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L’étalon or de l’Europe au XXIème siècle contre le Martien de Warren Buffett

L’or pourrait être en fait utilisé à bon escient dans la crise actuelle de la zone euro…

« Imaginez que vous devez au monde deux mille milliards d’euros mais vous vous asseyez aussi sur la 4ème plus grande réserve d’or physique au monde », écrit Adrian Ash de BullionVault.

Il devrait y avoir un moyen pour que l’Italie puisse utiliser ses réserves d’or pour diminuer sa dette publique, non ?

Tout d’abord, la réserve d’or de la Banca d’Italia n’est qu’une goutte dans l’océan. Ajoutez ses réserves de devises étrangères en fait, et le tout est égal à simplement 7,8% de la dette publique italienne. Rome doit un monstrueux 123% de la production économique annuelle du pays, deux fois la limite supérieure fixée (et ignorée) par les pays de l’euro. Donc, mis à part la laisser nue dans un paysage post euro tout à fait possible, piller les réserves de la banque centrale résoudra à peine le problème.

Deuxièmement, ces 2 451 tonnes d’or appartiennent à la banque centrale, pas au gouvernement. Il en est de même avec les 50,6 milliards d’euros en devises étrangères. Et sous les divers traités de l’Eurosystem que Rome a signés quand le pays a rejoint la plupart du reste de l’Europe de l’ouest en cherchant des taux d’intérêt allemands bas sans les épargnes élevés allemands, cela a poussé les réserves en dehors de la portée du gouvernement.

Regardez la réponse énergique de la Banca d’Italia, par exemple, à la tentative en 2009 de Silvio Berlusconi, quand il était premier ministre, d’écrémer un peu d’or pour fonder les dépenses actuelles. Circulez, s’exclamait la Banca, alors dirigée par le président actuel de la Banque centrale européenne, Mario Draghi. Car mis à part pour le budget bunga bunga de Silvio, les pays de la zone euro ne peuvent pas utiliser les réserves de leur banque centrale pour financer le déficit du gouvernement. Ce qui veut dire, à première vue, que les énormes réserves d’or de la région (plus d’une once tous les trois onces détenus pas des mains officielles dans le monde entier) sont effectivement mortes.

« L’or est extrait du sol en Afrique, ou ailleurs », comme l’a déclaré Warren Buffett aux étudiants d’Harvard en 1988. « Puis nous le fondons, creusons un autre trou, et l’enterrons à nouveau et payons des gens pour qu’ils restent dans les environs pour le garder. Il n’a pas d’utilité. N’importe qui observant depuis mars se gratterait la tête ».

Mais peut-être que Buffett, comme son Martien, ne se creuse pas assez la cervelle.

Ne le soufflez pas trop fort, mais deux solutions sont trimbalées à droite à gauche qui pourraient voir l’or être en fait utilisé par les gouvernements pour mettre de l’ordre dans le désordre qu’ils ont créé. Tout d’abord, affirme le Conseil des experts économiques en Allemagne, chaque pays de la zone euro avec une dette publique de plus de 60% de son PIB annuel devrait mettre des actifs (comme l’or, ou le Parthénon ?), dans un « fond d'amortissement». Ce fond sera sécurisé par ces actifs, que les membres récupéreront alors après avoir payé leur excès de dette, au-dessus du plafond de 60%, sur une période de 20 ans.

Vous suivez jusqu’ici ? Berlin, non. La chancelière Angela Merkel a rejeté cette idée il y a un an, peut-être parce que l’Allemagne (comme la France, la Hollande et presque tout les autres) devra rejoindre ce programme. Le plus grand propriétaire d’or de la zone euro ainsi que sa plus grande économie, l’Allemagne, a maintenant une dette publique égale à 83% du PIB. Mais la crise ne s’est pas améliorée depuis novembre 2011. Et le fond d’amortissement est une idée allemande.

De plus, parce que la crise de la zone euro est causée par certains pays faisant face à des coûts d’emprunt largement plus forts que les états membres, pourquoi ne pas les laisser utiliser leur or pour lever des fonds sur le marché de façon plus économique ? C’est ce que le Conseil mondial de l’or ou World Gold Council propose.

