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Le Trésor US est plus intelligent que nous


L'or atteint de nouveaux records.

Il nous dit que quelque chose ne va vraiment pas dans le système monétaire mondial basé sur le dollar. Mais la plupart des investisseurs ne s'aperçoivent de rien. L'or est encore un investissement "bizarre".

Et les autorités n'ont pas la moindre idée de ce qu'il se passe, écrit Bill Bonner pour La Chronique Agora.

Il faut le reconnaître : les autorités gardent la tête froide. Elles sont incompétentes. Elles pourraient passer au détecteur de mensonge quoi qu'elles fassent.

Au Trésor US, par exemple, on se félicite des profits engrangés. Les dirigeants se sont précipités pour sauver AIG et Citigroup en rachetant leurs obligations toxiques. Ensuite, ils ont volé au secours de Fannie et Freddie quand ils étaient en difficulté.

Suite à ces efforts héroïques, le Trésor US s'est retrouvé à la tête d'un gigantesque portefeuille de titres ; la portion "Fannie et Freddie" à elle seule vaut 142 milliards de dollars, disent les journaux. Le Trésor a déjà revendu ses titres AIG et Citi -- avec profit. A présent, il se prépare à se débarrasser de ses réserves de papier estampillé Freddie et Fannie.

Est-ce croyable ? Ses oeufs n'ont pas encore été vendus, mais il compte déjà sur des profits allant de 15 à 20 milliards de dollars. Le Trésor US compte des génies de l'investissement, c'est clair et net !

Eh bien, en un sens, ils sont bien plus intelligents que nous. Nous aurions pu acheter ces notes et ces obligations nous aussi. Nous aurions dû faire confiance aux autorités. Nous aurions pu anticiper et voir qu'elles s'en tireraient -- pendant un temps, du moins -- avec l'une des plus grandes arnaques financières de tous les temps. Nous aurions pu en profiter nous aussi !

Voyons comment ça fonctionne. Les emprunteurs -- AIG, Citi, Freddie, Fannie -- font un mauvais pari. Normalement, ils devraient faire faillite, et les détenteurs de leurs obligations devraient perdre de l'argent. Mais alors que M. le Marché fait son travail -- dévaluant les mauvaises créances de toutes sortes en anticipation d'un grand ménage -- les autorités arrivent. Inutile de vendre tout ça, disent-elles, nous les soutenons à 100%. C'est ainsi qu'elles ont engagé la confiance et le crédit des Etats-Unis d'Amérique pour garantir que les détenteurs d'obligations n'aient pas à payer leurs propres erreurs idiotes.

Nous aurions dû acheter, à l'époque ; tous les éléments du tour de passe-passe étaient en place. Mais nous avions des doutes quant au crédit des Etats-Unis. Nous en avons encore. Nous craignions que le truc ne reste pas assez longtemps en place pour gagner de l'argent.

Nous avions tort. Nous n'aurions jamais dû douter de la capacité des autorités à renflouer l'industrie financière. La Fed a acheté tous les chiens abandonnés et chats de gouttière des prêts hypothécaires qu'elle pouvait trouver -- pour l'équivalent de 1 400 milliards de dollars. Elle a également prêté de l'argent au secteur financier au taux de 0,5%. C'est environ 8,5% inférieur au taux réel d'inflation des prix à la consommation, selon les estimations de John Williams sur le site Shadowstats.

Et comme si ça ne suffisait pas, on a garanti des profits aux banques -- en leur permettant d'emprunter à la Fed à 0,5%, d'utiliser l'argent pour acheter des bons du Trésor US rapportant entre 3% et 4%... avant de les revendre à la Fed. Pour ne pas prendre de risques, la Fed imprime aussi quatre milliards de dollars supplémentaires par jour -- de l'argent venant de nulle part -- pour acheter des bons du Trésor. Non seulement elle finance plus que l'intégralité du déficit mensuel américain... mais elle laisse le secteur financier libre d'utiliser son propre argent (emprunté) pour spéculer sur d'autres choses.

