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Quand la dette devient toxique

Passé un certain point, la dette devient toxique

-- pour les ménages aussi bien que pour les nations. Dans ce dernier cas, les professeurs Reinhart et Rogoff mettent le "point de non retour" à 90% du PIB. La Grèce, le Japon et les Etats-Unis ont tous dépassé ce seuil. La dette brute américaine se monte à 100% du PIB. La Grèce a une dette de 120% du PIB. Et le Japon est loin devant à 229%, écrit Bill Bonner pour La Chronique Agora.

Selon Reinhart et Rogoff, une fois qu'on dépasse les 90% du PIB, la croissance décline de 1%. Cela n'a pas manqué : les Etats-Unis enregistraient autrefois une croissance annuelle du PIB de 3%. Ils en sont désormais à 2% environ.

La Grèce, quant à elle, aura de la chance si elle enregistre quelque croissance que ce soit cette année. Le Japon, le plus grand débiteur de tous, recule... avec une croissance négative.

En fait... lorsqu'on est dans une telle situation... on ne peut rien "gérer". On ne peut pas l'ignorer. On ne peut pas tourner des boutons ou ajuster des leviers pour que le problème disparaisse. Et on ne peut pas non plus s'en sortir par la croissance... parce que la dette élimine la croissance.

Tout ce qu'on peut faire, c'est se sortir de la dette... le plus vite possible. Faire défaut. Se mettre en faillite. Retourner ses poches et faire la grimace.

Ainsi soit-il.

Emprunter plus d'argent pour éviter de reconnaître la vérité est un désastre. L'Europe vient de le prouver. On a appris la semaine dernière que l'Europe avait résolu le problème de la dette grecque. Comme prévu, les autorités ont rafistolé une vieille carpette, et l'ont utilisée pour dissimuler le problème un peu plus longtemps.

Il y a du progrès, quand même : il y a désormais moins de poussière à balayer sous le tapis. Après avoir tenté d'éviter l'inévitable pendant plus d'un an, les autorités ont dépouillé les investisseurs obligataires de 20%. Le New York Times :

"Le pacte, négocié à Bruxelles, fait partie d'un plan de secours de 109 milliards d'euros pour la Grèce, l'économie la plus en détresse de la Zone euro. Il forcera de nombreux investisseurs en dette grecque à accepter des pertes sur leurs obligations".

"L'accord fournirait également des réserves substantielles pour l'Irlande et le Portugal. Et en donnant au fonds de secours européen des pouvoirs accrus pour venir en aide à des pays qui n'ont pas été renfloués -- comme l'Espagne et l'Italie -- les dirigeants parient que le programme, décrit par certains comme un Plan Marshall pour l'Europe, servira de contre-feu à la contagion qui a menacé d'envahir certaines des plus grandes économies de la région".

"Les autorités ont longtemps écarté des propositions qui entraîneraient des pertes pour les banques et autres créditeurs sur la dette grecque. Mais les dirigeants européens prennent un risque calculé : ils pensent pouvoir éviter d'effrayer les investisseurs en étendant le programme d'aide à d'autres pays en difficulté à la périphérie de l'Europe".

L'après-midi qui a suivi cette annonce, les investisseurs se sont remis à acheter. Ils ne se sont pas donné la peine de lire les petits caractères ou de réfléchir trop profondément à la signification de ce renflouage. Tout ce qu'ils savaient, c'est que les problèmes étaient derrière eux.

L'accord sur la dette en Europe ne résout pas le problème. On balaiera de nouveaux tas de poussière sous le tapis. Mais au moins la perte de 20% infligée aux investisseurs obligataires réduit-elle la taille du tas en question. Il est de retour à la hauteur qu'il avait lorsque les génies de l'euro ont commencé à balayer !

Naturellement, les perspectives de salvation en Europe ont attiré l'attention sur les problèmes budgétaires des Etats-Unis.

"Il y a de l'espoir pour un accord sur la dette américaine", titrait le Financial Times.

A Washington, évidemment, le problème est un peu différent. C'est le gouvernement central qui doit être sauvé -- de lui-même.

Personnellement, nous voulons juste que le gouvernement américain fasse faillite.

Quoi ?! Nous savons ce que vous pensez. Un défaut serait dangereux. Suicidaire. Impensable. Ben Bernanke, Tim Geithner. Larry Summers. Tous l'ont dit !

Les anciens ne recevraient pas leurs médicaments. Les soldats ne recevraient pas leurs munitions. Les couvercles retomberaient sur les pots de miel dans toute la région de Washington. Le système entier sombrerait dans l'anarchie et le pandémonium. Il y aurait des émeutes. Une révolution. On ne trouverait plus de whisky dans les magasins.

Les morts sortiraient de leur tombe, et les vivants trébucheraient dans les trous ainsi libérés. Un homme serait heureux de revoir vivante son épouse décédée. Et un autre serait encore plus heureux de voir morte sa femme vivante !

Eh bien, peut-être ont-ils raison. Ce serait probablement une catastrophe. Un désastre. Mais tentons quand même notre chance !

Parce que le vrai problème, c'est la dette. Plus rapidement elle sera éliminée... plus vite l'économie pourra se remettre au travail.

Alors qu'on n'augmente pas le plafond de la dette. Que les autorités se débrouillent comme tout le reste du monde -- en ne dépensant pas plus qu'elles ne gagnent en revenus. Est-ce vraiment si difficile ?

Bill Bonner est le fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information confidentielles – probablement l'une des plus brillantes au monde. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450.000 lecteurs... ), il intervient également dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning.

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