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L'Allemagne et la France en thérapie de couple : allez-vous payer les honoraires du psy ?

Manifestement, il y a de l'angoisse dans l'air.



La crise s'est accentuée mais elle évolue aussi, et de plus en plus vite, écrit Cécile Chevré pour La Quotidienne d'Agora.

Nous vous en avions parlé il y a quelques semaines dans la Quotidienne : la crise de la dette souveraine est entrée dans une nouvelle phase plus politique. Cela se confirme chaque jour. Plusieurs gouvernements ont sauté sous la pression des marchés.

Plus encore : les nouveaux gouvernements choisis doivent non seulement convenir au peuple et aux différents pays partis politiques mais doivent aussi recevoir la bénédiction des marchés. Etrange monde dans lequel nous vivons... En laissant nos Etats s'endetter en dehors de toute mesure, nous avons donné un pouvoir de plus en plus important aux acheteurs de notre dette mais aussi aux organismes chargés de noter notre profil d'emprunteur.

Le tournant politique de la crise est aussi sensible par l'évolution des solutions proposées. Il y a deux ans, quand la Grèce a commencé à envoyer de forts signaux de détresse, plus d'argent – par l'endettement – a été la seule solution proposée par les membres de la zone euro. Une réponse à la crise qui a fait long feu.

Deux ans après, non seulement la Grèce est, dans les faits, en faillite, mais en outre, la crise souveraine s'est répandue comme une traînée de poudre dans toute la zone euro. D'abord dans les pays les plus fragiles et maintenant au coeur même de l'Europe, en France et même en Allemagne.

Une réponse politique à la crise de l'euro est-elle possible ?
Une nouvelle idée est donc en train d'émerger : un règlement politique à la crise. Evidemment, il ne réglera pas tout – il faudra toujours trouver des milliards pour sauver les pays entraînés dans la tourmente obligataire et faire baisser la pression des marchés.

Voici ce qui se passe : l'Allemagne est en train de négocier avec la France une modification en profondeur des règles de l'Union européenne. L'idée est d'imposer au niveau européen plus de règles de contrôle budgétaires aux pays membres. Une plus grande intégration budgétaire et financière en sorte.

Les Européens parviendront-ils à se mettre d'accord sur une telle solution ? Pour le moment, la France traîne la patte. Il est fort possible qu'elle tente de négocier en échange une plus grande souplesse de l'Allemagne sur la question des achats de dettes souveraines par la BCE – et donc de l'impression monétaire.

L'Allemagne pourrait se laisser tenter. Outre, l'exécrable souvenir des précédentes phases d'hyperinflation, l'autre crainte d'Angela Merkel était qu'une telle décision soit interprétée par les pays membres comme un blanc-seing pour dépenser et s'endetter au-delà de toute mesure.

Vers une Europe à deux vitesses ?
Deuxième conséquence, une telle décision semble préciser une évolution de la crise vers une Europe à deux vitesses. Avec d'un côté, les pays "pauvres" et endettés de la zone et de l'autre les pays mieux portants.

Nous vous avions évoqué cette solution dans une précédente Quotidienne. Et je terminais mon article sur la question suivante : dans quel camp sera rangé la France ? Il semblerait que, pour le moment, le divorce ne soit pas complètement consommé entre la France et l'Allemagne. Nous sommes en thérapie de couple.

Preuve en est, l'idée de l'émission d'"euro-bonds", c'est-à-dire d'emprunts communs, par la France, l'Allemagne et les autres pays AAA de la zone euro (Finlande, Luxembourg, Autriche et Pays-Bas) a de plus en plus le vent en poupe. C'est du moins ce que nous apprend Le Monde. Une réponse possible aux menaces de dégradation répétées qui pèsent non seulement sur la France mais aussi sur ses camarades européens qui font encore partie du club des AAA.

Entrevoyons-nous le bout du tunnel ?
J'aimerais pouvoir vous répondre que oui. Mais au mieux, il nous semble n'entrevoir qu'une lueur tremblotante tout au bout.

De nombreux écueils attendent encore la zone euro. Premièrement, une plus grande surveillance des budgets des pays membres de la zone euro va se heurter à trois principaux obstacles :
1. Les différents membres de l'UE parviendront-ils à se mettre d'accord sur une telle décision qui seraient politiquement risquée ?

2. Il faudra certainement modifier en profondeur les règles de fonctionnement de l'Union européenne. Dans ce cas, si les peuples sont amenés à se prononcer (voter), pas sûrs qu'ils soient si enthousiastes devant une telle perspective qui réduirait encore la liberté d'action des Etats-nations.

3. Enfin, adopter des règles, c'est bien, encore faut-il avoir les moyens de les faire respecter. Quelles sanctions pour les pays dont le taux d'endettement est au-dessus de la tolérance ?

Deuxièmement, et cela rejoint le point précédent, cela ne règle évidemment pas le problème pour des pays comme l'Italie, l'Espagne ou la Grèce qui ont besoin d'argent immédiatement.

Que conclure de tout cela ?
La route vers l'accalmie sera longue... et tortueuse.

En attendant, nous vous conseillons de miser sur des stratégies d'investissement prudentes. La France pourrait être sur le point de connaître un bouleversement sans précédent. L'épargne de millions de Français risque d'être balayée par ce raz-de-marée économique et financier.
 
Pour aller plus loin aujourd'hui : question/réponse sur l'or
Il y a de l'angoisse, vous disais-je un peu plus haut. D'ailleurs, vous êtes de plus en plus nombreux à nous écrire à La Quotidienne. Soit pour nous faire partager vos inquiétudes, soit pour nous demander des précisions sur nos recommandations, soit aussi parfois pour vous plaindre de notre défaitisme ambiant. Merci à tous pour vos emails.

Face à vos interrogations, j'ai décidé de reprendre dans La Quotidienne les questions et les sujets que vous nous soumettez le plus régulièrement... et d'essayer d'y répondre. En espérant que non seulement les auteurs de ces mails mais aussi vous tous y trouverez les réponses et les précisions que vous attendiez.

Dernièrement, les questions sur l'or se font de plus en plus nombreuses. "Faut-il acheter de l'or physique maintenant ou attendre ?". J'ai posé la question à Simone : l'or a peu de chance de passer vraiment sous les 1 600 $. Dès que l'once atteint ce cours, les acheteurs – en particulier chinois – se réveillent, faisant remonter l'or. Notre conseil : achetez autour de 1 600 $.

Cécile Chevré est titulaire d’un DEA d’histoire de l’EPHE et d’un DESS d’ingénierie documentaire de l’INTD. Cécile Chevré participe à la rédaction de la Quotidienne de MoneyWeek, un éclairage lucide et concis sur tous les domaines de la finance.

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