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Quand Le Contexte Hurle "Vendez"...

Paris se retrouverait-il prisonnier -- ainsi que Londres, Francfort et plus globalement l'Eurotop 100 -- d'un corridor de consolidation baissier depuis le 21 janvier dernier ?


Ne vous méprenez pas : en réalité, le vocable "baissier" ne caractérise pas la tendance court terme, dans la mesure où les moyennes mobiles à cinq ou huit jours respectent une pente légèrement ascendante depuis trois semaines -- malgré la volatilité des cours. Ce qui constitue le véritable enjeu de la phase d'indétermination actuelle, c'est le "sens" du marché au moment où les cours parviendront à ressortir de la configuration.

Si le diagnostic du corridor est pertinent -- la terminologie "biseau" horizontal pourrait sembler plus appropriée mais ne change rien à l'affaire -- la probabilité d'une reprise de la décrue indicielle et d'une perte supplémentaire de 10% serait supérieure à 60%.

Le CAC 40 multiplie les oscillations entre 4 980 et 4 680 points depuis le 18 janvier dernier. A 4 812 points en clôture hier, il se retrouvait presque à mi-chemin de l'une ou l'autre de ces deux bornes... mais affecté par un renforcement des pressions négatives depuis mardi après-midi ; d'où le risque de voir les vendeurs reprendre la main avec l'intention non dissimulée de propulser l'indice sous les 4 700 points, histoire de tester le degré de vulnérabilité du marché après l'expérience d'échecs répétés sous les 5 000 points.

Si des programmes stop loss (ventes de précaution automatisées) se déclenchaient lors d'une nouvelle cassure de la zone de soutien des 4 730 points, le CAC 40 pourrait très vite se retrouver dans une situation critique, avec la perspective d'un retracement express du plancher annuel des 4 500 points, puis d'une accélération en direction des 4 350 points. Cet objectif avait été anticipé de longue date -- par le jeu de la "règle du balancier" sous les 4 680 points -- dès le basculement survenu avec les 6 170 points en juillet 2007 puis sous 5 380 points le 11 janvier dernier.

Il n'y a pas de raison supplémentaire aujourd'hui de jeter aux orties le scénario d'un comblement du gap des 5 081 points du 18 janvier dernier puis d'une reprise jusqu'au contact des 5 260 points -- plancher du 16 juillet dernier -- d'ici la mi-mars. Cependant, le temps qui passe ne fait qu'apporter de l'eau au moulin des défenseurs de la thèse d'une récession qui s'annonce profonde aux Etats-Unis et certainement fort pénalisante pour l'Europe et le continent asiatique -- ainsi que pour l'ensemble des indices boursiers, cela coule de source.

Il nous apparaît effectivement très audacieux de s'obstiner à miser sans retenue sur un rebond du CAC 40 à contre tendance macroéconomique simplement parce que nous parions que le consensus négatif devient trop univoque pour que les baissiers puissent en tirer profit ; sans effet de surprise, aucun gain significatif ne saurait se matérialiser.

Et pourtant, à l'issue d'une séance qui en rappelle la série de mauvaises qui s'enchaînent depuis le 2 janvier dernier -- -1,5% à Paris, c'est loin d'être la pire -- nous résistons à la tentation de rejoindre le camp des ours.

Certes, le CAC 40 démontre une fois encore sa vulnérabilité aux mauvaises nouvelles, lesquelles se sont enchaînées à un rythme infernal en ce mercredi... mais il y avait peut-être matière à redouter un score encore bien plus négatif face à une grêle de mauvais coups pleuvant de toutes parts.

Le flirt du pétrole avec les 100 $ depuis mardi dernier -- 99 $ hier -- risque de conforter la BCE dans sa stratégie de statu quo monétaire... et comble du paradoxe, cette flambée ne s'est même pas avérée profitable pour les valeurs pétrolières ; le titre Total a perdu 1,8% et Vallourec 3%.

Les places asiatiques, assommées par un baril de pétrole franchissant la barre des 100 $, ont perdu pied au cours de la nuit : -2% à Hong-Kong et Shanghai, -3,25% à Tokyo.

