Or/argent : le choc des titans
Semaine d'intense flambée pour nos matières premières...
Pour vous en convaincre, regardez le tableau de variations des cours sur la semaine (ci-dessous). Rarement j'ai vu une telle hausse, aussi généralisée, écrit Isabelle Mouilleseaux pour L'Edito Matières Premières et Devises.
Qui a déclenché ce feu d'artifice ?
Jean-Claude Trichet, en relevant notre taux directeur de 1% à 1,25%.
Conséquence : l'euro/dollar se trouve propulsé à 1,45. L'euro grimpe en flèche. Ou plutôt non... le dollar chute lourdement.
Même constat pour le Dollar Index, qui mesure la valeur du dollar contre un panier de monnaies (euro, yen, livre sterling...). Là aussi, le dollar dévisse vers des points bas historiques.
Conséquence immédiate du plongeon du dollar : une ruée sur les matières premières.
Comme je le disais, un véritable feu d'artifice.
Approfondissons...
I. Métaux précieux : or/argent : le choc des titans
L'or bat de nouveaux records : le voilà qui caracole à... 1 475 $.
En résumé :
Guerre et tensions géostratégiques, baisse du dollar, crise inflationniste latente, dette souveraine menaçante : crise politique au Portugal, refus de payer des Irlandais, ras-le-bol des Allemands, bataille budgétaire américaine... tous les ingrédients sont là.
Ajoutez le cours du pétrole qui caracole à 126 $... quoi de plus inflationniste !
Forcément, l'or est au zénith.
"Cependant l'heure de vérité n'est pas pour maintenant"...
Expliquait Simone Wapler à ses lecteurs de l'Investisseur Or & Matières. "La hausse actuelle des marchés n'est due qu'aux brasseurs d'argent qui recyclent entre eux l'argent imprimé par les banques centrales"... poursuit-elle.
"Fin juin, La Fed et Ben Bernanke devront faire un choix crucial :
Poursuivre dans la voie de l'impression monétaire pour racheter des bons du Trésor et maintenir les taux longs à un niveau acceptable.... C'est bon pour l'or, les matières premières et les marchés actions qui continueront à monter en brassant de la fausse monnaie.
Arrêter l'impression monétaire, relever les taux courts... ce qui entraînera un violent repli des marchés et de l'or qui sera vendu dans le sillage du reste : actions, obligations, matières premières.
Dans un deuxième temps, et dans les deux cas, l'inflation fera rage car il n'y a pas d'exemple de création monétaire sans hausse des prix. L'or -- et peut-être l'argent -- sera alors vu comme le seul rempart digne de confiance. Gardez présent à l'esprit que depuis 2003, la masse monétaire a triplé en dollar et augmenté de 50% en euro. La croissance monétaire chinoise allant bon train, elle aussi."
En attendant, la surprise est venue d'ailleurs...
L'argent vient chatouiller les... 41,50 $ l'once !
Oui, vous avez bien lu. 41,50 $.
Pour mémoire, il était descendu à 8,50 $ l'once lors du krach de 2008. C'est une progression de quasiment 400% !
Nous avons assisté à l'effondrement du ratio or/argent sur la période (voir graphe ci-dessous). De 82 à 36, sous le seuil psychologique lourd des 40. Soit un fabuleux rattrapage de l'argent qui semble vouloir se remonétiser à toute vitesse.
"L'or du pauvre" fait recette ! Regardez :
Le cabinet GFMS révèle que la demande des investisseurs en argent a crû de 47% sur l'année 2010. Alors même que les demandes industrielles et des bijoutiers s'affichaient à un plus haut de 10 ans, avec une hausse de 13% sur la période.
Cerise sur le gâteau, GFMS voit l'argent à 50 $ d'ici la fin de l'année. 50 $ !
J'en profite pour féliciter M. Eric Lemaire, passionné d'or et surtout d'argent, qui, à l'occasion d'un petit café place de la Bourse à Paris il y a trois ans, me disait en sortant une superbe pièce d'argent de sa poche que l'argent allait rattraper l'or. Et qu'il le voyait grimper en direction des 80 $.
Je passe sur les platinoïdes rapidement. Mêmes causes, mêmes conséquences. Avec en sus de bons chiffres en provenance du secteur automobile des émergents.
II. Céréales au beau fixe : le maïs bat son record historique de 2008
De quoi faire froid dans le dos, quand on sait que c'est l'aliment primaire numéro un pour les populations sud-américaines notamment. Merci M. Bernanke...
Stock américain ultra-étroit (un point bas de 50 ans), offre insuffisante, demande soutenue par une Chine gloutonne et volonté de produire toujours plus d'éthanol... le cocktail haussier est explosif. Pire, Trichet vient de jeter de l'huile sur le feu... la baisse du dollar dopant davantage encore la demande.
La météo, peu propice, décide s'en mêler. Jetant (déjà !) l'ombre sur la récolte suivante : nous sommes en pleine période de semis aux Etats-Unis.
III. Le pétrole casse la baraque
Le Brent caracole à 126 $ et le WTI à 113 $. Soit une hausse de quelque 10% sur la semaine...
En cause, la baisse du dollar, mais aussi les tensions libyennes et, maintenant nigériennes. Le pays vient de reporter ses élections législatives et le risque politique ressurgit.
Pour mémoire le Nigeria produit 2,4 millions de barils par jour, d'une qualité sans équivalent. A l'image du pétrole libyen d'ailleurs.
Déjà les marchés s'affolent... craignant une baisse possible des exportations nigériennes en cas de troubles...
Pour autant, et comme le dit Sylvain Mathon dans Matières à Profits, "le marché du pétrole semble avoir pris acte d'un enlisement de la guerre civile en Libye et des craintes sur le Nigeria... Mais en aucun cas il n'anticipe un embrasement social et politique des monarchies du Golfe".
Je lisais un sondage réalisé par Reuters auprès de 32 traders. Ils s'attendent à voir le baril toucher les 130 $ d'ici fin 2011 et un trader sur cinq pense que le baril ira jusqu'à 150 $.
Cela dit, peu importe le chiffre... 125 $, 130 $ ou 150 $
Ce qui importe, c'est que le cours du baril est à des niveaux stratosphériques et que ça dure : effet récessif garanti d'ici quelques mois.
Ajoutez à cela la perfusion que Ben Bernanke risque de débrancher avec l'arrêt du QE2 fin juin... et vous comprenez pourquoi je vous dis : préparez-vous dès aujourd'hui à réagir, le temps va se gâter.
Un homme averti en vaut deux !
En attendant, restez à l'écoute !