L’Italie et le Portugal par exemple pourraient émettre de nouvelles dettes du gouvernement en partie adossées à l’or. Les deux ont des réserves d’or de taille importante comparées à leurs besoins financiers immédiats. Les deux pourraient obtenir très probablement des taux d’intérêts plus favorables des prêteurs privés s'ils obtiennent la promesse d’un paiement en partie en or dans le cas d’une défaillance. Donc les deux pourraient être hautement encouragés d’éviter la défaillance, et ainsi perdre tout ou partie des ses réserves d’or. Et comme la directrice des affaires du gouvernement au Conseil mondial de l’or, Natalie Dempster, me l’affirmait la semaine passée, diminuer leur rôle dans la crise (surtout de l’Italie) permettrait à la zone euro de concentrer ses ressources acquises avec l’impôt sur d’autres pays dans le besoin, comme notamment la Grèce et l’Espagne.

Plus crucialement, cette idée ne requerrait pas l'impression de monnaie, puisque la dette serait fondée par des prêteurs privés, plutôt que par la Banque centrale européenne.

Maintenant, les réactions à ces idées ont été jusqu’ici mitigées. Le Financial Times était positif en fin d’été. L’article sur le sujet par le Wall Street Journal la semaine dernière l’était moins. Il y a toujours le problème légal d’utiliser de l’or pour aider à financer la dette du gouvernement. Il y a aussi le problème de laisser chaque pays de la zone euro couler ou nager par lui-même, plutôt que de patauger ensemble dans la grande piscine du programme d’experts allemands.

Mais l’idée d’offrir de l’or en nantissement pour obtenir des emprunts moins chers est une pratique courante en Asie. Cela a révolutionné le crédit à la consommation en Inde par exemple, où les ménages détiennent plus d’or que ce que tous les pays de la zone euro ont ensemble. Et comme l’étude positive soumise au parlement européen par le professeur Ansgar Belke de l’université de Duisburg-Essen montre, utiliser l’or en nantissement pour un appel de fond plus économique n’est pas quelque chose de nouveau pour les gouvernements.

« Au cours des années 1970, par exemple, l’Italie et le Portugal ont employé leur réserves d’or comme nantissement pour les emprunts à la Bundesbank, la Banque des règlements internationaux (BIS) et d’autres institutions comme la Banque nationale suisse. L’Italie, par exemple, a reçu un sauvetage de deux milliards de dollars de la Bundesbank en 1974 et a placé son or en nantissement. Plus récemment, en 1991, l’Inde a placé tout son or en nantissement pour un emprunt auprès de la Banque du Japon et autre. Et en 2008, la Riksbank de Suède a utilisé son or pour lever des fonds et offrir plus de liquidités au système bancaire scandinave. »

Oui, contrairement au sens commun et aux pratiques actuelles de la zone euro, les gouvernements peuvent et ont pu mettre l’or à bonne utilisation. Et longtemps après le déclin de l’étalon or classique semble signifier que Auric Goldfinger a battu James Bond et a effectivement irradié les réserves officielles d’or du monde (dans le film, pas dans le livre), les rendant inutilisables. Ils n’ont pas besoin de les vendre et de les perdre, comme ils l’ont fait il y a dix ans, au moment où l’histoire s’est terminée et que le risque de crise semblait aussi éloigné que la sortie de la Grèce de la zone euro.

Adosser une partie des dettes à l’or remonte bien au-delà des années 1970. Sous l’étalon or victorien, la Banque d’Angleterre fut autorisée à imprimer des billets de banques au-delà des réserves d’or actuelles détenues dans ses coffres. Au cours des 80 années suivantes (le summum du commerce international permis par cette chambre de compensation de Londres [London clearing house]), l’exigence de la Banque d’Angleterre fut baissée de façon sûre à une once d’or pour trois onces équivalentes en livres sterling papier. Donc deux tiers de la monnaie adossée à l’or de la Grande Bretagne n’étaient pas adossés, en bref, avec « la promesse de payer » encore imprimées sur tous les billets de banques cependant.

Pour quiconque observe depuis la planète Mars, adosser en partie une dette émise aujourd’hui semblerait étrangement similaire.

 

Article déjà publié sur Contrepoints le 18/11/2012

 

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Adrian Ash dirige le bureau de recherches de BullionVault, un des moyens les plus simples et les plus économiques au monde d'acheter et d'investir dans l'or. Après avoir été responsable éditorial pour Fleet Street Publications -- l'homologue britannique des Publications Agora -- il a été correspondant du Daily Reckoning à la City de Londres pendant quatre ans. Il intervient désormais régulièrement dans les publications de 321gold.com, FinancialSense, GoldSeek, Prudent Bear, SafeHaven et Whiskey & Gunpowder ainsi que sur plusieurs sites internet d'investissement. Les points de vue d'Adrian sur le marché de l'or sont régulièrement repris par le Financial Times et AFX Thomson.
 
 

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