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Iran, pétrole, crise de la Zone euro : tout est sous contrôle !

" Ça rebaisse un peu mais tout est sous contrôle… Qui contrôle quoi, toutefois ?


" Les machines génèrent 80% des volumes boursiers. Il s’agit — comme vous ne le savez que trop — de séquences d’ordres entièrement automatisés qui n’obéissent qu’à des programmes quantiques. Nos petits génies peuvent s’enorgueillir du nouveau prix Nobel attribué mardi à un chercheur français spécialiste de la… physique quantique ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.

Mais que nous rétorquent ceux que l’on accuse de manipuler les cours via le trading haute fréquence (HFT en anglais) ?

Tout n’est que psychologie !

Nous approuvons cette affirmation : de la psychologie, il y en a… Mais c’est un peu comme le savon “aux amandes” avec ses 0,2% d’extraits d’amandes, ou le détergent “au citron” avec ses 0,01% d’extraits naturels de citron (remplacés à 99% par de l’acide citrique de synthèse).

Une sorte de novlangue que n’aurait pas désavouée George Orwell accompagne la montée en puissance de marchés devenus de plus en plus techniques. Les gérants n’achètent plus une entreprise, son savoir-faire, sa force productive, la clairvoyance de ses dirigeants.

Non : ils “achètent du risque”.

▪ En Bourse, seul le risque compte aujourd’hui
S’ils n’ont soudain plus envie de prendre de risque, aucun argument ne les fera changer d’avis ni parier sur un avenir se situant au-delà des deux prochaines heures de cotations.

C’est le surgissement du risk-off.

De la pure psychologie, on nous l’assure ! Dès qu’un cours recule : c’est du risk-off.

Si la chute se poursuit, les programmes de trading ne tardent pas à identifier une opportunité de vente à découvert sur une cassure de support.

N’importe qui peut en fait déclencher une spirale haussière ou baissière à tout moment et sans qu’il soit nécessaire de disposer d’un catalyseur ayant le moindre rapport avec le sentiment qui semble brutalement submerger le marché.

Le marché fluctue dans 95% des cas par réaction face à des stimuli techniques que le cerveau humain n’a même pas le temps d’identifier.

La psychologie dont on nous bassine, c’est cette aptitude qu’ont certains gérants et analystes à produire une explication d’apparence rationnelle face à des mouvements parfaitement ubuesques et injustifiables du point de vue micro ou macro-économique.

▪ Le bestof des analystes pour expliquer les mouvements du marché
Parmi les ficelles les plus classiques, il y a le “comparable” : un producteur de ciment en Tasmanie vient de subir un trimestre médiocre, Lafarge perd 3%.

Il y aussi la brève, repérée (on se demande bien comment) sur le blog d’un journaliste collaborant à l’édition moldo-valaque du Financial Tribune qui fait décaler le CAC 40 de 50 points en deux minutes — c’est un exemple tiré d’un fait réel survenu fin juin dernier !

Un journaliste quasi inconnu évoquait les confidences d’une source anonyme ayant assisté par hasard à des bribes de conversation entre deux portes de membres de la BCE (non identifiés) qui semblaient avoir décelé un assouplissement des positions de la Bundesbank sur le MES.

C’est typiquement la non-information appartenant à la catégorie de “l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours”, ou la marmotte… enfin, difficile à dire car il faisait nuit et il y avait du brouillard.

Une heure après que le CAC 40 (et l’Euro-Stoxx 50) se sont envolés de 2%, les commentateurs s’extasiaient en boucle sur la dépêche qui préfigurait la sortie de crise de l’Eurozone.

L’ampleur de la hausse était telle que personne ne remettait en cause le caractère complètement anodin et fumeux de la nouvelle, et encore moins le caractère surnaturel de l’envolée des indices boursiers en deux minutes.

C’est normal, cette pseudo-information — que personne n’avait lue, mais qui était devenue publique — a permis à ceux qui s’y sont référés de provoquer un spectaculaire décalage des indices, sans tomber sous le coup de la législation sur la manipulation des cours.

Symétriquement, lorsqu’un indice ou qu’une action s’effondre, c’est l’ampleur de la baisse qui incite à penser que la situation est soudain devenue très grave.

