières Premières . Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement.

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