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Croissance ou dette ? Parfois, il faut savoir faire défaut...

Nous n'avons pas pour habitude de donner des conseils

, à la Chronique Agora. Certes, nous avons averti les lecteurs des plus grandes menaces financières de ces 30 dernières années -- les bulles des valeurs technologiques et de l'immobilier. Et oui, nous leur avons conseillé d'acheter ce qui s'est révélé être le meilleur investissement qu'ils puissent faire -- l'or, écrit Bill Bonner.

Mais exceptionnellement, aujourd'hui, nous offrons un conseil aux autorités financières du monde entier. En deux mots :

Faites défaut !

Lorsqu'on a plus de dettes qu'on ne peut en payer, mieux vaut le reconnaître... faire défaut... baisser la tête... présenter des excuses... promettre qu'on ne vous y reprendra plus...

... et retourner à vos affaires. Le plus tôt sera le mieux.

D'où vient cet auguste conseil ? De l'histoire récente -- et pas si récente.

Durant la deuxième moitié du 19ème siècle, les états arabes ont lourdement emprunté aux Européens. L'Empire ottoman était un anachronisme. L'Etat moderne avait déjà été développé par Napoléon et Bismarck.

Sur le Vieux continent, au 19ème siècle, la technologie moderne avait donné aux Européens un gigantesque avantage par rapport à leurs voisins. Les Ottomans -- qui régnaient des Balkans au Maroc -- prenaient du retard. Leurs économies étaient moins productives, si bien qu'ils n'avaient pas l'assiette fiscale nécessaire pour entretenir des armées modernes. Ils firent donc venir des entrepreneurs et des capitaux européens pour construire des chemins de fer, des canaux et autres améliorations.

A l'époque comme maintenant, les économies en déclin étaient soutenues par d'autres, plus dynamiques.

"Les prêts de la Chine atteignent de nouveaux sommets", titrait le Financial Times hier.

La Chine a l'économie la plus dynamique au monde... avec 2 800 milliards de dollars dans ses réserves, en grande partie libellées en dollars. Elle prête de l'argent partout dans le monde. Elle est le plus grand créditeur des Etats-Unis. Et elle aide désormais les pays européens au bord du gouffre à s'endetter plus encore.

L'argent étranger a un coût. Lorsque les Ottomans ne purent plus payer, ils tentèrent l'austérité... puis empruntèrent plus. Les autochtones devinrent nerveux à cause des mesures d'austérité. La dette augmenta... puisqu'il fallait de plus en plus d'argent pour soutenir les précédents emprunts.

L'issue était inévitable. Soutenus par de meilleures armées, les Européens se transformèrent en huissiers. Le général Bugeaud ravagea les plaines fertiles de l'Algérie. La France trouva ensuite un prétexte pour envahir la Tunisie. L'Italie prit la Libye. La Grande-Bretagne envahit l'Egypte. Les Européens s'emparèrent rapidement des commandes de toute l'Afrique du Nord... et d'une bonne partie du Levant.

Leçon n°1 : ne pas emprunter aux étrangers.

Leçon n°2 : si vous avez des problèmes, n'empruntez pas encore plus aux étrangers. Faites plutôt défaut.

Ensuite, ce fut au tour des Européens de se transformer en emprunteurs. Ils s'enfoncèrent dans une guerre terrible et inutile en 1914. Les Français empruntèrent aux Anglais. Les Anglais empruntèrent aux Américains. Les Allemands ne pouvaient emprunter, si bien qu'ils imprimèrent de l'argent.

Puis, une fois la guerre terminée... tout le monde attendit son remboursement. Les Américains attendaient que les Anglais paient. Les Anglais attendaient les Français. Et les Français attendaient les Allemands. Les Boches étaient censés verser des réparations, mais ils étaient ruinés... si bien qu'ils imprimèrent encore plus d'argent. En fin de compte, après de nombreux désastres, personne ne fut payé -- ni les Américains, ni les Anglais, ni les Français. Ils subirent tous une dépression économique puis une autre guerre mondiale.

