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La remonétisation, un tsunami dans le petit monde de l’or

 “Changement de statut : l’or passe du statut d’investissement au statut de monnaie”, titrait récemment BusinessWeek.

" “Depuis quelques mois, l’or est de plus en plus considéré comme de la monnaie, et de moins en moins comme une matière première”, nous dit l’analyste RP Stoferle d’ErsteGroup ", écrit

“L’or sera considéré comme un actif AAA, avec un énorme avantage sur ses autres concurrents : sa note ne sera délivrée par aucune agence de notation. Sa note est intrinsèque”, nous dit Simone Wapler dans L’Investisseur Or & Matières.

En attendant, la Chine, parfaitement consciente du potentiel de l’or en la matière, accumule sur tout repli…

▪ L’or est-il vraiment en train de se remonétiser ?
Soyons factuels : les banques centrales achètent de plus en plus d’or pour diversifier leurs réserves de change. Elles considèrent donc bien l’or comme une monnaie, au même titre que le dollar ou l’euro.

L’Etat de l’Utah, au coeur des Etats-Unis, vient même de reconnaître officiellement l’or et l’argent-métal comme moyens de paiement. Treize autres Etats américains tentent actuellement d’imposer le cours légal pour les pièces en or et argent.

Mais il y a bien plus frappant encore… L’or devient un actif core tier one, à niveau égal avec le cash (comprenez dollar, euro…).

▪ Tsunami dans le petit monde de l’or
L’or core tier one ?…

Ne vous laissez pas impressionner par les mots. Les accords de Bâle III sont nés, rappelez-vous, de la quasi-implosion du système financier mondial en 2007/2008 (la fameuse crise des subprime). Son objectif (entre autres) : renforcer les fonds propres des banques, ceux-ci servant de couverture contre le risque de dépréciation des actifs bancaires.

Nos banques doivent respecter un ratio de fonds propres de 8% (ratio Cooke) ; pour prêter 100, elles devront donc avoir 8 de fonds propres pour couvrir les éventuelles “ardoises” qu’elles pourraient avoir à subir.

Bâle III (version 2010) détaille les actifs core tier one qui peuvent servir de fonds propres : le cash et les obligations AAA bien sûr. Et l’or (physique) ? Dans une certaine mesure… franchement dissuasive.

Jusqu’ici, l’or détenu par la banque pouvait servir de fonds propre, mais avec une décote de 50% sur sa valeur. Le lingot de 42 000 euros ne sera donc comptabilisé en fonds propres qu’à hauteur de 24 000 euros. Vous comprenez pourquoi les banques n’avaient aucun intérêt à détenir de l’or, mais plutôt des obligations souveraines…

Cette situation change aujourd’hui totalement ; le comité de Bâle III (version 2012) a décidé que dorénavant l’or sera comptabilisé pour 100% de sa valeur. Il est donc considéré comme un actif à risque 0, au même titre que des obligations souveraines notées AAA, ou les liquidités en dollar ou euro.

Les banques et compagnies d’assurance ont donc aujourd’hui autant intérêt à détenir de l’or en stock que des obligations souveraines, du dollar ou des euros. Dit autrement, les banques vont enfin pouvoir diversifier leurs réserves en intégrant l’or, sans pour autant être pénalisées puisqu’il est dorénavant comptabilisé à 100% de sa valeur car jugé sans risque.

▪ Cette décision du Comité de Bâle est énorme…
Le fait d’accorder à l’or physique un rôle identique à celui du dollar ou de l’euro est un véritable tsunami. Et pour beaucoup, un signe de plus de sa remonétisation en cours.

“C’est peut-être l’histoire financière de l’année la plus passée sous silence [...] Pour la première fois l’or physique serait classé au même rang que le cash en dollar, les bons du Trésor américains et d’autres actifs explicitement garantis par le gouvernement fédéral ”, dit John Butler, directeur de la stratégie d’allocations d’actif de la Deutsche Bank (extrait de L’Investisseur Or & Matières).

Plus énorme encore : ces avancées secouent le landernau américain puisque des propositions en ce sens commencent à circuler outre-Atlantique (FDIC), au grand dam de la Fed qui voit tout cela d’un très mauvais oeil.

▪ Beaucoup avaient pris les devants
Les chambres de compensation, banques d’investissement et Bourses ont été les premières à franchir le pas.

- L’ICE, grande chambre de compensation européenne dans les marchés dérivés, accepte depuis longtemps l’or en collatéral.
– Début 2011, J.P. Morgan avait lancé un pavé dans la mare en devenant la première banque d’investissement à accepter les lingots d’or en collatéral.
– Le COMEX et le CME ont suivi en acceptant l’or physique en garantie de tous les contrats (futures, dérivés…).
– Même le parlement européen a voté à l’unanimité le droit, pour les banques centrales, d’utiliser leur or comme collatéral…

Et je ne parle pas du parti républicain américain qui a récemment annoncé son intention de monter une commission pour réfléchir à la possibilité… d’un retour à l’étalon-or.

▪ Remonétisation : la faute à la dette
L’or n’est donc plus considéré comme un simple métal, mais bien comme un actif monétaire qui présente l’avantage de n’être la contrepartie de rien (contrairement au dollar qui se traîne un boulet de 15 000 milliards de dettes américaines, lequel entame sa valeur et la confiance de ses détenteurs).

L’or se remonétise au fur et à mesure de la monétisation de la dette publique par les banques centrales… Comprenez que le mouvement de remonétisation de l’or est le pendant, la conséquence directe, de la dépréciation/déperdition progressive des monnaies fiduciaires ; elle-même induite par la crise de la dette souveraine des états.

A contrario, la résorption des dettes et la remontée des taux d’intérêt signeront sans aucun doute l’arrêt de mort de l’or.

 

Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises du 19/10/2012.

Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l'Edito Matières Premières (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s'est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l'investisseur particulier de découvrir et de comprendre l'investissement sur ce marché des matières premières.

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