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Cash is king -- mais un roi a toujours besoin d'or

Le retour au cash devient le mot d'ordre en ce moment.


Le raisonnement est simple : tout est cher, donc mieux vaut vendre le risque et garder ses liquidités pour le moment des soldes. Lorsque les valorisations deviennent élevées, tout investisseur avisé doit se montrer frileux, écrit Simone Wapler pour L'Edito Matières Premières et Devises.

Les actions sont trop chères
Mon collègue américain Dan Ferris a un indicateur fétiche : le ratio cours/moyenne des bénéfices des 10 dernières années. Sur ce critère, l'indice S&P 500 se paie 26 fois les bénéfices, ce qui est historiquement cher, la moyenne étant à 22. Un risque de retour à la moyenne devrait donc inquiéter tout investisseur avisé.

Les obligations sont trop chères
Leur rendement réel (taux d'intérêt diminué de l'inflation officielle) est négatif. Il est encore pire si vous escomptez que le taux d'inflation officielle est une farce et que la véritable hausse des prix est bien plus élevée que ce que les autorités veulent bien admettre.

Les matières premières sont trop chères
Elles ont deux soutiens, l'un malsain qui est la création monétaire de la Banque centrale américaine.

L'autre plus solide avec du côté de la demande, la poursuite de l'industrialisation des pays émergents et une démographie favorable... et du côté de l'offre eh bien, une offre limitée dans bien des cas.

Mais la hausse récente a été dopée à l'émission monétaire.

Selon Bloomberg et nos calculs, 100 milliards de dollars imprimés provoquent :

- 5% de hausse sur l'indice CRB des matières premières ;

- 7 $ de hausse sur le prix du baril.

La juxtaposition du graphe de l'indice des matières premières CRB (en jaune) et du montant total des rachats de bons du Trésor par la Fed (en noir) est éloquente. Regardez :

Lors du dernier mini-krach, vous avez pu constater ce que les matières premières donnaient sans ce soutien factice qu'est le QE2. L'argent est passé de 50 $ l'once à 35 $ l'once. Le pétrole, les métaux de base ont eu du plomb dans l'aile.

L'immobilier est trop cher dans la plupart des pays développés
La réduction des crédits et l'insolvabilité croissante des ménages dans les pays à fort taux de chômage devraient limiter la hausse résiduelle (au mieux). Même en France, où il est possible que les prix se maintiennent, la pression fiscale risque bientôt d'être dissuasive.

Soyez prêt à vous jeter goulûment sur les bonnes occasions...
Tout est donc trop cher et, bien souvent, la baisse des matières premières est un présage de future baisse des marchés actions. D'où l'idée de rester liquide et mobile pour pouvoir, une fois les valorisations redevenues plus saines, se jeter goulûment sur les bonnes occasions.

"Oui... Mais l'or dans tout ça..." vous inquiétez-vous, déçu
Car nous nous intéressons ici à l'or -- et vous aimez bien l'ordre et retrouver les bonnes choses dans les bonnes cases. J'y viens.

Selon une étude de Dylan Grice, de la Société Générale, 1% de croissance de la masse monétaire se traduit par 0,7% de croissance dans le prix de l'or. Incidemment, 1% d'inflation officielle entraîne 1,7% d'augmentation du prix de l'or. Moins de croissance de la masse monétaire en dollar implique donc que l'or perde un facteur de soutien.

Comme le note Dylan Grice, l'or est aujourd'hui en avance sur l'inflation officielle mais en retard sur la croissance de la masse monétaire. Voici un autre graphe tiré de son étude pour illustrer ce propos.

              

En rouge foncé : la masse monétaire américaine – En rose le prix de l'or
En gris l'indice américain officiel de prix à la consommation.


Durant la crise inflationniste des chocs pétroliers des années 1970, l'or a rattrapé la masse monétaire. Ce qui l'a affolé, c'était l'inflation à deux chiffres de l'époque et l'inertie de la Fed vis-à-vis de la hausse des prix.
Ensuite, de 1980 à 2000 il a pris du retard, même si la masse monétaire augmentait toujours. Ce qui l'a assoupi, c'était des taux d'intérêt élevés, aptes à lutter contre la hausse des prix.

Aujourd'hui nous sommes dans une situation un peu différente : l'or est en retard sur la masse monétaire et comme la hausse des prix officielle est plus insidieuse, plus larvée (notamment en raison des méthodes de mesures), la pente de croissance est plus douce.

Nous estimons que la hausse de l'or va se poursuivre
Même si une correction est très probable lorsque l'émission monétaire de la Fed marquera un temps d'arrêt. Durant ce temps d'arrêt nous allons revenir à la situation que nous avons connue entre octobre 2009 et avril 2010 : des marchés en dents de scie, voire en forte baisse, faute de soutien par l'argent factice.

Puis l'émission monétaire reprendra
Car c'est la seule issue supportable politiquement. Pour vous en convaincre je vous livre deux titres relevés dans L'Agefi le 3 mai dernier : "Timothy Geithner a repoussé au 2 août la date à laquelle il estime être dans l'incapacité de rembourser les obligations arrivant à maturité" et "les Etats-Unis devraient préserver leur AAA- le billet vert servant d'actif de réserve, le pays se verra sûrement accorder plus de temps pour remettre de l'ordre dans ses finances publiques".
L'Agefi, organe de l'establishment financier, écrit que :

- les Etats-Unis ne peuvent rembourser de la dette qu'en émettant d'autre dette ;

- comme le dollar est une "monnaie de réserve" pas question de les dégrader.

Exactement le genre de titres que l'or adore. Car les Etats-Unis émettent des dettes dont plus personne ne veut, et la Fed sera contrainte de les racheter.

"Oui... Mais l'or en euro..." vous inquiétez-vous
Car vous vivez en euro et le sort du dollar comme celui des Etats-Unis ne vous émeut pas outre mesure. J'y viens.

    

Comme nous le dit L'Agefi, le dollar, même pourri, est toujours "actif de réserve". Tout s'évalue à partir de lui. D'où l'extraordinaire phénomène d'illusion d'optique qui brouille notre vision. C'est l'euro qui a baissé, mais les observateurs de marché ont conclu que c'était le dollar qui remontait...

D'où un mini-krach des matières premières début mai, où l'or fut malgré tout relativement épargné. Car, comme vous l'avez vu, les dollars fraîchement imprimés se portent sur les matières premières qui servent de couverture contre la baisse du billet vert. Mais si le billet vert donne l'illusion de remonter, les capitaux refluent.

Pour que l'or monte en euro, il ne faut pas que le dollar monte, c'est aussi simple que cela. Mais bien sûr, dans la durée, les deux monnaies coulent par rapport à l'or. Tant que les taux d'intérêt réels (taux d'intérêt – hausse des prix) sont négatifs dans les grandes monnaies, l'or montera.

Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart's... Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements « tangibles ». Elle analyse chaque mois le secteur aurifère et les marchés étrangers dans la lettre d'investissement Vos Finances - La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l'Edito Matières Premières ou dans différents rapports d’investissements.

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