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ETF sur matières premières : un piège ?

La prochaine bulle financière qui explosera

: les ETF sur les matières premières


Censés permettre à l'investisseur de profiter de la hausse des prix, les exchange traded funds servent-ils d'abord à pomper l'argent des petits épargnants pour engraisser les banquiers de Wall Street qui, eux, pas fous, achètent des actifs réels ?

Vous pensiez que la bulle Internet et celle des subprime avaient été sérieuses ?

Ce ne seraient que des broutilles face à l'éclatement des ETF qui nous attend, écrit Marc Mayor pour L'Edito Matières Premières et Devises. Récemment, BusinessWeek a pour une fois fait preuve d'intelligence en consacrant un article à ces produits financiers.

Trois énormes "N'achetez pas des ETF sur les matières premières" barrent la une du magazine américain, qui a pour titre principal : "Les vagues de douleur". Et pour être certains que même les lecteurs somnolents ont bien compris le message, les ETF sont décrits comme "le pire investissement d'Amérique".

Pourquoi ?
Car des milliards de dollars continuent à se déverser dans ces produits qui sont supposés répliquer la performance d'un indice boursier, dans les matières premières pour les cas qui nous (pré-)occupent aujourd'hui.

Sur le fond, il est effectivement sensé de parier sur la hausse des matières premières, dont la demande va exploser avec l'explosion démographique et la hausse du niveau de vie dans les pays émergents. Matières dont la production sera de plus en plus difficile, chère ou perturbée par une météo déréglée. Plus de demande, moins d'offre : vous voyez le résultat. Les prix grimpent, assurément.

Sauf que les ETF constituent la pire manière d'investir
Comme d'habitude, les banques qui les émettent ont un unique but : capitaliser sur les pires instincts de l'investisseur. En présentant les ETF comme des produits simples, transparents et rémunérateurs, Wall Street s'est assuré un approvisionnement quasi illimité d'investisseurs naïfs et peu informés, que je regroupe sous le terme affectueux de "pigeons".

Or tous ces pigeons déploient leurs petites ailes pour déposer leur argent durement gagné dans des ETF bourrés de dérivés exotiques qui ont davantage des airs d'armes de destruction massive que d'instruments protégeant l'investisseur. Pour Bloomberg (qui possède BusinessWeek), ces produits sont bien partis pour devenir "la prochaine bombe financière à retardement", qui explosera comme ont explosé la bulle Internet des années 2000 et les subprime en 2008. Avec une détonation encore plus cataclysmique.

Les banques s'en mettent plein les poches avec les ETF
Il ne s'agit pas d'une création de valeur pour l'investisseur, mais d'un transfert de valeur de l'investisseur vers les banques. Comme dans un casino : celui qui s'y rend sait très bien qu'il va perdre son argent. Même chose avec les ETF, sauf que les pigeons ne se rendent pas compte qu'ils posent leurs pattes dans un casino.

Dans le même temps, les banques créent les conditions qui provoqueront l'explosion finale de la bulle ETF, entraînant avec elle toute cette pyramide insensée. Grâce à l'argent investi dans les ETF, le monde financier contrôle les prix des matières premières : le pétrole bien sûr, mais aussi les métaux, le gaz naturel, la nourriture, l'eau, le bétail, les terres arables.

Au bon vieux temps, les prix de ces biens dépendaient de la météo et de la géologie
L'arrivée de la finance leur a insufflé une volatilité sans précédent. Les cours du blé ont ainsi bondi de 52% et établi de nouveaux records début 2008, avant de plonger. Le sucre est devenu deux fois plus cher en 2009, alors que l'économie mondiale subissait la pire récession de l'après-guerre.

Vous trouvez cela normal ?
C'est le signe que le bon vieux mécanisme de fixation des prix dans le système capitaliste est mort et enterré.

En outre, les investisseurs professionnels parient contre les pigeons qui misent sur les ETF. Et là, on voit immédiatement qui tient le couteau par le manche. Contrairement aux gérants d'ETF, les traders de contrats à terme ne doivent pas effectuer des opérations à des dates précises.

Sachant que d'importants investisseurs devront "rouler" leurs contrats à une date X – c'est-à-dire acheter de nouveaux contrats à terme pour remplacer ceux qui arrivent à échéance le jour X – les traders professionnels vont acheter un mois avant cette date, pour pousser les prix à la hausse ou vendre avant les ETF, ce qui diminue le prix que ces derniers recevront pour les contrats à expiration.

Autre vérité à savoir
La performance n'est souvent pas au rendez-vous avec les ETF. Les données de Bloomberg montrent que "10 ETF investissant dans des contrats à terme sur les matières premières ont enregistré une performance inférieure à celle du sous-jacent dans lequel ils ont investi".

En résumé : si vous voulez gagner de l'argent en profitant de l'appréciation du sucre ou du gaz, par exemple, et que vous investissez à travers des ETF, vous encaisserez moins que si vous aviez directement acquis des contrats à terme sur le sucre ou le gaz.

Toujours selon Bloomberg, le plus grand ETF américain sur le pétrole a perdu 50% depuis son lancement en avril 2006, alors que dans le même temps, le pétrole a progressé de 11%.

Non contents d'encaisser des revenus grâce aux ETF, les véritables insiders des matières premières préparent déjà l'explosion de ces produits. Comment ? En acquérant à tour de bras des actifs réels : terrains, gisements, bétail, forêts. Des actifs dont la valeur va s'envoler avec l'augmentation de la demande et les pressions sur l'offre, nous y revenons.

C'est ainsi que Goldman Sachs "détient un réseau mondial d'entrepôts d'aluminium" et que Morgan Stanley "a affrété davantage de pétroliers que Chevron l'an dernier", selon BusinessWeek. Pas question pour eux de mettre un centime dans des ETF...

Marc Mayor est le fondateur et président d'Inside ALPHA, une entreprise helvétique spécialiste des approches financières éliminant le risque de marché (investissements dits "'neutres au marché").Depuis plus de 10 ans, Marc analyse avec humour et sagacité le comportement des initiés de la Bourse, notamment dans les colonnes de sa rubrique hebdomadaire "Le Coin des Insiders"', qui paraît chaque vendredi dans le quotidien financier L'Agefi (Suisse).

Auteur à succès, il préside aussi un cycle régulier de conférences réunissant des investisseurs, tant professionnels que privés, notamment sur le thème des métaux (de base ou précieux) et de l'énergie (fossile, nucléaire ou renouvelable).Il participe régulièrement au Billet du Trader ainsi qu'au magazine MoneyWeek et à l'Edito Matières Premières & Devises.

Marc Mayor met désormais toute son expertise financière, ses analyses et ses recommandations au service des investisseurs particuliers dans le cadre de sa nouvelle lettre d'information : La Lettre de Marc Mayor.

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