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Profitez des replis de l'or pour vous renforcez

De plus en plus de cris d'orfraie

accompagnent la montée de l'or. Certains commentateurs, qui prônent l'achat d'actions, de certificats matières premières, d'obligations et d'actifs papiers en tout genre, s'effarouchent d'un danger de bulle aurifère, écrit Simone Wapler pour L'Edito Matières Premières & Devises.

Comme dit et redit, nous pensons que nous sommes loin de la phase de bulle et nos objectifs finaux raisonnables sont de 2 500 $ et 1 500 euros l'once.

Mais tout d'abord, qu'est-ce qu'une bulle ? Un niveau de cours grotesque et déraisonnable. Que serait un tel cours pour l'or ?

Un peu d'arithmétique et d'historique...

Première façon de voir les choses : convertir l'or en pétrole
La moyenne historique est qu'une once d'or achète entre 15 et 16 barils de pétrole.

L'or noir se négocie actuellement autour de 75 $. L'once cote actuellement 1 100 $. Le ratio actuel de 14,6 est rigoureusement normal.

Mais cette relation or/pétrole est finalement assez récente (XXe siècle) et surtout capricieuse. Par le passé, ce ratio a été inférieur à 10 plusieurs fois (1976, 1983, 2001, 2006 et 2008) et supérieur à 25 (1972-1974, 1986-1989, 1994, 1999).

Deuxième façon de jauger : l'adossement du dollar à l'or
Si chacun des dollars existants devait être garanti par de l'or, il serait à 6 300 l'once.

L'équation est simple : la base monétaire de la Fed est de 1 700 Mds $, celle-ci possède 8 133,5 tonnes d'or, soit 263 millions d'onces, ce qui nous amène au dollar/or à 6 400 $ (1 700 milliards/263 millions).

Je vous l'accorde, c'est un raisonnement excessif qui revient à vouloir retrouver le bon vieux temps où le dollar était "as good as gold", c'est-à-dire convertible en or. Depuis la fin des accords de Bretton Woods, rien n'oblige les Etats-Unis à garantir leur billet vert.

Mais, à cause de cette convertibilité bien commode, les banques centrales étrangères avaient entassé des réserves en dollars pour garantir leur propre monnaie papier. Après la fin des accords de Bretton Woods, elles n'ont pas remplacé leurs dollars par de l'or.

Une autre façon de calculer serait donc de dire que les réserves en dollars des banques centrales étrangères ne valent plus grand-chose et surtout les 3 700 Mds $ de bons du Trésor émis par les Américains dont le remboursement devient de plus en plus délicat. Là c'est encore pire... Cela nous mettrait l'once à 14 000 $.

Tous ces chiffres sont bien évidemment contestables. Mais ils prouvent une chose : au niveau actuel l'or est loin, très loin, d'une bulle.

Un peu de psychologie : Rodrigue, Minsky, Kindleberger...
Mais comment se forme une bulle ? Jean-Paul Rodrigue, de l'université de Hofstra, a modélisé quatre phases :

- la phase furtive : les cours montent très doucement seuls les experts apprécient le changement. Les investisseurs avisés se placent ;

- la phase d'alerte : la montée des cours est un peu plus accentuée. Les investisseurs institutionnels rejoignent les investisseurs avisés ;

- la phase maniaque : le phénomène attire l'attention des médias. Le grand public rejoint les investisseurs avisés. A la fin de cette phase, le point culminant sera rapidement atteint ;

- la phase d'éclatement : elle est brutale. Le cours redescend sous le niveau de la phase furtive avant de reprendre la tendance linéaire de long terme.

Selon ce schéma, j'estime que l'or ne fait que commencer sa phase maniaque
En effet, l'attention des médias est récente. Et encore, cette attention témoigne d'incompréhension. La plupart des médias analyse en effet l'actualité de l'or comme celle d'une matière première et non comme celle d'un actif monétaire.

De plus, le grand public est loin d'être acheteur. Bien au contraire : les publicités concernant les rachats de débris d'or fleurissent un peu partout. On y demande au grand public de se défaire de son or, de le vendre, pas de l'acheter ! Et il se prête au jeu.

Selon Dylan Grice, nous n'en sommes qu'à la première étape, celle du déplacement
Dylan Grice, un stratégiste de la Société Générale basé à Londres, préfère quant à lui, se référer au modèle de Minsky. Hyman Minsky, auteur de Stabilizing an Unstable Economy (YUP, 1986), est un historien des crises financières et monétaires. Ses travaux ont ensuite été exploités par Charles Kindleberger, auteur de Manias, Panics and Crashes : a History of Financial Crises (Basic Books, 1989) qui, lui aussi, modélise l'anatomie d'une bulle en quatre étapes :

- le déplacement. Cette situation provient d'une rupture : introduction d'une nouvelle technologie (vapeur, chemin de fer, électronique, Internet...) ou d'une déréglementation, d'un changement des règles du jeu ;

- le boom. La croissance qui entraîne de belles histoires fantastiques. "Nous allons être riches sans travailler. Internet va changer le monde..." ;

- l'euphorie. Chacun veut en être. L'idée d'avoir "loupé le train" est le cauchemar ;

- la crise. Les précurseurs, initiateurs vendent. Les prix baissent, le doute s'insinue.

Selon Dylan Grice, dans le cas de l'or aujourd'hui, nous n'en sommes qu'à la première étape, celle du déplacement. L'analyste s'appuie sur le fait que c'est seulement maintenant, à la fin de 2009, que les banques centrales sont passées acheteuses nettes d'or pour leurs réserves. Et pour lui, c'est cela le signe indiscutable du changement des règles, de la dérèglementation, de la fin de l'étalon dollar.

Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart's... Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements « tangibles ». Elle analyse chaque mois le secteur aurifère et les marchés étrangers dans la lettre d'investissement Vos Finances - La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l'Edito Matières Premières ou dans différents rapports d’investissements.

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