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La troisième plus grosse banque au monde va faire faillite. Devinez laquelle ?

Souvenez-vous, je vous disais justement

hier qu'il faudrait aux marchés une très mauvaise nouvelle pour prendre conscience de l'état de déliquescence de l'économie mondiale, écrit Cécile Chevré pour MoneyWeek. Mais pas n'importe quelle catastrophe : pas un séisme, pas des réacteurs nucléaires en fusion, pas des guerres civiles dans la principale région productrice de pétrole au monde, pas la faillite de pays sur le Vieux Continent... Non.

Ce qu'il leur faut c'est une catastrophe qui touche directement l'un des leurs. Une grosse banque par exemple.

Eh bien justement, une grosse banque va faire faillite. Et pas n'importe laquelle. Une banque américaine qui possède pour 2 550 milliards de dollars d'actifs. Ce qui en fait la troisième banque au monde en termes d'actifs après BNP Paribas et Royal Bank of Scotland. Autant dire que cette banque entre dans la catégorie "too big to fail".

Pour comprendre pourquoi cette banque va faire faillite, il faut que nous nous penchions un peu sur le fonctionnement des banques en général.

Du + et du – dans le bilan des banques
Si vous avez fait un peu de comptabilité, vous savez qu'en gros il y a la catégorie du + et celle du –.

Pour une banque, dans la catégorie des actifs (le +), il y a l'argent qu'elle prête. A qui ? Vous par exemple. Ou une entreprise. Ou encore à un Etat. Ce prêt appartient à la catégorie des actifs puisque vous êtes censé rembourser cette dette ainsi que des intérêts.

Du côté du moins, le passif, il y a l'argent que la banque emprunte. Car souvent pour prêter, la banque a d'abord besoin d'emprunter. A qui emprunte-t-elle ? En premier lieu à vous, qui avez déposé de l'argent sur un compte. Mais elle emprunte aussi à des assureurs, des fonds de pensions, des investisseurs et à d'autres banques.

Quant à ce qui reste quand on soustrait le – du +, c'est le capital de la banque. Sa véritable valeur en somme.

Pour gagner de l'argent, les banques doivent prêter à des taux plus importants que ceux auxquels elles empruntent elles-mêmes. C'est grâce à cette différence, qu'elles font des bénéfices. Le principe : transformer du prêt à court terme à taux bas (pensez à votre Livret A par exemple) en prêt à long terme à taux plus important et fixe (votre crédit immobilier).

Là où cela se complique un tout petit peu pour les banques, c'est que les taux d'intérêt varient. Aussi bien pour l'argent qu'elles ont prêté que pour celui qu'elles ont emprunté. Pour une banque, quand les taux d'intérêt augmentent, les crédits à taux fixe accordés par le passé perdent de leur valeur. Elle aurait pu gagner plus en prêtant à quelqu'un d'autre sous d'autres conditions.

C'est exactement ce qui se passe en ce moment. Depuis l'été dernier, le rendement des obligations américaines a augmenté d'environ 1%. Si vous avez déjà souscrit à un prêt, vous connaissez la différence que représente ce "petit" point supplémentaire, surtout si vous empruntez à moyen/long terme.

Des pertes abyssales
Prenons un exemple, celui d'obligations à 10 ans dont nous fixons arbitrairement le taux à 4%. Si leur rendement grimpe à 5%, le prix de ces obligations baisse de 7%. S'il passe à 6%, le prix chute de 14%.

Revenons maintenant à notre fameuse banque. 45% de ses actifs sont composés de crédits à taux fixe de 10 ans ou plus, ce qui représente tout de même 1 140 milliards de dollars. Evidemment, difficile de savoir quand elle les a achetés – cette banque n'est pas une championne de la transparence – et à quel prix. Mais après tout qu'importe ! Ce qu'il faut retenir, c'est que le rendement des obligations souveraines augmente et que cela a tout l'air d'être une tendance de fond.

Je prends donc ma machine à calculer. Une perte de 7% sur 1 140 milliards de dollars = 80 milliards de dollars. Et encore, là on ne prend en compte les pertes que sur les obligations à long terme et celles sur celles à plus court terme.

Bon, la plupart des banques sont censées être assez solides pour affronter ce genre de pertes. Elles ont des fonds propres, elles peuvent se recapitaliser, bref elles sont régies par quelques (même si un peu maigres) règles et surtout elles ont moins prêté et emprunté alors que la crise du crédit les décimait.

Mais pas cette banque. Cette banque n'obéit pas aux règles fixées aux autres. Avec la crise, au lieu de réduire le nombre de crédits accordés, elle les a au contraire multipliés.

Et surtout, cette banque a un capital minable. A peine 2% (53 milliards de dollars) du total de ses actifs (2 550 milliards de dollars). Ce qui veut dire qu'une baisse de seulement 2% de ses actifs devrait complètement anéantir son capital.

Conclusion : cette banque va faire banqueroute. Si ce n'est pas déjà fait, c'est pour bientôt.

Une banque... mais quelle banque ?
Cette banque, vous l'avez surement deviné, c'est la Fed. La Fed qui depuis le début de la crise et surtout les deux vagues de quantitative easing a racheté des milliards de dollars de bons du Trésor et assimilés. Des obligations qui perdent de leur valeur à chaque hausse de leur rendement.

La Fed peut donc faire faillite et nous ne sommes pas les seuls à le dire. William Ford, ancien président de la Fed d'Atlanta a dit exactement la même chose en janvier dernier.

Pourtant, cette possibilité – fort probable – ne fait pas la une de tous les journaux. Pourquoi ? Parce que comme nous l'avons dit la Fed ne se sent pas tenue de suivre les mêmes règles que les autres banques. Dans leur bilan, la plupart des banques doivent à un moment donné fixer la valeur de leurs actifs. Nous l'avons vu, ceux-ci varient. La règle du "mark to market" oblige donc les banques à donner la valeur de leurs actifs à un moment donné, au prix du marché.

La Fed, elle, suit un modèle différent. Premièrement, elle ne sent pas dans l'obligation de donner le montant de ses actifs et en plus quand elle communique, elle le fait sur la valeur de ces actifs au moment de leur achat.

Bref, quand la Fed fera faillite, personne ne le saura. En tout cas, pas nous, simples mortels. La seule manière de déterminer ce moment sera de repérer quand elle vendra en masse ses obligations souveraines.

Qui va renflouer la Fed ?
Le gouvernement américain ne laissera jamais la Fed faire faillite. Pour éviter cela, le Trésor américain la renflouera. Mais avec quel argent ?

C'est là que l'histoire devient particulièrement savoureuse. Bon, pour sauver la Fed, le Trésor émettra des obligations... qui seront rachetées par la Fed, elle-même. En résumant, cela veut dire que la Fed imprime l'argent qui finira au final par la renflouer.

Pendant combien de temps croyez-vous que ce système pourra continuer en toute impunité ?

A un moment ou un autre, les marchés, les investisseurs, les acheteurs de dollars ou de bons du Trésor vont finir par comprendre que ce fonctionnement n'est qu'une course à l'abîme. Conclusion : le dollar va dégringoler et le rendement des T-Bonds s'envoler. Nous vous déconseillons donc d'en détenir en portefeuille.

Que mettre à la place ? Vous le savez à MoneyWeek, nous misons sur l'or comme assurance tout risque contre les conséquences de la mécanique infernale que je viens de vous décrire. 10% de votre portefeuille en or, voilà notre recommandation minimum !

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’EPHE et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’INTD. Cécile Chevré participe à la rédaction de la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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