Chine et or : un cocktail explosif !
" Nous soupçonnons que Pékin tient entre ses mains le marché de l’or "
" Si la vue d’un lingot fait battre votre coeur, vous devez vous poser de manière lancinante cette question : mais combien d’or possède réellement la Chine ? " écrit Cécile Chevré pour La Quotidienne d'Agora.
Ne nous voilons pas la face, cela ne va pas très fort pour l’or. Si bien que certains se mettent à douter. Même moi je suis lassée de voir les cours de l’once stagner, et celui des minières aurifères s’effondrer.
Pourquoi s’intéresser aux réserves d’or de la Chine ? Parce que nous soupçonnons que Pékin tient entre ses mains le marché de l’or.
Chacun soupçonne que la Chine est, ces dernières années, devenue le principal producteur et acheteur d’or au monde. Principal acheteur devant l’Inde, grand amateur historique de métal jaune. Chacun suspecte aussi que la Banque populaire de Chine achète des lingots dès que le cours devient intéressant soutenant ainsi les prix de l’once. Mais personne ne sait vraiment à quel point ces achats sont importants.
La dernière fois que la Chine a officiellement communiqué sur ses réserves d’or, c’était en… 2009. Depuis, motus et bouche très bien cousue.
En 2009 donc, Pékin avouait donc détenir 1 054 tonnes d’or, soit 75% de plus que six ans auparavant (son précédent moment de vérité sur ses réserves). Mais si la Chine se classe comme sixième détenteur d’or au monde, le montant de ses réserves détenues en or (1,7% environ) est loin de ce que pratiquent les autres banques centrales du classement.
Depuis 2009, évidemment, il s’est passé beaucoup de choses : une crise de niveau mondial, une autodestruction du dollar par la Fed, une remise en cause du statut de monnaie de réserve internationale du même billet vert, une montée en puissance économique et commerciale de la Chine et des tentatives encore timides mais de plus en plus affirmées d’internationalisation du yuan.
Que des événements qui incitent les Chinois à larguer les amarres avec le dollar. Or vous le savez, la Chine est le premier détenteur – après la Fed – de dollars au monde – essentiellement via des bons du Trésor. Et ce dollar, Pékin n’en veut plus : trop dangereux !
La Chine a donc la volonté d’augmenter ses réserves d’or… mais à quel point y est-elle parvenue ?
La Chine agit sur tous les fronts
Partons de la base des 1 054 tonnes détenue par la Banque populaire de Chine en 2009. A cela il faut ajouter les importations via Hong Kong : d’après les données fournies par les autorités hongkongaises, ces importations se monteraient à 1 446 tonnes.
Passons maintenant à la production d’or par la Chine. Depuis 2009, elle est estimée à 1 427 tonnes. Du métal jaune qui reste sur le territoire chinois puisque si l’empire du Milieu est le premier producteur mondial, il n’exporte pas. Sa production, il la garde précieusement.
Nous arrivons déjà à un total de 3 927 tonnes d’or, ce qui place la Chine parmi les principaux détenteurs, devant l’Allemagne qui possédait jusque-là la deuxième réserve de métal jaune au monde.
Mais cela ne s’arrête pas là. Car outre les minières qu’elle exploite sur son territoire, la Chine s’est aussi lancée depuis 2006 dans une active politique de rachats de minières situées hors ses frontières, via entreprises d’Etat ou semi-publiques qui disposent de la force de frappe financière de Pékin. “Discrètement, la Chine fait main basse sur les mines d’or”, titrait Le Figaro il y a quelques jours.
En quelques années, la Chine est ainsi devenue un acteur important du monde de la mine, à côté des intervenants traditionnels que sont l’Australie et le Canada.
“Les années 2011-2012 ont particulièrement bien illustré ce phénomène. En plus de quatre deals internes, figurent la prise de contrôle des mines australiennes de Focus Mineral, Norton Gold Fields et Southern Cross par Shandong Gold, Zijin Mining et China Hanking Holdings, les plus gros producteurs d’or chinois. En Afrique du Sud, la mine de Pamodzi est passée sous le contrôle de China African Precious Metals tandis que celle de Zara Mining en Erythrée a été rachetée par Shanghai Construction Group. D’autres opérations ont eu lieu au Kirghizistan et au Brésil”, explique Le Figaro.
Il y a aussi l’or que détiennent les particuliers chinois, physiquement ou pas des contrats à terme. Une détention qui est encouragée par Pékin depuis quelques années.
Enfin, si nous voulons être exhaustifs, il nous faut subodorer que la Chine ne s’arrête pas aux achats “officiels” mais satisfait aussi son besoin d’or via des circuits plus obscurs, moins légaux – et donc presque invisibles.
La Chine est de plus en plus présente en Afrique, un continent qui détient beaucoup d’or dans ses sous-sols. Les échanges commerciaux et financiers entre le continent africain et l’empire du Milieu se multiplient dans tous les domaines et tout particulièrement celui des matières premières et de la terre. Or on sait que la Chine a l’habitude de prodiguer ses largesses financières aux pays qui en ont besoin en échange d’un approvisionnement en commodities. C’est ce qu’elle a fait pour se faire livrer du pétrole russe ou vénézuélien à cours intéressant. Et elle ne ferait pas la même chose pour l’or, dont elle est particulièrement friande ?
En prenant tout ceci en compte, les réserves d’or de la Chine pourraient se monter à 6 000, voire 7 000 tonnes. Loin devant les 3 391 tonnes de l’Allemagne mais plus si loin des 8 133 tonnes détenues par les Etats-Unis…