Le journal intime de Jean-Claude Trichet

Ils m'embêtent ces Français.

On fait tout ce qu'on peut et on est payé d'ingratitude. L'OCDE publie de bonnes statistiques économiques et voilà qu'ils n'ont pas le moral au boulot, qu'ils prétendent que leur pouvoir d'achat diminue. Jamais contents, toujours grincheux...

3,4% de croissance prévue en France au premier trimestre 2011, ils ont fait très fort à l'OCDE. Hier, dans Le Figaro, un grincheux de Bercy prétendait qu'une croissance à 2% cette année était raisonnable. Je vais noter de lui téléphoner à ce saboteur de confiance. On n'a pas besoin de ça. Quelle idée d'étaler ses états d'âme au Figaro. Il n'a qu'à se payer un psy, écrit Simone Wapler pour La Quotidienne de MoneyWeek.

Et Lagarde, encore une gaffeuse. Elle n'a pas besoin de raconter que la médiation entre les PME et les banques va être prolongée jusqu'en 2012. Des banques qui ne prêtent pas aux entreprises, ça fait mauvais effet.

Et les professionnels de l'automobile, ils ne peuvent pas la fermer non plus ? On leur offre la prime à la casse et ils pleurnichent dans L'Agefi. "L'heure du retournement va immanquablement sonner". Tiens, bien sûr. On ne leur a pas promis la prime à la casse éternelle, que je sache. Le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA) prévoit une "contraction" des immatriculations de 8%. Ils se foutent du monde ! Quand je pense qu'on les a invités au séminaire "parler rose quand tout est noir". On ne dit pas "contraction", tas de crétins, on dit "croissance négative". Même Lagarde, elle le connaît le truc.

Je n'ai pas besoin des Français pour me pourrir la vie, j'ai déjà suffisamment de soucis sans eux. Ca fait un moment qu'on se ravale des obligations pourries grecques, portugaises et irlandaises. Ca commence à se voir dans mon bilan. Quelques graphes circulent déjà dans la presse. Faut dire que 76,5 milliards d'euros (15 kerviels), c'est pas facile à planquer sous le tapis. A ce niveau-là, il faut une femme de ménage avec cataracte, du style de celle de Ben.

Je suce mon crayon et je décide que la Banque centrale européenne sera courageuse, efficace et au service de l'euro, et contre l'inflation. J'annonce délicatement que je vais augmenter le taux directeur. Pas à la chinoise, faut pas pousser. Les camarades capitalistes n'y vont pas avec le dos de la cuiller : 4 fois 0,25 depuis octobre. Moi, ce sera juste un peu, une fois, pour voir, pour tâter le terrain.

Manque de pot, c'est juste au moment où ça commence à sentir le roussi en Espagne et où ces imbéciles de banques (qui vont très bien, les stress tests, c'est quand même pas fait pour les chiens !) annoncent qu'elles vont devoir recapitaliser. Et vas y donc : 5 milliards d'euros pour Itesa Sanpalo, 8 milliards d'euros pour Deutsche Bank, 10 milliards d'euros pour Commerzbank... Angela veut me saboter mon effet de hausse des taux, ou quoi ?

Sur mon agenda, aujourd'hui... mmmmh... ah oui, Ben a promis qu'il allait me faire un brief sur comment faire gober que la hausse des matières premières (pétrole, céréales, et autres bricoles) ne serait que transitoire et que la planche à billets n'a rien à voir avec tout ça. Il paraît qu'il a un PowerPoint génial sur le sujet. C'est dans le Wall Street Journal.