Les places européennes ont pris le relais avec une lourde perte initiale (-1,3%), et les scores n'ont cessé de s'aggraver avec la déferlante de chiffres macroéconomiques et d'informations d'entreprises en provenance des Etats-Unis, toutes pires les unes que les autres.

Il y en avait pour tous les goûts : dégradation de la conjoncture immobilière, forte chute (3%) des demandes de permis de construire en janvier aux Etats-Unis (au plus bas depuis 1991), poussée de l'inflation -- le CPI bondit de 0,4% au mois de janvier, soit un rythme annuel de 4,3% -- et le core rate, hors alimentation et énergie, affiche une envolée de 2,5%.

Cerise sur le gâteau, le fonds KKR s'efforce d'obtenir le rééchelonnement et le report du remboursement de certaines lignes de crédit, alimentant le soupçon d'un défaut de liquidité.

De quoi faire flancher pour de bon la City, puis, dans son sillage, Wall Street ; il lui serait beaucoup pardonné car à l'impossible, nul n'est tenu ! Cependant, à mi-séance, les indices américains baguenaudaient allègrement dans le vert avec des 0,5% pour le S&P et le Nasdaq !

Les investisseurs américains plaçaient-ils tous leurs espoirs dans la publication d'un bon Livre beige par la Fed en début de soirée ? Nous verrons que cela ne fut même pas le cas ! Ben Bernanke et ses collègues abaissent de 0,5% la fourchette prévisionnelle de la croissance américaine, de 1,8 et 2,5% à 1,3% et 2%.

Cette décision est conforme aux attentes des marchés ; beaucoup d'experts comprennent à demi-mot qu'un score de 1% serait tout aussi plausible... et que de nouveaux assouplissements monétaires sont dans les tuyaux afin de contrer les incertitudes liées à la crise de l'immobilier -- induisant une dégradation persistante des conditions de crédit.

Hier, les fondamentaux hurlaient de vendre mais nous n'en avons rien fait -- seule notre expérience des phases de survente des marchés nous murmurait d'acheter. Les marchés détestent donner raison au plus grand nombre, en voilà une nouvelle preuve.

Mais il ne nous viendrait pas à l'idée de négliger l'effondrement de la légende du découplage économique des Etats-Unis et des autres zones géographiques -- comme si cela avait du sens dans un système globalisé.

Cette théorie ressemble à une absurdité mais les autorités européennes, la BCE la première, soutenaient encore au milieu de l'été 2007 que la dégradation conjoncturelle aux Etats-Unis et la crise des dérivés de crédit -- un "tsunami financier" selon les propres termes du Gouverneur de New York, Elliott Spitzer -- n'auraient que peu d'impact sur la croissance en Europe ; les échanges transatlantiques ne doivent pas représenter plus de 20% du commerce extérieur de la Zone euro.

Mais c'est sans compter sur l'étroite imbrication des systèmes financiers et la quasi uniformisation du métier des banques de type global players. Elles sont en effet présentes sur les cinq continents et opèrent sur les mêmes marchés dérivés, les mêmes produits à effet de levier, les mêmes approches mathématiques du risque... et les mêmes illusions en matière de capacité à se montrer plus malin que tout le monde si les choses tournaient mal ; les accidents, c'est toujours pour les autres et, en plus, on a souscrit les meilleures assurances crédit auprès des monoliners... peu importe que nos concurrents aient les mêmes.

Mais la crise financière s'est propagée à une vitesse fulgurante de New York vers Londres, Paris puis Francfort, détériorant les bilans et la solvabilité de la quasi-totalité des établissements de crédit, lesquels se méfient tous les uns des autres -- et pour cause, ils sont bien au courant des cadavres qui gisent dans leurs placards respectifs.

Adieu la corne d'abondance des CDO, des CDS et autres RMBS !

Le dernier pari que Wall Street puisse tenter, c'est d'imaginer que les monoliners parviendront à lever suffisamment de fonds pour échapper à un démantèlement. Tant que cette illusion perdure, l'hypothèse d'un sursaut du Dow Jones jusque vers 12 750 points pourra continuer de motiver les acheteurs ; nous comptons bien là-dessus pour aborder la prochaine phase de capitulation des cours avec les meilleurs instruments de suivi des indices à la baisse.

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Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

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