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Après le sommet européen, les marchés se tourneront vers les publications de résultats… Aïe !

Les promesses d’achat de logements aux Etats-Unis dopent le CAC 40

" Ce mercredi 27 s’est achevé par un de ces mouvements boursiers purement techniques — et conjoncturellement imbécile — de +1,7% sur les places européennes, sans le moindre fondement économique ou politique ", écrit Philippe Béchade pour La Chronique Agora.

Cette hausse surprise n’était probablement destinée qu’à prendre en défaut le consensus des opérateurs, devenu un peu plus baissier mardi après-midi après les dernières déclarations d’Angela Merkel. Cette dernière exclut toute solution rapide et facile pour sortir la Zone euro de la crise actuelle.

Puisque les investisseurs se couvrent (ou passent vendeurs pour les plus audacieux) avant un sommet européen dont il ne faut rien attendre, taillons-les en pièces avant le week-end. Récupérons ainsi quelques précieux points de volatilité sur les marchés dérivés en attendant de sortir de la fourchette 2 950 / 3 150.

Rien de tel qu’un décalage indiciel imprévisible et sans aucun rapport avec l’actualité du jour pour rappeler qui est le chef sur les marchés ! Les quatre plus gros courtiers de Wall Street contrôlent en fait directement ou indirectement 90% des échanges sur les dérivés action et ils sont totalement hégémoniques sur le marché des CDS. Ils en détiennent le monopole à eux quatre.

▪ Les marchés, victimes de coups spéculatifs très court terme
Rien de plus facile lorsque les volumes s’avèrent d’une extrême étroitesse que d’orchestrer des coups de boutoir spéculatifs de très court terme.

Il s’agit là de sortes d’opération commando à mener à bien en une ou deux heures avant de purger les carnets d’ordres.

Paris, avec ses 1,67% de hausse (contre +0,15% en pré-ouverture), illustre à merveille le genre de marchés auxquels nous sommes confrontés chaque fois que les carnets d’ordres se vident. Ils ne tardent pas à se remplir de pseudo-ordres d’achat ou de vente robotisés (flooding) qui prennent le contrepied des positions ouvertes sur les instruments à terme.

N’ayant qu’une faible conviction dans leurs stratégies vu l’incertitude ambiante, ceux qui les détiennent préfèrent les déboucler rapidement, de peur qu’un vrai mouvement directionnel ne s’enclenche au cours de la nuit prochaine.

Ce n’est pas de la Bourse, c’est du poker… et du “poker tricheur” car une seule catégorie de joueurs dispose de la faculté de lire dans le jeu des adversaires et de les intimider en faisant mine de faire tapis à quelques minutes de la clôture.

Sur le CAC 40 par exemple, les échanges atteignaient péniblement 1,8 milliard d’euros à 17h30. Mais ils ont été soudain amplifiés par un volume de 500 millions d’euros qui a surgi de nulle part et comme par enchantement durant les cinq minutes du fixing de clôture.

Il suffit de procéder à quelques arbitrages entre fonds long short — l’un servant de contrepartie à l’autre — pour donner l’illusion d’un marché où les acheteurs étaient bien présents… alors qu’il n’y avait strictement personne.

▪ Les promesses d’achat de logements aux Etats-Unis dopent le CAC 40

On a pu voir le CAC 40 progresser en moins de deux heures de 0,3% vers 1,7%. Tout s’est passé comme si vers 16h, l’annonce du rebond de 5,9% des promesses d’achat de logements neufs aux Etats-Unis (après une chute symétrique de 5,5% en avril) chassait d’un coup tous les nuages macro-économique sur l’ensemble de la planète.

Ce n’est évidemment pas le cas, surtout avec les signaux de ralentissement économiques en provenance d’Allemagne, où une amorce de déflation se dessine en cette fin de premier semestre : un véritable scénario à la japonaise.

Mais la Bank of Japan n’avait pas tardé à comprendre que la récession du début des années 90 risquait de tourner à la dépression économique si l’effondrement de la consommation n’était pas au plus vite compensée par des dépenses d’investissements gouvernementaux et des stimuli monétaires en faveur de l’industrie, du BTP, du secteur automobile, etc.

Vingt ans plus tard, le Japon se bat encore contre la déflation mais l’Allemagne redoute qu’un timide recours à la planche à billets ne déclenche un torrent d’inflation.

▪ L’Allemagne a la phobie de la planche à billets
C’est marqué en toutes lettres dans les manuels d’économie germaniques rédigés au début des années 1930, après le désastre hyper-inflationniste qui avait caractérisé la République de Weimar.

Sauf que l’Allemagne avait été contrainte d’imprimer de l’argent pour faire face aux réparations exorbitantes de la guerre de 14. Aujourd’hui, l’Allemagne ne doit d’argent à personne et s’impose comme la première puissance créancière de la Zone euro.

Les temps ont changé, mais pas le point de vue allemand sur l’orthodoxie monétaire et l’inflation.
Pour en revenir à des préoccupations plus terre à terre, une fois passé le 18ème sommet européen dont personne n’attend plus rien, le marché va tourner son radar du côté des entreprises, avec la publication des premiers résultats trimestriels (attendus pour la fin de la semaine prochaine).

Les profit warnings risquent de se multiplier ; ceux que nous avons déjà recensés (Danone, Procter & Gamble, Nokia, Infineon…) augurent mal des résultats des entreprises en cette fin de premier semestre 2012.

N’en déplaise à Angela Merkel, c’est bien de la chute persistante de la consommation dans l’Eurozone qu’il s’agit et non d’une contraction temporaire de l’activité dans le secteur de la construction pour cause d’élections présidentielles et législatives (chute de 19% des mises en chantier de logements en France sur mars/avril/mai).

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers. Directeur de la rédaction aux Publications Agora et intervenant quotidien sur BFM depuis mai 1995, il est aussi la 'voix' de l'actualité boursière internationale sur RFI depuis juin 2002. Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme.

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