La BCE contourne les traités européens avec les dettes espagnoles et italiennes
Plus de crédit pour la France qui vit au-dessus de ses moyens...
" Nous pensions que la BCE garantirait une relative sérénité des marchés obligataires jusqu’aux élections législatives grecques et présidentielles en France. Mais les deux LTRO de mi-décembre et fin février ont apparemment cessé de faire effet bien plus tôt que prévu ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.
Les taux longs italiens (5,61%) et espagnols (6,06% lundi soir) ne se seront pas maintenus bien longtemps sous les 5%. Ils ont refranchi ce seuil hautement symbolique à peine un mois après la mise en oeuvre du second LTRO, alors que Mario Draghi continue de refinancer à livre ouvert les banques espagnoles. Rappelons que ces dernières sont endettées à hauteur de plus de 222 milliards d’euros auprès de la BCE.
Tout le monde est bien au courant de la finalité de cette manoeuvre : ne pas intervenir directement sur le marché de la dette souveraine, ne pas gonfler le bilan de la BCE au-delà des 3 000 milliards d’euros.
▪ La BCE contourne les traités européens
Mais personne n’est dupe : les émissions du Trésor italien et espagnol sont garanties en sous-main par la BCE qui déleste aussitôt les banques participant aux enchères sous forme de prise en pension de collatéraux contre de l’argent frais.
Du point de vue du Bundestag, les apparences sont sauves : techniquement, la BCE respecte à la lettre les traités européens. Elle ne monétise pas la dette puisque les propriétaires des bons du Trésor demeurent les banques qui les ont achetés.
Dans l’esprit, nous savons tous que la plupart des établissements financiers exposés sur la dette espagnole seraient bien incapable de faire face à l’inscription d’une décote (une perte) sur ce genre de papier. Elles sont déjà en survie artificielle depuis l’automne 2008, et à plus forte raison depuis le haircut de 75% sur la dette grecque.
Et sur les 25% résiduels (issus de la conversion), il faudrait passer une décote supplémentaire de 40% moins de six semaines après l’échange.
▪ La BCE devant un choix cornélien
La BCE se trouve confrontée — bien avant l’heure qu’elle espérait — à une alternative qui n’a rien de réjouissant. Soit elle reprend ouvertement ses programmes d’achat, au risque de faire replonger l’euro sous les 1,30 $ (jusque vers 1,25 $). Soit elle multiplie les déclarations lénifiantes : “les marchés surestiment le risque, il n’y a pas de péril immédiat, aucun plan de secours n’est en discussion, etc.” — et prend le risque que les marchés continuent leur pilonnage jusqu’à déclencher une nouvelle crise dont nul n’est en mesure d’anticiper le dénouement.
Une crise qui n’a pas lieu d’être puisque nos élites nous garantissent que les difficultés sont derrière nous, que les problèmes ont été résolus une fois pour toute fin février avec l’activation prochaine de pare-feux propres à dissuader la spéculation.
Soit, mais les marchés demandent à voir cet argent. Ce dernier n’existe pas encore, sinon sous forme d’un reliquat sans envergure de 250 milliards d’euros au sein du FESF. Et nous autres, contribuables, devrions demander à nos élites par quel biais sera abondé le futur MES… et surtout qui garantit en dernier ressort la pérennité des capitaux prêtés aux Etats en difficulté ?
Cette séance de lundi s’est achevée par une débâcle dans le compartiment bancaire — avec un nouveau plancher historique de 3,72 euros pour le Crédit Agricole qui dévissait de près de 5%. Mais le comportement des OAT françaises en ce jour d’ouverture d’un marché à terme (très controversé) sur Eurex n’y est pour rien.
▪ Les élections changeront-elles la donne ?
Combien avons-nous entendu d’experts et même de candidats à la présidentielle nous prédire l’enfer si un changement de couleur politique survenait le 6 mai prochain ? Si nous devions nous en tenir aux bookmakers britanniques — qui ne se sont jamais trompés, sauf au soir d’un certain 21 avril 2002 –, leur pronostic est constant depuis novembre 2011 et il va dans le sens des premiers comme des derniers sondages réalisés en France.
En 1981, les marchés avaient été surpris par l’alternance politique (et des changements majeurs). Cette fois-ci, c’est l’absence d’alternance qui constituerait la véritable surprise. La plupart des économistes conviés sur les plateaux de télévision estiment qu’en temps de crise (tiens, tiens… on n’en serait pas encore complètement sorti ?), c’est le “principe de réalité” qui s’imposera.
Pas de période d’état de grâce à espérer, ni de coûteux cadeaux démagogiques ou fiscaux pour remercier les électeurs d’avoir “fait le bon choix” : notre pays n’en a plus les moyens.
Il ne les avait pas non plus en 2007, si l’on considère que la France d’alors vivait déjà au-dessus de ses moyens (depuis 25 ans en réalité). La nouveauté, c’est qu’il n’y aura personne cette fois pour lui faire crédit.
Pour en revenir au déroulement de la séance de lundi, si le CAC 40 a grimpé jusque vers 3 245 points (1,75%) à deux heures de la clôture avant de reperdre plus de deux tiers de ses gains, le comportement de la dette française sur les marchés s’est avéré tout à fait satisfaisant et le Trésor à même réussi à lever huit milliards d’euros lundi matin avec des taux en baisse.
Pas la moindre trace d’attaques sournoise de la “finance sans visage” contre nos OAT… en revanche, “ça a méchamment chauffé” du côté des emprunts ibériques.
▪ Faire tomber les dominos PIIGS
Cela dit, et pour adopter une vision parfaitement cynique, il n’est nul besoin pour les marchés de s’exposer à la critique d’une atteinte à la sérénité des débats présidentiels : il suffit de “dégommer” l’Espagne (la cible la plus facile avec ses 220% d’endettement du secteur privé et ses 80% de déficit public) et les autres “PIIGS” tomberont comme des dominos, la France faisant alors — au travers de ses banques — figure de victime collatérale !
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