Naturellement, quand on a mis en place un tel système de racket, on ne va pas se donner la peine de faire des prêts risqués au secteur privé. On se dirige plutôt tout droit vers la table où la partie est truquée... on va jouer sur la dette -- achetant plus de junk bonds... et faisant grimper les prix des obligations !

Oh, cher lecteur, nous détestons les escroqueries, mais nous admirons les escrocs qui savent y faire. En d'autres termes, les autorités ont donné au secteur financier l'argent nécessaire pour faire grimper ses propres obligations... celles-là mêmes que les autorités détenaient en grande quantité.

Et maintenant, elles affirment avoir fait des gains grâce à cette opération.

Qu'en pensez-vous ? Nous allons fonder une entreprise parfaitement bidon. Nous en vendrons les actions un peu partout. Quand les gens réaliseront que l'entreprise n'a rien pour elle, les cours chuteront, et notre entreprise risquera de s'effondrer. Les autorités pourront alors venir à notre secours aussi. Elles pourront acheter nos actions, garantir que nous ne ferons jamais faillite et nous donner de l'argent pour que nous puissions acheter des titres nous aussi. Le prix des actions re-grimpera... et les autorités pourront revendre discrètement leur part. Après tout, ce sera profitable pour les autorités aussi -- abstraction faite de l'argent qu'elles nous ont donné pour faire fonctionner toutes ces sottises.

Mais voici une question : pourquoi n'ont-ils pas réussi à faire marcher ce genre de montage en Europe ? Les Irlandais n'avaient-ils pas toute une cargaison de dette hypothécaire pourrie ? Le gouvernement n'est-il pas intervenu pour garantir tout ça ? Et maintenant, regardez. Non seulement la dette hypothécaire d'origine est dévaluée... mais il en va de même pour la dette du gouvernement irlandais.

Pourquoi les Irlandais n'y arrivent-ils pas ?

Eh bien, pour plusieurs raisons.

Pour commencer, les Irlandais se débattent avec bien plus de dettes. Ils ont déjà donné à leurs banques une quantité égale au quart du PIB entier de la nation. Ce qui reviendrait à regonfler le secteur financier américain avec 3 500 milliards de dollars.

Attendez une minute. Vous dites que le secteur financier américain a déjà reçu quasiment cette somme ? Hmm... peut-être que vous avez raison.

L'impression d'argent de la Fed se monte aux 1 400 milliards de dollars mentionnés ci-dessus, n'est-ce pas ? D'accord... il faut rajouter 200 milliards de dollars environ de rachats d'actifs par le Trésor. Et sûrement que manipuler toutes ces obligations du Trésor US n'ont pas fait de mal -- ce qui fait, disons 3 000 milliards, environ, mais on ne peut pas vraiment compter ça comme un renflouage bancaire.

La grande différence, c'est que les Etats-Unis peuvent imprimer de l'argent -- pas l'Irlande. L'Irlande doit emprunter l'argent avec lequel elle renfloue ses banques. Et plus elle emprunte, plus les investisseurs s'inquiètent qu'elle ne puisse pas rembourser.

Et ils ont raison. Aux rendements actuels, les Irlandais ne peuvent pas emprunter du tout -- pas sur le marché libre. Les obligations à deux ans émises par l'Irlande ont actuellement un rendement qui dépasse les 10%. Les Irlandais doivent donc aller mendier de l'argent auprès des autorités européennes. Et même elles leur font payer 6%. Même à ce taux subventionné, l'Irlande ne peut pas continuer longtemps.

A long terme, c'est une bonne chose. Cela signifie qu'elle ne peut pas détruire son économie tout entière avec de l'argent "pour de faux", tout en racontant aux contribuables qu'elle leur fait faire des profits.

Bill Bonner est le fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information confidentielles – probablement l'une des plus brillantes au monde. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450.000 lecteurs... ), il intervient également dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning.

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