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L'or et le Sauveur Masqué

Jean-Claude Trichet s'est déniché

un tout nouveau costume, manifestement tout aussi à son goût que celui de Monsieur Anti-Inflation. Jean-Claude Trichet est maintenant le Sauveur Masqué, écrit Cécile Chevré pour La Quotidienne de MoneyWeek.

Que les marchés se tiennent au garde-à-vous.

Que s'est-il passé ? Eh bien, le président de la BCE s'est exprimé jeudi dernier. Un discours très attendu – ce qui doit le changer car, généralement, les annonces de la BCE passent relativement inaperçues. D'autant plus attendu par les marchés que, non seulement, ils attendaient d'avoir le sentiment de Trichet sur la crise de l'euro mais surtout parce qu'ils espéraient l'annonce d'un QEE – un quantitative easing européen.

Espoirs qui ont été – presque – déçus puisque Jean-Claude Trichet n'a pas décidé d'emboîter le pas à son illustre confrère de la Fed, Ben Bernanke.

En apparence seulement... Parce que le Financial Times a révélé que la BCE vient de racheter plusieurs centaines de millions d'euros d'obligations d'Etat portugaises et irlandaises.

Quantitative easing masqué ?
Ce n'est d'ailleurs pas la première fois – et sûrement pas la dernière – que la BCE intervient ainsi sur les marchés. Outre les rachats des créances pourries des banques européennes, elle a déjà plusieurs fois acheté directement les obligations d'un Etat. C'est ce qu'elle a fait en mai, en acquérant pour 67 millions d'euros d'obligations souveraines grecques.

Le Portugal illustre parfaitement l'étrange situation dans laquelle se trouve plongée la zone euro. Les banques portugaises ont dû emprunter beaucoup d'argent à la BCE mais aussi à la Banque centrale portugaise pour maintenir la tête hors de l'eau. Au départ, cela ne devait être qu'une solution provisoire... mais qui s'éternise. Après tout la BCE est censée être le dernier recours en cas de catastrophe pas le moteur quotidien qui vous permet d'avancer.

Mais là où cela devient vraiment intéressant, c'est quand on s'intéresse à ce que les banques portugaises font de cet argent – je le rappelle en grande partie prêté par la BCE. Elles l'utilisent pour acheter des obligations d'Etat portugaises. En d'autres mots, la BCE pratique déjà en toute conscience une forme de quantitative easing, certes pas directe mais bien réelle pourtant.

Cette pratique soulève depuis plusieurs mois l'opposition d'une partie de la BCE dont tout particulièrement Axel Weber, le président Bundesbank et candidat à la présidence de la Banque.

Le problème, c'est que malgré tout cela, il est vraiment difficile pour la BCE de mettre fin à ces rachats, en particulier parce que la situation européenne est extrêmement tendue. Les marchés sont tellement inquiets qu'une telle décision ne pourrait que renforcer les tensions qui pèsent déjà sur les rendements des obligations d'Etat européennes.

Vous pourriez me faire remarquer que cela ressemble quand même beaucoup à de l'assouplissement monétaire...

"Que nenni !", vous répondra Jean-Claude Trichet. Si vous vous tenez à la théorie, vous saurez donc que ce que pratique la BCE n'a rien, mais alors rien, à voir avec le QE. Pourquoi ? Parce que la BCE instaure une contrepartie : si elle utilise, par exemple, 100 millions d'euros pour acheter des obligations irlandaises, c'est autant d'argent qu'elle ne prête pas aux banques. L'un dans l'autre, selon les calculs de la BCE, elle "stérilise" son intervention.

On comprend donc que Jean-Claude Trichet ait décidé de continuer à avancer masqué et à faire du quantitative easing sans le dire. D'autant plus que, de l'autre côté de la planète, l'inflation continue à faire parler d'elle.

L'inflation émerge
Nous avons parlé dans une précédente Quotidienne de la menace d'inflation importée par les pays émergents qui plane sur l'Europe. Le choix d'un QEE risque d'aggraver ces menaces.

Comme le rappelle Isabelle Mouilleseaux dans son article "La 'vague chinoise II' portera l'or à 1 500 $" : "l'inflation en Chine tourne à 4,4% officiellement (et probablement plutôt autour de 8%/10% dans la réalité !). [...] Merci Ben Bernanke. A coup de QE2, il a propulsé les matières premières à des sommets et a fait sauter l'inflation chinoise au plafond !".

L'inflation devient le problème majeur de Pékin. Au plus haut depuis 25 mois, elle menace la stabilité économique et sociale du pays. Car comme ce qui s'est passé en Inde, c'est l'envolée des prix de l'alimentaire qui pèse le plus sur le niveau de vie des Chinois... et qui inquiète le plus le gouvernement. Voici ce qu'en disait Le Figaro le 11 novembre dernier :" La hausse des prix de détail en octobre est surtout imputable au renchérissement des produits alimentaires et des biens de consommation. Hors alimentation, l'inflation n'a été que de 1,6%, et l'inflation des biens de consommation a atteint 5,0%".

Comment déjouer les pièges de l'économie ?
En achetant de l'or ! Et des matières premières.

En période de doutes, le réflexe est toujours le même, qu'on soit Allemand dans les années 30 ou Chinois aujourd'hui : on achète de l'or. C'est ce qu'explique Simone Wapler dans le dernier MoneyWeek : "Dès que le rendement réel de l'argent – c'est-à-dire le taux directeur moins le taux d'inflation – devient négatif (épargne punie), l'or enregistre une poussée".

Les Chinois aiment l'or et Pékin encourage cette passion. Comme le rappelle Isabelle dans son article, ils ont depuis quelques mois le droit de détenir de l'or physique : "Vous le savez, les Chinois aiment l'or physique. Surtout depuis qu'ils ont ENFIN ! le droit d'en détenir. Il y a quelques mois encore, cela leur était interdit. Juste un chiffre : les ventes de lingots et de pièces d'or étaient en hausse de 40% sur le premier semestre 2010 selon le China National Gold Group".

Et maintenant, Pékin vient d'aller plus loin, comme le rappelle Isabelle : "les Chinois (et les institutionnels) vont enfin pouvoir acheter des ETF or adossés à des stocks physiques d'or (ETF négociés sur les marchés occidentaux). Comme vous et moi. Vous rendez-vous compte de la portée de cette décision ? Nous allons assister à un flux massif de capitaux vers ces ETF dans les prochains mois, ce qui fera grimper la demande d'or physique mécaniquement".

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’EPHE et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’INTD. Cécile Chevré participe à la rédaction de la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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