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Espagne, Grèce… et même le FMI, la tempête n’épargne personne

Hyper-austérité à la grecque... ?

" Après le vendredi noir subi par l’Espagne, consécutif à la demande d’aide — équivalant à une déclaration de faillite de la région de Valence –, voilà que la région de Murcie (un petit périmètre situé au sud-est d’Alicante) lance à son tour ce week-end un appel au secours… qui pourrait constituer le deuxième d’une longue série ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.

La Bourse de Madrid a plongé de 6%, soit -4,5% sur la semaine écoulée. Les taux d’intérêt espagnols ont inscrit un rendement record de 7,3%, proches de leur zénith historique ; cela a provoqué une chute de 2,85% de l’Euro-Stoxx 50 — lequel semble bel et bien confirmer la réédition du scénario du 4 octobre au 25 novembre 2011.

Le surcoût que doit payer l’Espagne pour se refinancer par rapport à l’Allemagne a dépassé les 600 points de base. Autrement dit, il s’agit d’une situation parfaitement comparable à celle de la Grèce en avril-mai 2010.

La suite de l’histoire vous la connaissez… et elle vient d’ailleurs de trouver son épilogue vendredi avec cet avis du FMI : “le non-respect de ses obligations par la Grèce [en matière de privatisations, NDLR] entraîne l’arrêt des versements prévus”.

Tout est maintenant question d’interprétation. Le terme “arrêt” ressemble à un couperet, ce qui n’avait pas encore été le cas jusqu’à présent, le FMI s’étant contenté d’appliquer des “suspensions” (de caractère temporaire par définition).

▪ Le FMI pris dans la tempête
Alors que l’Espagne semble retomber dans la tourmente, il semblerait que le FMI n’y échappe pas non pas non plus ! Nous venons de découvrir la démission retentissante de Peter Doyle (le chef de la division pour la Suède, le Danemark et Israël) qui accuse sa propre institution d’avoir occulté des informations cruciales concernant la crise financière mondiale et la crise de la dette en Zone euro.

Et devinez qui était le “patron” au moment des faits évoqués ? Un certain DSK !

Dans sa lettre de démission datée du 18 juin, Peter Doyle juge “désastreux” le mandat de Dominique Strauss-Kahn et de Christine Lagarde. Selon lui, la crise actuelle trahit une “défaillance de premier ordre” dans la gestion des dossiers les plus cruciaux, les problèmes de fond de la Zone euro ayant été identifiés de longue date — ce qui signifie qu’ils ont été délibérément occultés sous le mandat de DSK.

Il reproche également à la direction du Fonds d’être “corrompue” par son processus de sélection qui garantit la nomination d’un Européen à la tête de l’organisation, ce qui perturbe le fonctionnement du FMI.

Nous pouvons supposer que M. Doyle et Mme Lagarde éviteront à l’avenir de descendre dans le même hôtel ou de fréquenter la même station balnéaire… mais il se pourrait que de nombreux employés de l’institution se retrouvent confrontés au même dilemme.

Mme Lagarde n’a manifestement pas que des amis au sein de l’institution. Certains de ses collègues estiment qu’elle et son prédécesseur ont accordé des prêts à l’Europe sans respecter le même degré d’indépendance… au détriment du sauvetage des économies des pays émergents. En ce qui nous concerne, nous avons toujours martelé que le FMI ne pouvait accorder des fonds pré-affectés à une zone monétaire en particulier.

C’est probablement pour allumer un contrefeu que Mme Lagarde a déclaré récemment qu’elle se préoccupait davantage du sort des habitants de pays d’Afrique subsaharienne (dramatique, tout le monde en convient depuis 40 ans) que de celui des Grecs.

Une “sortie” qui avait été perçue comme une véritable humiliation par Athènes. Les habitants y sont certes moins nombreux à mourir que ceux du Sahel, mais beaucoup plus nombreux par rapport aux standards locaux et européens que l’année passée ou qu’en 2009. On meurt beaucoup en Grèce depuis quelques mois, faute de médicaments et de personnel médical pour cause de système hospitalier en faillite.

▪ Il manque une roue à la Troïka
Pour en revenir à la décision “d’arrêter” les versements à la Grèce, elle risque de faire boule de neige. En effet, le FMI fait partie de la Troïka des trois prêteurs internationaux, qui comprend également la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE).

La défection de l’un des trois contributeurs risque d’entraîner le blocage définitif du versement d’une première tranche de 31,5 milliards d’euros sur le prêt de 130 milliards accordé à Athènes en février dernier.

Il ne s’agit pas là de notre “humble avis” que nous vous assénons brut de décoffrage… mais bien celui très officiel du vice-chancelier allemand et ministre de l’Economie Philipp Roesler, leader du FDP, qui appartient à la coalition gouvernementale de la chancelière Angela Merkel.

Il a exprimé publiquement ses doutes (sur la chaîne ARD) quant à la capacité de la Grèce à se maintenir au sein de la Zone euro et ajoute que le scénario d’une sortie de ce pays avait “perdu de son horreur”.

Si la Grèce doit quitter le navire (qui ressemble de plus en plus au Titanic avant qu’il ne se casse en deux au moment de sombrer), autant arrêter les frais tout de suite, ce sera toujours ça de sauvé pour les contribuables allemands.

Maintenant que le “Grexit” semble bien amorcé, Mario Draghi va théoriquement devoir se concentrer sur le cas espagnol. Toutefois, si l’approbation de l’aide en faveur de Madrid par le parlement allemand puis finlandais vendredi n’a pas calmé pas les marchés, qu’est-ce qui le fera ?

Voler au secours de l’Espagne reviendrait à entériner sa mise sous tutelle et marquerait la mise en oeuvre d’un “plan de sauvetage” dont nous connaissons tous la première étape : restructuration de la dette avec à la clé de lourdes pertes pour les créanciers privés… mise en faillite probable de plusieurs établissement de crédit et cajas (caisses régionales)… et création d’une méga-bad bank (les marchés y sont favorables).

Le second volet serait celui de l’hyper-austérité à la grecque. Ce serait un suicide politique pour l’Europe, les Espagnols ayant clairement fait connaître ces derniers jours que le pays est au bord de l’explosion sociale.

Le danger d’une insurrection — qui ferait rapidement tache d’huile en Italie, en commençant par la Sicile en faillite — est probablement très sous-estimé par les élites de Bruxelles, lesquelles demeurent très loin d’une véritable prise de conscience de la réalité sur le terrain… avec une montée du taux de suicides comparable à celle du taux de chômage et une désespérance des Espagnols plus observée depuis la fin de la Guerre civile.

Un slogan résume à la perfection l’état d’esprit dans ce pays : “on ne peut à la fois nous demander de nous serrer davantage la ceinture et de baisser simultanément notre pantalon”.

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

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