Cernés par les faillites !
Alors que nous étions en réunion toute à l'heure, et que nous faisions un bilan des thèmes abordés depuis un an dans la Quotidienne, ma collègue Françoise Garteiser m'a demandé lequel nous tenait le plus à coeur, écrit Cécile Chevré pour La Quotidienne de MoneyWeek.
C'est sans aucun doute la crise de la dette des Etats.
Nos plus fidèles – et anciens – lecteurs le savent, cela fait plus d'un an et demi que nous prévenons que la crise des subprime n'était que la première étape d'une crise plus globale qui allait se poursuivre en crise de la dette des Etats. Du privé au public, c'était notre leitmotiv. Et c'est ce qui s'est effectivement passé.
Nous nous pensions plutôt à l'abri en Europe, planqués derrière notre euro et la BCE. Sauf que la façade s'est rapidement lézardée et que la menace obligataire se rapproche progressivement du centre de l'Europe, du Top 5 des plus grosses économies de la zone euro.
Tout a commencé avec Dubaï. "Bof", ont ricané certains, "c'est tout petit, et c'est loin de chez nous".
Puis l'Islande. "Tout aussi petit et toujours trop loin".
Puis la Grèce. "Oui... bon ils paient pour leur politique budgétaire laxiste. Qu'ils se mettent au régime sec et tout ira mieux".
Puis l'Irlande. Là, les fortes têtes ont été un peu embêtées. L'Irlande n'est pas connue pour jeter les sous par-dessus bord. Sa grosse erreur a été de décider de soutenir à tout prix ses banques mais le gouvernement irlandais a très rapidement instauré une politique de rigueur particulièrement ferme. Malgré cela, l'Eire a été emportée dans la tourmente. "Mais bon, c'est une île...", ont bien essayé de se défendre nos absolutistes du "tout va bien".
Puis le Portugal. La crise a remis les pieds sur le continent. Nos forçats de l'optimisme ont essayé de se persuader que le syndrome "sud dépensier contre nord économe" avait encore frappé.
Puis l'Espagne. Les ricaneurs sont de moins en moins nombreux. Le pays est la quatrième économie de la zone euro. Hum, cela commence à sentir le roussi n'est-ce pas ?
Puis la Belgique. Là, c'est sûr, on est cerné.
Combien de temps les irréductibles optimistes continueront-ils à prétendre qu'il n'y a pas péril en la demeure ? Aucune idée, mais 2011 devrait nous donner la réponse.
Mais revenons à l'Espagne. Un scénario que nous commençons à bien connaître. Moody's a annoncé mercredi dernier qu'elle envisageait une dégradation de la note souveraine espagnole. Pour quelles raisons ? Celles que nous avions relevées dans une précédente Quotidienne : l'augmentation des coûts de l'emprunt, l'état désastreux de ses banques et la quasi-faillite des nombreuses villes et régions autonomes.
Les besoins en financement de l'Espagne pour l'année prochaine font frémir :
- 170 milliards d'euros pour le gouvernement
- 30 milliards pour les régions
- et 90 milliards pour les banques.
Ca ce sont les prévisions optimistes. Parce que Moody's s'inquiète de la situation des banques qui pourraient avoir d'encore plus d'argent. Autre point noir : le gouvernement arrivera-t-il à imposer des mesures de rigueur assez importantes pour réduire le déficit ? Personnellement, je vous dirai bien : qu'importe ! La situation de l'Irlande mise au régime sec ne fait pas rêver. Conclusion, c'est 354 milliards d'euros que l'Espagne pourrait devoir emprunter l'année prochaine. Soit 34% de son PIB !
Sa dernière émission obligataire, qui a eu lieu hier, a donné un avant-goût – amer – de ce qui pourrait attendre l'Espagne en 2011. " L'Espagne concède des taux élevés pour se financer", constate Reuters. Le pays a émis pour 2,4 milliards d'obligations. Le rendement des obligations à 10 ans a atteint les 5,5% contre environ 4,5% pour une précédente émission en novembre dernier. 1% de hausse en moins d'un mois, c'est énorme pour le marché obligataire.
Mais ce qui est vraiment très inquiétant, c'est que, comme le rappelle très justement Reuters, la plupart des analystes s'accordent à estimer qu'avec un rendement à 6,5% rendrait le poids de la dette insupportable pour l'Espagne. Nous ne sommes vraiment pas loin de ce point de rupture.