Les analystes — qui ne savent rien des vraies causes du plongeon — viennent disserter à perte de vue sur les plateaux télé. Ils nous parlent de la possible surévaluation du titre, des perspectives économiques qui se dégradent en Tasmanie (déjà évoquée à propos du ciment… maudite Tasmanie !) et dans les îles Tuvalu (où l’entreprise concernée réalise pas moins de 0,2% de son chiffre d’affaires, même ratio que pour le savon aux amandes… maudit savon aux amandes !).

▪ Un jour noir et un jour blanc
Symétriquement, lorsqu’un titre monte au firmament, vous voyez défiler des gérants qui célèbrent en choeur le fantastique succès de la gamme de produits, la brillante stratégie du groupe, les bénéfices qui gonflent… Plus le cours monte au-delà des normes connues, plus ils trouvent de raisons de le voir le haricot magique atteindre la lune.

Puis ils changent soudain d’avis, oublient tout ce qu’ils vous expliquaient la semaine précédente… et c’est la descente aux enfers. Vous avez pu constater cela sur Vallourec, multi-awardé par BFM, ou maintenant sur SEB. Tout était merveilleux au printemps, tout est devenu infiniment difficile depuis que les Chinois leur ont joué un tour de cochon en évoquant des composants toxiques (“pardon, c’était un peu exagéré, nous sommes désolés”).

Cette affaire a juste ralenti l’expansion des ventes en Chine, ce n’est pas la fin du monde. Alors pourquoi un tel retournement de veste de la part des analystes ?

Eh bien parce que le cours s’est mis à baisser — il est apparu plus facile à quelques “grosses mains” de faire de l’argent dans ce sens-là. Alors il a fallu reformater le discours pour avoir l’air crédible (“non, non, j’ai tout vendu depuis longtemps, pensez-donc, je me doutais bien que ça ne tiendrait pas”) et surtout revoir les extrapolations.

Les extrapolations permettent de justifier tout et n’importe quoi.

En ce moment, nous voyons beaucoup de stratèges se débattre dans l’épuisette. Ils ont commencé fin septembre par nous affirmer que le CAC 40 n’irait pas sous 3 400 points car il y avait trop d’opérateurs sous-investis, tandis que ceux qui étaient passés en risk-on cet été n’attendaient qu’une occasion pour se renforcer. Et qui revient racheter du papier sous 3 380 points ? Personne !

Pourtant, en extrapolant la hausse des bénéfices anticipés en 2013 et la reprise attendue en 2014 et 2015, vous êtes certain de gagner de l’argent en rentrant maintenant sur le marché. Et à l’horizon 2020 vous ferez à coup sûr fortune. Il y a tellement de titres bradés… mais ce ne sont pas ceux auxquels vous pensez — comme Peugeot ou Alcatel : ceux-là n’existeront plus en 2015, d’après Goldman Sachs.

▪ Les indices européens ont le moral dans les chaussettes
Les cours actuels constituent une si belle occasion d’acheter à bon compte que les indices européens alignent un troisième repli consécutif (0,6% en moyenne, rien de très méchant) mais également une troisième clôture au plus bas du jour.

Les commentateurs prennent maintenant des airs convenus pour vous expliquer qu’il ne s’agit que de nuages passagers. Le FMI vient d’abaisser les perspectives de croissance de l’économie mondiale, plombant le moral des opérateurs… l’Allemagne ne versera pas un euro de plus à une Grèce en faillite… Mais rien à craindre, la crise de l’Eurozone est derrière nous !

Et puis les tensions géopolitiques ressurgissent avec l’Iran. On nous explique que Téhéran aura la bombe atomique avant fin 2013 (rappelez-vous qu’on nous la promettait déjà en 2008 pour l’été 2009) et les dernières déclarations plutôt “va-t-en guerre” du Premier ministre turc Erdoğan laissent perplexe.

Ce n’est certainement pas un hasard si la marine américaine a entamé ces dernières 48 heuresdes manoeuvres navales dans le golfe Persique.

Puisque le pétrole s’impose dans la campagne électorale américaine comme un thème majeur (le prix des carburants en Californie bat des records), sachez que cela ne porte pas bonheur à Chevron : la société plonge de 4,2% sur l’annonce que ses bénéfices du troisième trimestre seraient nettement inférieurs à ceux du second.

Une chute qui a pesé sur le Dow Jones (-0,95% à 13 350), déjà plombé en pré-ouverture par Alcoa qui a chuté de 4,6% à 8,7 $ suite à la révision à la baisse de sa production en 2013.

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

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