La leçon est la même : si vous ne pouvez pas payer, n'essayez pas. Faites défaut.

Et voilà que les états européens sont à nouveau endettés. Non à cause de la guerre, mais à cause du système de l'Etat-Providence... du vieillissement de la population... et de la dette bancaire. Ils ne peuvent pas payer. Ils essaient donc des mesures d'austérité et empruntent plus. Les Chinois et les Japonais sont les derniers bienfaiteurs en date.

Aux Etats-Unis... le problème est le même. Le gouvernement fonctionne à perte. Les dettes s'accumulent. Les différents états mettent des mesures d'austérité en place ; ils n'ont pas le choix. Le gouvernement central, comme dans l'Allemagne de l'entre-deux guerres, imprime de l'argent.

A présent, les Etats-Unis comme l'Europe sont devenus "vieux". Leur modèle d'Etat-Providence est en train de faire faillite. Il a été développé en réaction aux besoins de l'Etat-Nation durant les premiers jours de la révolution industrielle. Il convenait à une époque où la population s'accroissait, où la richesse se développait rapidement, où l'on trouvait de grands bassins de main-d’oeuvre ouvrière et des ressources naturelles quasi-illimitées. Les gouvernements devaient garder le contrôle sur les masses urbaines. Il ne servait à rien de fournir de la sécurité aux citoyens, d'insister pour qu'ils respectent la loi et de s'en tenir là. Le politicien qui ne promettait qu'un sou d'avantages pour un sou d'impôts se faisait vite remplacer par un autre qui en promettait 1,20... ou 1,50. En théorie, tout ça était parfaitement sensé. Une fois que le gouvernement était reconnu comme un serviteur du peuple, plutôt que comme son maître, les gens avaient le droit d'en avoir pour leur argent. Pourquoi se serait-on soumis à l'autorité d'un gouvernement s'il ne donnait pas plus que ce que le citoyen pouvait obtenir tout seul ? Pourquoi se contraindre à payer le système de santé gouvernemental s'il n'était pas meilleur qu'un plan privé ?

Les projets d'aide gouvernementale promettaient de prendre de l'argent aux riches et aux nombreuses générations encore à venir afin de le donner aux électeurs des classes pauvres et moyennes. C'est-à-dire que les électeurs pensaient pouvoir obtenir quelque chose en l'échange de rien. Et pendant très longtemps, les gouvernements ont pu s'y tenir. Ils comptaient simplement sur la génération suivante, plus riche et plus nombreuse, pour tenir leurs promesses. Cela a fonctionné pendant 150 ans. Mais aujourd'hui, les générations suivantes sont souvent plus petites. Et peut-être plus pauvres. Les personnes âgées vivent plus longtemps, et sont plus nombreuses. Il n'y a pas assez de riches pour payer la facture. Le taux de croissance a ralenti. Le rendement sur les dettes supplémentaires est devenu négatif, tandis que des milliers de milliards de dollars de dettes et d'engagements arrivent à leur terme.

A nouveau, les gouvernements du Vieux Monde ont trop emprunté et trop promis. Mais au lieu de faire honnêtement et ouvertement défaut (forçant les gens qui ont prêté imprudemment à encaisser leurs pertes), ils essaient de faire passer ce fardeau au citoyen innocent... et à l'investisseur ignorant.

Il versera des impôts plus élevés. Il obtiendra moins de services. Son argent... son épargne... sa retraite... Tout ça sera dévalué par l'inflation. S'il a des actions... elles seront probablement elles aussi liquidées durant les crises financières à venir.

Bill Bonner est le fondateur et président d'Agora Inc., une maison d'édition publiant des lettres d'information confidentielles – probablement l'une des plus brillantes au monde. Auteur de la lettre e-mail quotidienne The Daily Reckoning (450.000 lecteurs... ), il intervient également dans La Chronique Agora, directement inspirée du Daily Reckoning.

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